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Chimie industrielle : la facture énergétique au cœur des enjeux économiques

Energie : l'usine du futur sera efficiente ou ne sera pas Actu-Environnement.com - Publié le 07/09/2015

Pour le secteur de la chimie, réduire sa facture énergétique permet à la fois de rester compétitif et de sécuriser ses approvisionnements. Tour d'horizon des stratégies déployées par les industriels.

Energie : l'usine du futur sera...  |    |  Chapitre 3 / 6
Chimie industrielle : la facture énergétique au cœur des enjeux économiques
Environnement & Technique N°350 Ce dossier a été publié dans la revue Environnement & Technique n°350
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A la fois par la dépendance pour son approvisionnement et le coût financier que celui-ci représente, l'énergie occupe une place stratégique pour le secteur de la chimie. Premier consommateur industriel en France, ce dernier absorbe chaque année 40% de la demande en gaz et 17% de celle en électricité, selon un rapport de l'Union des industries chimiques (UIC). Les besoins les plus gourmands en énergie du secteur de la chimie répondent d'une manière générale plus à des usages énergétiques que pour l'approvisionnement en matières premières. Cette consommation finale à usage énergétique serait par ailleurs à la baisse : entre 2005 et 2011, elle aurait diminué de 104,5 à 88,8 TWh, selon les données statistiques du Centre d'études et de recherches économiques sur l'énergie (Ceren) de juillet 2014. Et parmi les motivations pour freiner cette demande énergétique, la réduction de la facture figure en bonne place.

Un coût entre 15 et 20% de ses prix de revient

Car pour la chimie minérale et organique, le coût de l'énergie représente en effet en moyenne entre 15 et 20% de ses prix de revient, selon l'UIC. "Selon le produit de base considéré, la facture énergétique comparée à la valeur ajoutée du produit peut parfois représenter 30% et même jusqu'à 80% de celle-ci", souligne dans son rapport, l'organisation professionnelle.

Pour la société DRT, notamment spécialisée dans la valorisation de l'essence de térébenthine extraite de la résine du pin, l'augmentation du prix a compté dans la mise en place d'une démarche de performance énergétique. "Une des motivations, en juillet 2008, a été un prix du baril de pétrole à des sommets et une augmentation régulière et inéluctable du prix de l'électricité", explique Christophe Marsan, directeur QHSE de l'entreprise. La société a alors initié des diagnostics énergétiques sur ses sites et a cherché des alternatives vers des énergies non fluctuantes. Elle a notamment opté pour de la cogénération avec un combustible biomasse de proximité (dont 18% est constitué de coproduits de ses fabrications). Pour progresser dans la réduction de ses consommations, DRT a lancé des opérations de management et d'optimisation des procédés. "C'est un gain de compétitivité, note-t-il. Certains clients sont également enclins à nous voir progresser dans le domaine de l'efficacité énergétique".

Au niveau mondial, un groupe comme Bayer s'est fixé un objectif de 10% d'efficacité énergétique supplémentaire en 2020. "Nous n'avons pas de sous-objectifs par pays, admet Emeric Gilbert, directeur HSE - développement durable et gestion des sites France Bayer. Cela n'est pas évident selon les cultures : l'énergie n'est pas considérée de la même façon aux Etats-Unis qu'en Europe, tout cela doit être mis en synergie pour répondre à la politique globale". Pour réduire la consommation d'énergie, un des leviers initiés par Bayer passe par le choix du procédé de fabrication. Ainsi pour fabriquer du chlore, le groupe a opté pour un procédé moins énergivore qui utilise des cathodes dépolarisées à l'oxygènes (ODC). "Avec l'ODC, nous consommons 37% d'énergie en moins que par rapport à un procédé classique", pointe Emeric Gilbert. Autre type d'initiative : le site Villefranche-Limas (69), dédié à la formulation et au conditionnement des produits, est approvisionné en matières premières par voie fluviale. Toutefois, "cela demande une meilleure planification", constate le directeur HSE de Bayer France.

Exploiter la localisation du site

Un accès difficile à l'énergie peut également mener à une démarche de recherche de sobriété. "Cette démarche fait partie de notre ADN mais est également due à la localisation de Melvita en plein cœur de la nature Ardèche, précise Richard Vinardi, directeur des activités industrielles du groupe l'Occitane. Nous avons des accès à l'énergie compliqués : tirer des lignes d'énergie, installer des postes c'est toujours délicat. Nous dimensionnons nos sites, en pleine croissance, en fonction de cette dimension". Le groupe a donc introduit la dimension énergie dans l'ensemble de ses cahiers des charges et tente d'optimiser les process. Un bilan énergétique est systématiquement réalisé pour tout équipement remplacé ou nouveau. Les phases de fabrication ainsi que de conditionnement sont analysées comme les plannings pour limiter les pics et les creux et arriver à une consommation plus lissée. "Comme les écarts thermiques sont importants en Ardèche, plutôt que de l'isolant, nous avons privilégié des toitures végétalisées, développe Richard Vinardi. Cela nous permet d'avoir des apports de puissance plus réduits, nous utilisons également des puits de lumière, des chauffe-eaux solaires, des panneaux photovoltaïques, une station d'épuration naturelle avec des roseaux qui nous garantit un besoin d'énergie plus réduit qu'une Step traditionnelle". La situation en flanc de collines des bâtiments a également permis d'exploiter l'inertie thermique des sols pour les stockages de matières premières.

