La stratégie nationale bas carbone (SNBC) offre des bénéfices à la fois écologiques et économiques, à court et moyen terme. Les investissements dans la construction neuve et l'efficacité énergétique, ainsi que la redistribution de la taxe carbone devraient permettre un regain de croissance de 1,6 point de PIB en 2035 et la création de 400.000 emplois cumulés en 20 ans. Mais à plus long terme, les bénéfices de la transition énergétique s'essoufflent, voire se retournent.
Telles sont les principales conclusions de l'évaluation macroéconomique de la stratégie bas carbone française publiée à fin novembre par le ministère de l'Environnement. Le document, rédigé par le commissariat général au développement durable (CGDD), s'appuie sur un modèle économique réalisé par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et le ministère. Pour rappel, la SNBC fixe des orientations stratégiques sectorielles permettant de réduire les émissions françaises de gaz à effet de serre (GES) de 40% entre 1990 et 2030 et de les diviser par quatre entre 1990 et 2050, conformément aux engagements français.
La construction neuve tire la croissance à court terme
Le scénario SNBC étudié par le ministère prend en compte l'application de multiples outils sectoriels : modification du mix électrique, obligation de rénovation dans le tertiaire, renforcement des certificats d'économie d'énergie (CEE), construction de bâtiments à énergie positive (Bepos) en 2020, doublement du crédit d'impôt transition énergétique (CITE), augmentation du nombre de prêts à taux zéro (PTZ), investissement dans le tertiaire public et le ferroviaire, hausse du nombre de véhicules électriques, amélioration des rendements des véhicules, modification du taux d'occupation des véhicules, développement des mobilités douces, investissement d'efficacité énergétique dans l'industrie et hausse de la taxe carbone.
La baisse de la production énergétique, la hausse du coût de production de l'électricité et l'augmentation de la fiscalité seront défavorables à la croissance, explique le document. Toutefois, la croissance sera relancée par la hausse de l'emploi, le regain d'efficacité énergétique et la baisse de la facture énergétique à moyen terme. Globalement, "la mise en œuvre de la SNBC se traduit par une hausse de 1,6 point de PIB en 2035 par rapport au scénario tendanciel", concluent les services du ministère de l'Environnement. A court terme, ce gain "est largement dû au choc d'investissement dans la construction de logements neufs entre 2017 et 2021". Pour bénéficier de cet effet, il faudrait construire quelque 170.000 logements neufs par an sur ces cinq années. A long terme, la construction de logement n'a pas d'impact sur la croissance. La mesure s'apparente donc à une anticipation des investissements, plutôt qu'à une augmentation sur l'ensemble de la période.
Le ministère estime aussi que les investissements nécessaires à la transition énergétique permettront de créer 400.000 emplois. De même, la consommation progressera de 1,3%. Quant à la balance énergétique, elle se dégradera à court terme. La hausse des prix de l'énergie et l'augmentation des importations de biens de consommation contrecarrent les effets de la réduction de la consommation énergétique.
Reverser le produit de la taxe carbone
Par ailleurs, l'étude évalue l'impact de la hausse annoncée de la taxe carbone de 22 euros par tonne de CO2 en 2016 à 56 euros en 2020 puis 100 euros en 2030. Cette taxe s'appliquant sous forme d'une "composante carbone" de la taxe intérieure sur les produits énergétiques, sa hausse a le même effet qu'une hausse des prix des combustibles fossiles. Elle renchérira les coûts de production et aura donc un impact négatif sur la croissance. Ce "choc récessif [sera] permanent", précise le document. Mais cet effet peut être contrebalancé si le produit de la taxe carbone est reversé de façon forfaitaire aux ménages sous forme d'une baisse de l'impôt sur le revenu et aux entreprises sous la forme d'une baisse des cotisations sociales employeurs, explique le ministère. Dans ce cas, "les émissions de GES baissent tandis que le PIB gagne jusqu'à 0,5% à court et moyen terme, et près de 0,15 % à long terme".
Sur le plan sectoriel, l'étude souligne l'intérêt des mesures d'incitation en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments. Les travaux d'isolation provoquent "un choc d'investissement puis des économies d'énergie, et donc un gain de PIB à court et moyen termes". Toutefois, là aussi, la fin des investissements entraîne une dégradation du PIB à long terme, une fois le parc rénové. La perte de PIB est de l'ordre de 0,1 point en fin de période. La modification de la mobilité a des effets comparables. A court et moyen terme, l'économie française bénéficie de la baisse des importations d'énergie fossile et des investissements dans les transports collectifs et le ferroviaire. Mais à long terme, les effets bénéfiques de la baisse de la circulation automobile disparaissent. En effet, les subventions accordées par l'Etat aux transports collectifs pèsent sur les finances publiques et la baisse des ventes de voiture devient défavorable.