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Actu-Environnement

Dans l'urgence, l'Europe allège les exigences environnementales de la PAC

Face à la fronde des agriculteurs, le Parlement européen allège les normes environnementales de la politique agricole commune, en urgence et sans débat. Son verdissement avait pourtant fait l'objet d'âpres négociations ces dernières années.

Agroécologie  |    |  F. Roussel
Dans l'urgence, l'Europe allège les exigences environnementales de la PAC

« Il est désormais de la plus haute importance que les colégislateurs parviennent en temps utile à un accord (…) afin de rassurer les agriculteurs sur le fait que ces nouvelles mesures peuvent s'appliquer dès que possible », insistait la Commission, en mars dernier, en pleine crise agricole européenne, en présentant des ajustements à la Politique agricole commune (PAC). Le mot d'ordre a bien été celui-ci : urgence. Urgence à rassurer, urgence à éteindre la grogne des agriculteurs européens en proie à des difficultés économiques multifactorielles, dans le cadre de la laquelle les normes - notamment environnementales jugées incohérentes et trop restrictives par les syndicats majoritaires – ont fait office de cibles à abattre.

Il y avait donc urgence à voter les mesures d'allègement, selon la Commission - la pression liée aux prochaines élections parlementaires n'y étant pas étrangère. C'est chose faite : le Parlement européen a joué le jeu en acceptant d'appliquer la procédure d'urgence, évitant ainsi les travaux préparatoires et les débats. Et a décidé de ne pas s'opposer aux propositions de la Commission lors des votes en séance plénière, mardi 23 et mercredi 24 avril.

Les allègements doivent maintenant être définitivement approuvés par les États membres. Mais là aussi, ce ne sera qu'une formalité. La présidence belge du Conseil a informé le Parlement que si les députés approuvaient la même proposition que celle adoptée par le comité spécial agriculture du Conseil à l'unanimité, le 14 avril dernier, ce dernier l'adopterait également. Pas de surprise donc. Les institutions font bloc.

La PAC perd des nuances de vert

Les petits pas environnementaux intégrés au sein de la PAC pour la période 2023 à 2027 après d'âpres négociations n'auront donc pas tenu longtemps. Ce réexamen modifie en effet les règles relatives à six conditionnalités environnementales (BCAE) sur les neufs existantes auxquelles les agriculteurs doivent se conformer pour bénéficier d'un financement.

“ Cette révision instrumentalise la colère exprimée dans le monde agricole au profit des intérêts d'une minorité de bénéficiaires des aides de la PAC ” Confédération paysanne
Ainsi, il permet de prendre en compte l'arrêt de l'élevage dans l'obligation de maintenir des prairies (BCAE 1), afin de ne pas pénaliser les agriculteurs qui modifient leurs activités en se tournant vers la culture. Ce réexamen donne plus de flexibilité aux États membres dans la gestion du labour (BCAE 5) et la définition des « périodes sensibles » de l'année durant lesquelles les agriculteurs sont soumis à la couverture des sols de leur parcelle (BCAE 6). Il efface le respect strict de la rotation des cultures (BCAE 7), au profit d'une option de diversification des espèces cultivées simultanément. Il permet le labourage sur au moins une partie des prairies permanentes de sites classés Natura 2000 (BCAE 9), si la pression des prédateurs ou d'espèces exotiques envahissantes s'avère trop forte.

Enfin, s'agissant de l'obligation de conserver un minimum de terres en jachères (BCAE 8), cette révision ouvre la voie au volontariat, laissant à la place le choix aux agriculteurs de planter des haies ou des arbres (choix qui sera alors financé par un nouveau programme d'aides).