Un intérêt à mutualiser ses expériences

Melvita a également intégré un groupe, le réseau pour la performance énergétique Ardèche, avec six autres acteurs départementaux pour partager leurs expériences. Ces derniers se sont fixés un objectif de réduction de 6% en trois ans. Avec les actions identifiées par le réseau, ils espèrent atteindre 4,11% des consommations globales pour 2015, soit l'équivalent de 150 tonnes de CO2 (consommation de 83 véhicules/an).

L'entreprise Steiner, spécialiste des matières colorantes synthétiques, membre du groupe Axyntis, a également souhaité mutualisé son expérience acquise. "Cela fait plus de 15 ans que nous sommes engagés dans la démarche, souligne Yorick  Anceau, responsable maintenance-travaux neufs de Steiner. Depuis trois ans, nous adhérons au programme EPEE 2020 mis en place par l'association Energies Haute-Normandie, destinée à accompagner les entreprises dans leur démarche énergétique à la fois par des diagnostic énergétiques primaires et dans la mise en place de ces actions". Créée en 2009 à l'initiative d'entreprises, de l'Etat et du Conseil régional, elle regroupe 63 PME et groupes industriels. Le diagnostic de Steiner a mis en évidence les postes de consommation énergétique prioritaires : le remplacement des quatre moteurs de quatre mélangeurs ainsi que celui du moteur du rotor du sécheur associé à la production de colorants en poudre. Au final, l'économie réalisée est de 19% par an soit 1.988 MWh par an (sur une base de 705 tonnes de colorants purs/an) et 29.690 €/an. "Je travaille aujourd'hui à une solution de financement pour remplacer notre chaudière vapeur, datant de 1992, par un générateur à haut rendement - 100% contre 75 à 80% actuellement, projette Yorick Anceau. Une seconde chaudière à eau chaude sera dédiée au chauffage des ateliers, actuellement assuré par des aérothermes vapeur, consommant énormément d'énergie".

Une filiale dédiée à l'énergie

L'entreprise Solvay a, quant à elle, choisi de développer une entité entièrement dédiée à l'optimisation de la facture énergétique et des émissions de gaz à effet de serre. "Nous sommes de très gros consommateurs sur des marchés de commodités, dont les produits sont à très forte compétition. L'enjeu est de préserver nos positionnements, souligne Alain Michel, directeur industriel pour Solvay Energie Service. Pour les produits de spécialité, la démarche jouera sur la progression des marges". La méthodologie de Solvay consiste à déployer sur le terrain, site par site, une équipe d'experts en efficacité énergétique.

"Selon la taille du site et la complexité du process, l'analyse durera entre six et neuf semaines à temps complet sur le site", précise Alain Michel. La démarche se compose d'une phase de collecte des données de consommation du site toutes énergies confondues (y compris l'air comprimé et les réseaux d'eau), une phase de consolidation de ces dernières puis leur analyse pour identifier les principales pertes par rapport à la consommation optimale théorique du site. "Ensuite, nous menons un travail de priorisation, pour sélectionner les postes qui permettent le plus de réduction de perte, décrit Alain Michel. Les leviers récurrents sont la récupération de chaleur sur des usines chaudes, par exemple des condensats issus de la consommation de vapeur dans nos échanges thermiques ou lorsque les produits après séchage sortent plus chauds que nécessaire". Les équipes réalisent un plan d'actions et identifient les investissements à réaliser et les économies d'énergie attendues. "Le site de Chalampé a été l'un des premiers sites à se lancer dans cette photographie globale de l'ensemble des consommations d'énergie, souligne Savino Leone, directeur du site de Chalampé (Alsace). Nous avons réduit de 10% notre consommation énergétique". Le site a notamment réalisé un gain de 8 mégawatt grâce à un projet mené en partenariat avec la région Alsace (Irene). Ce dernier a permis de récupérer sur un atelier d'oxydation du cyclohexane les calories de cette réaction, très exothermique, grâce à des échangeurs.

L'obstacle de l'investissement

L'une des principales difficultés de la démarche pointée par la plupart des industriels interrogés reste l'investissement. "Nous devons être suffisamment imaginatifs pour réduire au maximum l'investissement tout en dégageant des gains en terme d'énergie", constate  Savino Leone (Solvay). Un des leviers consiste à mettre en place un système de suivi. "La mesure des consommations est la base de l'efficacité énergétique. Elle nous permet de nous concentrer sur les coûts énergétiques les plus importants et nous restitue le résultat de nos efforts", précise Christophe Marsan (DRT).

L'article 40 de la loi Ddadue prévoit que certaines grandes entreprises devront initier un audit énergétique tous les quatre ans par un auditeur indépendant. Le premier audit doit être réalisé au plus tard le 5 décembre 2015. Les entreprises mettant en place un système de management de l'énergie par la certification ISO 50001 seront toutefois dispensées de cette obligation. Parmi les sociétés interrogées, l'échéance ne semble pas constituer une difficulté : que les audits soient à initier ou à réactualiser. "L'Afnor, après avoir analysé notre méthodologie, nous a accrédité dans la liste des certificateurs pour les audits énergétiques", souligne quant à lui Alain Michel. Pour les plus petites, non soumises à cette obligation, la norme ISO 50001 apparaît comme inadaptée. "Pour nous ce n'est pas une priorité, estime Yorick  Anceau (Steiner). Pour une entreprise de notre taille, la mise en place et le suivi de cette démarche représenterait un coût financier et une mobilisation de ressources très importants, qu'il est préférable de consacrer à des actions concrètes sur les économies d'énergie".

Dorothée Laperche

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Reproduction interdite sauf accord de l'Éditeur.

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