Le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et l'Inspection générale de l'administration devront remettre sous dix jours ''un pré-rapport sur les causes de la catastrophe, y compris la rupture de certaines digues indiquant les travaux à entreprendre de toute urgence'', selon le compte-rendu de l'Elysée. Des propositions devront être rendues d'ici deux mois pour recenser les digues et les lieux menacés, ainsi que déterminer les maîtres d'ouvrage exploitants de toutes les digues dans les zones à risque. Un plan de financement sur cinq ans destiné à la réfection prioritaire de digues existantes devrait être mis sur pied.
Vieillissement des ouvrages
Pour Nicolas Gérard-Camphuis, directeur du Centre européen de prévention du risque inondation (Cepri), ''la première difficulté de ce plan va être d'identifier les propriétaires des digues. Pour un tiers du linéaire de digues (3.000 à 3.500 km), soit le propriétaire n'existe pas, soit ne remplit pas son rôle d'entretien des digues''. L'enjeu est d'importance, car la protection contre les inondations relève de la responsabilité des propriétaires riverains. C'est donc à eux que revient la réalisation de digues de protection contre les inondations ainsi que leur maintien et leur contrôle. Ce cadre juridique est fixé par une loi napoléonienne de 1807 sur le dessèchement des marais. Puis, il va falloir demander leur avis à tous ces propriétaires, qu'ils cèdent leur propriété, avant de trouver une collectivité qui accepte de s'en saisir. ''Cela va prendre du temps, comme pour toutes les grosses infrastructures. Il suffit de voir le temps que prend la construction d'une autoroute, par exemple''. Le Cepri devrait proposer des solutions sur ce point à la fin du mois.
Le gouvernement va aussi buter sur l'identification des digues. Le ministère chargé de l'environnement (Meeddm) estime le linéaire de digues entre 8.000 et 10.000 kilomètres. 7.600 kilomètres d'entre elles atteignent plus de un mètre de hauteur. Parmi elles, 1.000 kilomètres sont considérées à risque.
Faiblesse de la prévention
''Les digues donnent une fausse impression de sécurité, tempère Benoît Hartmann, coordinateur du pôle aménagement durable du territoire chez France nature environnement (FNE). On ne pourra pas protéger tout le littoral français car cela coûterait beaucoup trop cher. Il va falloir une gestion d'un risque dynamique, qui évolue, et qui va être de plus en plus fort avec la montée annoncée des eaux liée au changement climatique''.
La tempête Xynthia permet aussi de rappeler l'insuffisance des plans de prévention du risques inondations (PPRI), prévus parmi d'autres plans de prévention des risques naturels par une loi de 1995. 12.000 communes devraient être dotées de PPRI, selon le Meeddm. Elles n'étaient que 7.600 à en être dotées fin 2009. Là aussi, les PPRI ne règlent pas tout. ''Il ne suffit pas de dire aux gens : 'vous êtes en zone inondable'. Il faut leur rappeler qu'il existe un risque sur les personnes, les biens, voire les deux''. La concrétisation d'un PPRI peut passer notamment par des travaux de réduction de la vulnérabilité du bâti existant. Or la lenteur et la complexité des travaux ont déjà été pointées par la Cour des comptes dans son rapport annuel 2009.
Urbanisation mal contrôlée
La hausse impressionnante du nombre de constructions nouvelles en zones inondables est à nouveau mise en exergue. L'inondation constitue le premier risque naturel en France. Le cas de La Faute-sur-Mer (Vendée), qui concentre la moitié des 52 personnes mortes noyées le week-end dernier, est frappant. Selon un rapport de la Direction départementale de l'Equipement (DDE) de Vendée rendu public en octobre 2008, et relayé par Reuters, ''la conjonction de deux phénomènes, de crue dans l'estuaire du Lay (la rivière qui sépare L'Aiguillon-sur-Mer de La Faute-sur-Mer) et de submersion marine, pourrait avoir un impact très important sur les zones densifiées à l'arrière d'un réseau de digues vieillissant''. Or plus de 3.000 maisons auraient été construites dans les années 1980 derrière une digue en terre créée après de précédentes tempêtes en 1926 et 1929, selon ce rapport… De 1999 à 2006, ce sont près de 100.000 logements qui ont été construits en zone inondable dans 424 communes françaises, selon le Service de l'observation et des statistiques (SOeS) du ministère de l'environnement.
Une tendance confortée au plus haut niveau de l'Etat. Dans une interview accordée à l'hebdomadaire Le Marin le 13 avril 2007, l'alors candidat à la présidentielle Nicolas Sarkozy estimait que la loi Littoral de 1986 devrait être renforcée ''pour mieux lutter contre les cas de détournement qui ont été constatés'', tout en étant assouplie ''pour ne pas entraver le développement normal des communes''… Rétropédalage lundi 1er mars. En déplacement en Vendée et Charente-Maritime, les deux départements les plus dévastés par la tempête, le chef de l'Etat ne pouvait pas faire autrement que de mettre en cause leur politique d'urbanisme.
Enfin, la lumière faite sur l'urbanisation du littoral en dépit du bon sens trouve une certaine résonance en terme d'adaptation au changement climatique. Dans son rapport sur le coût des impacts du réchauffement climatique de septembre dernier, l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc) chiffrait à plusieurs dizaines de milliards d'euros d'ici 2100 la destruction de logements causée par le recul de la côte (érosion ou submersion marine) pour la seule région Languedoc-Roussillon ! Solution envisagée par l'Onerc : construire en retrait des côtes. Mais les communes littorales soumises à de très fortes pressions résidentielle et touristique l'entendront-elles de cette oreille ?