La biodiversité sacrifiée

« La mise en œuvre difficile de la nouvelle et très complexe PAC en janvier 2023, aggravée par les événements météorologiques extrêmes et le contexte géopolitique et économique, a rendu difficile, voire impossible, le respect de certaines exigences techniques ou dans les délais, justifie la Copa-Cogeca, le syndicat agricole européen, en réagissant avec satisfaction aux votes. Dans ce contexte, l'adoption rapide des propositions par les députés est considérée comme un signal positif ». Le ministre français de l'Agriculture, Marc Fesnaux, fait également part de son satisfecit en estimant que ces « simplifications » redonnent de la « cohérence à la PAC tout en maintenant son ambition environnementale ».

Pascal Canfin, président de la commission environnement du Parlement européen (Renew) reconnaît que certaines simplifications sont les « bienvenues », mais il ne cache pas son désaccord sur la BCAE 8 consacrée aux jachères : « C'est le point noir de la réforme, avec une suppression de toutes les règles, pour tous les agriculteurs quels que soient leur taille et leur secteur, de la conditionnalité liée aux éléments de paysage et de biodiversité (…). Je ne peux qu'être en désaccord avec cette logique radicale qui revient sur dix ans d'introduction de conditionnalité de biodiversité dans la PAC », explique l'eurodéputé français, qui s'est abstenu lors du vote.

Pour les ONG, et certains syndicats agricoles, c'est la colère qui l'emporte : « Finalement, cette révision instrumentalise la colère exprimée dans le monde agricole au profit des intérêts d'une minorité de bénéficiaires des aides de la PAC. C'est politiquement irresponsable ! », estime la Confédération paysanne. « Pas d'étude d'impact, une consultation qui n'en a que le nom, la moitié des organisations paysannes non écoutées, des dispositions balayées en un après-midi quand leur négociation avait pris des mois… », résume avec amertume, l'association Terre de liens. Pour Greenpeace, il est clair que « ce vote réduit à néant les derniers vestiges de crédibilité de la politique agricole commune en matière de protection de l'environnement et de l'intérêt général ».

Les associations vont-elles en rester là ou préparer une offensive juridique ? Greenpeace rappelle que ces modifications de la PAC sont en contradiction totale avec les objectifs de neutralité climatique de l'UE pour 2030. Le principe de non-régression du droit de l'environnement mis en place en France est aussi une piste d'action. À suivre…

Réactions4 réactions à cet article

bonjour,
ce qui serait bien c'est que de la taxe foncière soit ôtée la surface de terrains pavillonnaires les espaces verts, arbres haies etc pour inciter l'usage à minima des pelouses, béton, graviers etc.
chez-moi ça représente 50% de la surface idem la maison de st hilaire et Angers avant d'être vendue. de

pemmore | 26 avril 2024 à 10h53 Signaler un contenu inapproprié

Ce n'est pas "le Parlement Européen" qui a "allégé les normes environnementales de la politique agricole commune" mais la coalition en son sein des députés de droite (macronistes ou pas) et d'extrême droite contre la gauche et les écologistes!
Comme disait CAMUS "mal nommer les choses c'est ajouter à la misère du monde"!

BIB57 | 26 avril 2024 à 10h53 Signaler un contenu inapproprié

Ces rapidité inouïe et complétude totale dans la volonté politique de faire la peau aux ambitions du Green deal, et de la PAC en particulier, ne fait guère de doute quant à une symbiose entre les décideurs ultralibéraux et les représentants des intérêts catégoriels de l'industrie : en libérant les seconds de toutes contraintes environnementales dans la production industrielle, les premiers laissent libre cours à leur idéologie politicienne fondée sur une profonde aversion de l'écologie.
Et si les électeurs européens décidaient de changer la donne ?

Pégase | 26 avril 2024 à 14h08 Signaler un contenu inapproprié

BIB57, la démocratie, ce n'est pas seulement quand BIB57 est d'accord. Et prière de ne pas m'assimiler à l'utradroite et de ne pas me traiter de nazi, je suis "de gauche" ;) mais pas du tout suiveur de l'écologisme politique ambiant.

Albatros | 26 avril 2024 à 15h31 Signaler un contenu inapproprié

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