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La mutagénèse aléatoire in vitro en passe d'échapper à la législation sur les OGM

L'avocat général de la CJUE propose d'exclure la mutagénèse aléatoire in vitro du droit de l'UE en matière de dissémination volontaire d'OGM. Même s'il n'exclut pas tout contrôle, cette perspective hérisse les ONG et syndicats opposés à ces derniers.

Agroécologie  |    |  L. Radisson
La mutagénèse aléatoire in vitro en passe d'échapper à la législation sur les OGM

« Une importante brèche permettant à un grand nombre de nouveaux OGM d'envahir le marché, les champs et les assiettes sans aucune évaluation, ni étiquetage, ni suivi. » C'est ainsi que les neuf syndicats et ONG (1) à l'origine de la décision de la Cour de justice de l'UE du 25 juillet 2018 interprètent les conclusions (2) de l'avocat général Maciej Szpunar, présentées, jeudi 27 octobre, en amont d'une nouvelle décision de la Cour.

Ce dernier propose d'exclure la mutagénèse aléatoire in vitro du champ d'application du droit de l'UE en matière de dissémination volontaire d'OGM. Il estime que la décision du 25 juillet 2018, qui avait inclus les organismes obtenus par les nouvelles techniques de mutagénèse dans le champ de la législation sur les OGM, ne s'est pas prononcée expressément sur cette méthode. L'application des critères établis par la Cour lors de l'évaluation de la sécurité de la mutagénèse in vitro « peut donner des résultats divergents en fonction de l'entité soumise à cette culture, induisant ainsi un risque de confusion concernant le champ d'application de la directive », fait valoir l'avocat général.

« L'exclusion du champ d'application de cette directive (...) concerne non pas la mutagénèse en tant que telle, mais les organismes obtenus par cette méthode. L'identité de ces organismes rend donc injustifié le traitement différencié des méthodes utilisées pour leur obtention », affirme ensuite M. Szpunar. Enfin, ce dernier estime, en invoquant les travaux de l'Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa) et du Haut Conseil français des biotechnologies (HCB), que la différence de traitement des organismes obtenus à l'aide d'une mutagénèse in vivo, d'une part, et in vitro, d'autre part, n'est justifiée ni sur le plan scientifique, ni sur le plan juridique.

Renvoi préjudiciel

“ Si une seule de ces techniques cellulaires est exemptée, les obtenteurs souhaitant échapper à la réglementation OGM déclareront l'avoir utilisée ” Organisations paysannes
Pour la Confédération paysanne et les huit autres organisations requérantes, ces conclusions s'opposent à l'arrêt du Conseil d'État français du 7 février 2020 qui avait tiré les enseignements de la décision de la CJUE du 25 juillet 2018. La Haute Juridiction administrative hexagonale avait jugé que les plantes obtenues par mutagénèse aléatoire in vitro devaient aussi être soumises à la réglementation sur les OGM. Elle avait donné six mois au gouvernement pour retirer du catalogue officiel les variétés issues de ces techniques. Mais celui-ci n'a pas obtempéré et des variétés de colza rendues tolérantes aux herbicides par mutagénèse in vitro sont donc toujours inscrites au catalogue, et donc cultivées en France.

Face à cette inertie du gouvernement, les neuf organisations avaient déposé une requête en non-exécution (36296) devant le Conseil d'État. Celui-ci avait prononcé deux astreintes contre l'État, mais posé également deux questions préjudicielles à la CJUE en vue de clarifier l'étendue de la législation européenne sur les OGM. C'est dans le cadre de ce renvoi préjudiciel que l'avocat général Szpunar propose aujourd'hui cette solution à la Cour.

« Envahir le marché européen avec des OGM brevetés »

Les neuf organisations requérantes contestent « fermement » le raisonnement de ce dernier qui, selon elles, ne répond pas aux questions posées par le Conseil d'État, et s'appuie sur des travaux scientifiques ne tenant pas compte des plantes réellement cultivées ni de la définition légale des OGM qui concerne des plantes entières.

Pour celles-ci, l'ouverture de cette brèche dans la réglementation des OGM aurait des conséquences désastreuses quant à leur dissémination, avec des risques pour la santé et l'environnement. « Toutes les techniques de mutagénèse dirigée et autres "nouvelles techniques génomiques" sont en effet appliquées sur des cellules isolées et multipliées in vitro au laboratoire. Si une seule de ces techniques cellulaires est exemptée, les obtenteurs souhaitant échapper à la réglementation OGM déclareront l'avoir utilisée, même s'ils ont eu recours à des techniques de mutagénèse dirigée, telles que Crisp-Cas9 », décryptent les organisations paysannes. Et ils ne courront aucun risque du fait de l'absence de contrôles, ajoutent-elles. « Certaines entreprises comme Cibusont ont déjà utilisé ce stratagème pour commercialiser leurs variétés rendues tolérantes aux herbicides », illustrent les organisations.

Pour celles-ci, cet assouplissement de la législation aurait aussi des conséquences sur la concentration du marché des semences. « Une telle brèche dans la réglementation OGM permettrait aux brevets des quatre sociétés multinationales [Note : Bayer, Corteva, Syngenta, BASF] qui contrôlent déjà près de 60 % du marché mondial des semences d'envahir le marché européen avec leurs OGM brevetés et de contrôler ainsi l'ensemble de la chaîne alimentaire, au détriment de la liberté de choix des consommateurs et du droit des paysans d'utiliser et d'échanger leurs propres semences », avertissent les neuf requérantes.

Une brèche que la Cour de justice pourrait toutefois éviter d'ouvrir en choisissant ne pas suivre les conclusions de l'avocat général qui, comme elle le rappelle, « ne la lient pas ».

1. Confédération paysanne, Réseau Semences paysannes, Les Amis de la Terre, Collectif Vigilance OGM de la Charente, Vigilance OG2M, CSFV 49, OGM dangers, Vigilance OGM 33, Fédération Nature et progrès2. Consulter les conclusions
https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=267626&pageIndex=0&doclang=fr&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=6190243

Réactions1 réaction à cet article

L’ingéniosité mortifère des docteurs Mabuse des firmes agrochimiques est décidément sans limite ! Celles-ci savent par ailleurs pouvoir toujours compter sur des appuis bien placés.
Reste à espérer en la sagesse de la CJUE, en ce sens qu'elle ne fasse pas sienne les conclusions de cet avocat général, curieusement très arrangeant avec les (gros) intérêts de l'agrobusiness.

Pégase | 15 novembre 2022 à 10h02 Signaler un contenu inapproprié

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