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Sécuriser l'alimentation en eau potable (2/4) : Limoges Métropole cherche à mieux protéger ses ressources

Protéger la qualité de l'eau est l'un des leviers pour réduire les tensions sur la ressource. Limoges Métropole participe notamment au projet Phos-Fer, qui contribue à prévenir l'eutrophisation des eaux superficielles.

TECHNIQUE  |  Eau  |    |  D. Laperche
Sécuriser l'alimentation en eau potable (2/4) : Limoges Métropole cherche à mieux protéger ses ressources
Environnement & Technique N°393
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°393
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Une centaine de captages ferment chaque année à l'échelle nationale à cause de la pollution de la ressource. Et les eaux superficielles ne sont pas épargnées par ces dégradations. En cause : les activités industrielles, agricoles, mais également les usages domestiques. Ces contaminations réduisent d'autant la capacité de résilience d'un territoire face à des épisodes de sécheresse.

De nombreuses initiatives ont vu le jour pour tenter d'inverser la tendance. Parmi elles, Limoges Métropole (Haute-Vienne) a lancé, en 2020, une démarche « Territoire en transition hydrique » pour notamment limiter les risques de rupture d'approvisionnement et la pollution de l'eau. Les enjeux sont importants pour le deuxième pôle urbain de Nouvelle-Aquitaine, d'un point de vue économique comme stratégique : le climat (1) du territoire évolue et se « méditerranéise ». Ceci alors que la région accueille de nombreuses cultures consommatrices d'eau. Et que la qualité des masses d'eau doit progresser : un tiers des masses d'eau souterraines y sont en mauvais état chimique et deux tiers des masses d'eau superficielles sont considérées comme dégradées.

« 98 % de notre production d'eau potable provient de ressources à surface libre, notamment de retenues ; nous disposons de très peu de captages », situe Julien Villard, un des chargés de mission transition hydrique de Limoges Métropole. La communauté urbaine est donc particulièrement sensible à la mise en œuvre de solutions qui préviendraient l'eutrophisation de ses masses d'eau, comme le projet Phos-Fer. Le phénomène, qui conduit à la réduction de la concentration d'oxygène dans le milieu, est provoqué par la présence de nutriments, phosphore et azote notamment, qui déclenchent la prolifération d'algues.

Un traitement du phosphore adapté aux petites station d'épuration

Le projet Phos-Fer vise la mise en œuvre d'un traitement du phosphore adapté aux stations d'épuration (Step) de faible capacité, nombreuses sur le territoire de Limoges Métropole. Sur les 53 Step de la collectivité, 50 traitent en effet les effluents de moins de 2 000 équivalents-habitants. « Le schéma d'aménagement et de gestion de l'eau (Sage) impose la mise en place d'un traitement des nutriments en sortie de Step, explique Sandrine Parotin, directrice du Centre technique de l'eau (CTE). La pratique habituelle est de traiter par du chlorure ferrique ; or, cette solution est peu adaptée aux petites stations du fait des contraintes d'exploitation et des coûts. »

Des initiatives pour réduire la teneur en S-métolachlore

Parmi les 12 captages d'eau souterraines dont dispose Limoges Métropole, l'un est contaminé par du S-métolachlore, substance contenue dans des herbicides. Bête noire de nombreuses collectivités, le retrait de plusieurs usages de cette substance a récemment été engagée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses).
Pour réduire les teneurs observées dans son captage, Limoges Métropole a lancé deux approches. La première de long terme vise le renforcement de la protection de la ressource autour du captage. La communauté urbaine a notamment confié à la chambre d'agriculture un audit des exploitations agricoles et un inventaire des intrants. « L'objectif est d'avoir un accompagnement ciblé des exploitants pour la modification des pratiques culturales », note Julien Villard. L'opération est toujours en cours et se poursuit par une étude hydrogéologique. Autre option, de plus court terme, testée en partenariat avec une entreprise : un traitement à base de fibres de lin et de bois issus de matériaux de l'économie circulaire. « Des techniques sont reconnues pour lutter contre les pesticides, comme la filtration sur charbon actif en grains, l'injection de charbon actif en poudre, la filtration sur membranes ou encore l'osmose inverse et la nanofiltration, mais les coûts d'investissement, le fonctionnement et le besoin en technicité ne correspondent pas à un modèle économique pour les très petites unités, comme dans notre cas », explique Julien Villard. Un premier test en laboratoire a montré des résultats prometteurs : un abattement d'une concentration de 0,12 µg/l en dessous du seuil de quantification analytique de 0,05 µg/l. Toutefois, Limoges Métropole a choisi de ne pas poursuivre dans cette voie. « En phase de test pilote, le seuil de quantification analytique n'a jamais été atteint sur l'échantillon avant filtration sur le substrat », indique Julien Villard.

