Le classement de la qualité des eaux en Bretagne ne reflète pas la réalité sur le terrain : le juge du tribunal administratif de Rennes a tranché dans le bras de fer qui oppose Eau et rivières de Bretagne (ERB) et l'Agence régionale de santé (ARS). Il demande que l'établissement public révise ses déclarations depuis 2016 d'ici à la fin août.
Depuis quelques années, l'association ERB dénonce une photographie erronée de la qualité des eaux et estime que l'organisme de santé a écarté certaines données de surveillance et ainsi faussé le classement des zones de baignade de 2016 à 2019. Elle a donc engagé une bataille juridique et déposé une première plainte contre l'État auprès de la Commission européenne, en août 2020. Puis, en mai 2021, Eau et rivières de Bretagne a demandé à l'agence qu'elle corrige ses données pour permettre une vision plus exacte du classement des sites. Comme elle n'obtenait pas de réponse, elle a saisi le tribunal administratif en septembre 2021. Et vient d'obtenir gain de cause.
Les orages ne sont pas une pollution à court terme
Au cœur du différend entre les deux protagonistes ? Les épisodes de pluie. Le classement des sites de baignade repose en effet sur une évaluation statistique (1) des données des quatre dernières saisons balnéaires. Le retrait de certains résultats de mesure est autorisé par la directive sur les eaux de baignade s'ils correspondent à une situation de pollution à court terme. Par ailleurs, certaines collectivités ferment préventivement leurs plages qui reçoivent des eaux de ruissellement avant des épisodes de pluie pour prévenir les risques de contamination des eaux.
ERB accuse également l'ARS de remplacer les prélèvements écartés par des mesures issues de l'autosurveillance des communes et systématiquement réalisées après la fin de l'épisode de pollution.
Une amélioration du classement des sites de baignade après 2016
Pour l'association, l'amélioration du classement de certaines plages de l'Iroise à partir de 2016, sans que des actions de réduction des causes de pollution soient identifiées, serait liée à ces pratiques. « Il suffit, en effet, d'écarter très peu de ces pollutions pour entraîner une amélioration artificielle des classements des plages à problèmes », note ERB.
Sollicitée par Actu-Environnement, l'ARS de Bretagne ne souhaite pas commenter la décision du tribunal administratif de Rennes ni communiquer sur les éventuelles mesures qui seraient mises en place.
« Les classements devraient être corrigés non seulement en Iroise (zone sur laquelle portait initialement le contentieux), mais pour toute la Bretagne, puisque c'est la région tout entière qui est concernée par les anomalies, estime l'association. Les plages les plus polluées en Bretagne en été ne sont pas, contrairement à ce qu'on pourrait croire, des plages urbaines exposées aux débordements de réseaux d'assainissement surchargés : ce sont des plages situées à l'embouchure de cours d'eau situés en aval de bassins versants déjà pollués par les effluents et les excédents d'azote. La carte des pollutions des eaux de baignade ressemble en effet furieusement à celle des pollutions par les nitrates et les algues vertes. »
L'association est en train d'étudier les incidences de cette décision sur l'ensemble du littoral français, avec le réseau France Nature Environnement. Par ailleurs, le recours à l'échelon européen est toujours en cours. La Commission instruit le dossier. La procédure d'évaluation de la directive européenne sur les eaux de baignade que mène cette dernière en parallèle ne devrait pas, quant à elle, aboutir avant mai 2024.