Les mesures vont dans le bon sens, mais restent insuffisantes : c'est en substance le jugement (1) que vient de rendre une nouvelle fois le tribunal administratif de Rennes concernant le programme d'actions régional contre les nitrates (PAR) breton. En effet, il avait déjà été saisi par Eau et rivières de Bretagne (ERB) en 2021 : l'association considérait en effet que la stratégie adoptée pour réduire la contamination ne portait pas ses fruits et souhaitait inciter le préfet de la région Bretagne à prendre des mesures complémentaires. Le tribunal lui avait donné raison et tranché en ce sens en juin 2021. Le représentant de l'État avait alors pris un nouvel arrêté (2) quelques mois plus tard (novembre) pour modifier le PAR. Des apports considérés toutefois comme insuffisantes par ERB. « Alors que la prolifération des ulves (les algues vertes) s'étend depuis quelques années aux zones de vasières (golfe du Morbihan, ria d'Etel, Aber Wrac'h…), que les échouages sur plage se maintiennent à des niveaux élevés, le préfet de région n'a envisagé que des compléments renvoyant (pour la plupart) à plus tard leur concrétisation sur la réduction des pollutions par les nitrates, explique l'association. Pire, sous la pression de plusieurs instances agricoles, il n'a envisagé sur les vasières qu'un dispositif minimal, manifestement insuffisant, et pour une partie seulement des zones concernées. »
Des seuils de déclenchement trop bas et des contrôles peu contraignants
« Ces mesures n'apparaissent pas suffisamment exigeantes en ce qui concerne la définition des seuils de déclenchement des mesures correctrices, ni suffisamment contraignantes par l'effectivité des contrôles prévus, en l'absence, notamment, de baisse significative de la pression azotée admise sur les parcelles et de contrôles suivis d'effets adaptés aux enjeux, a considéré le tribunal administratif de Rennes. S'agissant de la mise en œuvre d'actions directement efficaces, l'arrêté se borne à prévoir la mise en place, dans un premier temps, d'outils d'information, de mesure et de surveillance et non la mise en œuvre immédiate d'actions directement efficaces et précisément définies, applicables de façon impérative et automatique dans l'hypothèse du dépassement de seuils critiques ou d'alerte. »
En parallèle, le tribunal a également arbitré (3) concernant la requête de la Fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles de Bretagne, du syndicat Jeunes Agriculteurs de Bretagne et de l'Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne. Ces derniers souhaitaient l'annulation des mesures complémentaires prises par le préfet en novembre 2021. En cause : un vice de procédure (l'absence de consultation précédent l'arrêté pris). Le tribunal administratif de Rennes a décidé de prononcer une annulation, mais différée de quatre mois pour permettre au préfet de régulariser la situation sans créer de vide juridique.
« Les services de l'État examinent les conditions d'un éventuel appel de ces jugements, indique la Préfecture d'Ile-et-Vilaine. En l'attente, l'État prend acte des conclusions de ce jugement dans le processus de révision du plan d'action régional Nitrates breton N°7 qui était en cours, en renforçant les mesures de protection spécifiques aux « baies algues vertes » selon des modalités qui seront définies avec les partenaires de ce plan. »
La phase de travaux préparatoire du 7e PAR est en effet désormais terminée. « Une version est désormais stabilisée, elle doit être soumise à l'avis de l'autorité environnementale avant la consultation du public qui devrait avoir lieu à la rentrée, en septembre-octobre », situe Nicolas Forray, secrétaire général d'Eau et Rivières de Bretagne. Le préfet devrait signer l'arrêté définitif qui officialise le programme fin 2023.
Par ailleurs, l'association attend les décisions pour deux autres recours : l'un pour que l'État accentue ses actions de lutte contre les algues vertes, dit « toutes mesures utiles », l'autre qui demande la réparation des préjudices écologiques et moraux. Sur ce dernier point, une autre association Sauvegarde du Trégor-Penthièvre-Goëlo vient d'obtenir gain de cause : le tribunal administratif de Rennes a reconnu le préjudice écologique lié à la persistance d'algues vertes dans la baie de Saint-Brieuc, classée réserve naturelle.