La communauté a donc mis à disposition des partenaires du projet des sites pilotes pour ajuster la mise en œuvre de la solution et les dernières étapes du transfert de la technologie à un niveau commercial. Ce transfert est supervisé par le Centre technique de l'eau (CTE), la partie recherche par le laboratoire eau et environnement de l'université de Limoges (E2LIM).

Principe du traitement envisagé ? L'utilisation de matériaux ferreux pour piéger le phosphore. Cette solution résulte des travaux menés dans le cadre de deux thèses  (2) et fera l'objet de développements dans une troisième (3) , qui vient de débuter. « Au travers des thèses, nous avons pu montrer que nous avions des capacités de piégeage très importantes du phosphore par les sous-produits d'oxydation du fer à valence zéro : plus de 100 mg de phosphore par gramme de fer présent, précise Véronique Deluchat, professeur au laboratoire E2LIM. Des premiers tests – qui devront être confirmés – montrent également que ce fer pourrait conjointement permettre l'élimination des nitrates, mais également réduire la pollution microbienne, grâce à la production d'espèces réactives de l'oxygène. » Cette solution s'envisage comme un traitement tertiaire, à l'aval des procédés tels que les filtres plantés de roseaux. « L'idée est de faire ruisseler par écoulement gravitaire l'eau sur deux systèmes de filtres : un premier dans lequel nous mettons le fer et un second avec du sable », détaille Véronique Deluchat.

Des déchets ferreux utilisés pour le traitement

Plusieurs sources de fer seront évaluées. « Nous en testerons trois types : de la limaille (produite en laboratoire pour avoir une référence) ; de la paille de fer (produit commercial également utilisé en laboratoire) ; et des copeaux de fer (déchets industriels) », détaille Pauline Lanet, qui a travaillé sur le projet durant sa thèse et s'occupe désormais du transfert industriel du projet au CTE.

« Nous nous sommes orientés vers une solution rustique dans sa mise en œuvre, avec du fer à une échelle micro, voire millimétrique pour limiter le colmatage », explique Véronique Deluchat. Aujourd'hui, les partenaires s'approvisionnent auprès d'un gestionnaire de déchets ferreux, mais ils comptent à l'avenir élargir leur gisement de matériaux.

Autres apports du pilote : parvenir à trouver les meilleures conditions opératoires (temps de séjour de l'eau à traiter, concentration en oxygène, pH, etc.) pour arriver à des performances maximales et des contraintes d'exploitation minimales. Mais aussi affiner le dimensionnement du système. « Nous évaluons pour l'instant l'emprise au sol à environ 0,04 à 0,05 m2 par équivalent-habitant », situe Véronique Deluchat.

Vers une valorisation des boues du traitement

« Un volet plus prospectif va s'intéresser à la valorisation des oxydes de fer chargés en phosphate », projette Michel Baudu, professeur au laboratoire E2LIM. La piste envisagée serait l'utilisation des boues contenant le phosphore lié au fer comme fertilisant agricole, directement ou en mélange. Avec éventuellement une étape intermédiaire de méthanisation. « Des conditions physico-chimiques réductrices favorisent la libération du phosphore. Une autre voie de récupération du phosphore serait d'injecter les boues dans des méthaniseurs : le phosphore réduit se séparerait du fer, détaille Véronique Deluchat. Or, le fer dans certaines proportions améliore la production de biogaz. »

À l'issue des deux ans d'expérimentation sur le pilote, l'objectif est d'arriver à un produit commercial. « Les systèmes proposés ne devraient pas être coûteux, car ils ne nécessitent pas de source d'énergie, le matériau pour le traitement est issu de déchet, évitant un stockage, l'investissement concernera essentiellement le génie civil », estime Michel Baudu.

1. En savoir plus sur les évolutions du climat en Nouvelle-Aquitaine<br /><br />
https://observatoire-risques-nouvelle-aquitaine.fr/risques/changement-climatique/
2. Thèse de Nathalie Sleiman 2012-2016 : « Mécanismes d'élimination du phosphore dans un réacteur garni d'un mélange de limaille de fer/sable ». Thèse de Pauline Lanet 2019-2022 : « Développement d'un procédé de traitement des phosphates par des matériaux à base de Fe0 ».3. Thèse en cours d'Edgar Godet

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