Le dioxyde de titane E171, utilisé comme un additif alimentaire, sera finalement interdit dès le 1er janvier 2020. Les ministères de l'Economie et de la Transition écologique ont indiqué aujourd'hui que l'arrêté qui suspend sa mise sur le marché a été signé et qu'il "sera publié dans les meilleurs délais".
Ils ont indiqué avoir pris cette décision, par précaution, en se basant sur un avis publié lundi par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). Les ministères de l'Economie, de la Santé, de l'Agriculture et de la Transition écologique avaient missionné l'Agence, en février dernier, pour analyser les dernières connaissances sur le sujet.
La version définitive de la définition devrait permettre de régler le problème de ne se référer qu'à une seule vision. Mais celle-ci est en attente depuis 2011. La consultation publique de la définition consolidée pourrait toutefois être lancée après les élections européennes.
En 2017, l'Agence avait rendu un premier avis dans lequel elle préconisait une poursuite des études notamment sur les effets cancérogènes. Cette analyse faisait elle-même suite à un questionnement soulevé par une étude de l'Institut national pour la recherche agronomique (Inra). Elle montrait que chez l'animal, l'ingestion du dioxyde de titane pouvait engendrer des troubles du système immunitaire et des lésions dans le colon.
La loi Egalim prévoit la suspension du E171
Par mesure de précaution, un article avait été introduit dans la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire (Egalim) pour suspendre la mise sur le marché de l'additif dioxyde de titane E171 ainsi que des denrées alimentaires en contenant. L'idée était de profiter de ce laps de temps pour analyser les dernières études publiées et que le gouvernement réalise un rapport sur la question avant de décider de son interdiction ou non.
Depuis, le sujet a connu plusieurs rebondissements. Après avoir estimé que "dans le doute, [c'était] aux industriels de s'abstenir", Bruno Le Maire, ministre de l'Economie avait ensuite reçu des associations et réaffirmé sa volonté d'interdire l'E171. Il avait également demandé à l'Anses d'accélérer l'actualisation de son analyse de 2017. "Sur la base de ce rapport de l'Anses, le gouvernement saisira la Commission européenne, avait-il indiqué. Le ministre exercera son droit de sauvegarde en prenant une décision unilatérale d'interdiction de l'E171, le cas échéant".
Mieux caractériser l'additif et approfondir les connaissances
Dans son nouvel avis, l'Anses estime que les nouvelles études sur la toxicité des nanoparticules de dioxyde de titane ne permettent pas de trancher sur son innocuité. L'Agence souligne toutefois la nécessité de limiter l'exposition. Elle recommande de caractériser précisément, sur un plan physico-chimique cet additif. "Du fait de la grande hétérogénéité des lots de E171 produits et mis sur le marché, l'absence d'une caractérisation physico-chimique précise de cet additif alimentaire est aujourd'hui un frein à une évaluation des risques liés à sa consommation", note-t-elle. Aucune dose journalière admissible n'a ainsi pu être fixée pour cet additif.
Effets promoteurs de cancer, reprotoxicité, génotoxicité, l'Anses pointe la nécessité d'acquérir rapidement de nouvelles données pour "statuer sur les différents signaux observés".
Par ailleurs, l'Anses travaille sur un rapport plus global sur les nanomatériaux dans les produits destinés à l'alimentation. Les conclusions sont attendues pour la fin de l'année.
Une demande d'élargissement de l'interdiction aux produits ingérables
Du coté des associations, l'attente était forte. Agir pour l'Environnement et foodwatch appellaient à une interdiction sans délais, qui englobait les produits alimentaires produits en France et ceux qui sont importés. L'UFC-Que Choisir souhaitait que l'interdiction soit élargie aux médicaments et aux produits cosmétiques susceptibles d'être ingérés comme les dentifrices, rouges à lèvres, etc.
Les ministres ont indiqué qu'ils allaient notifier cet arrêté à la Commission européenne et aux autres Etats membres. Ces derniers devraient se réunir d'ici une dizaine de jours pour examiner cette initiative.
Malgré l'interdiction, la vigilance reste néanmoins de mise : dans un système globalisé, le suivi d'un bout à l'autre de la chaîne de production et la garantie d'une absence de contamination du produit ne sont pas évidentes. De la même manière que le respect des obligations de l'étiquetage des nanoparticules présentes dans les produits alimentaires demeure un enjeu. En janvier 2018, 39 % des produits alimentaires contrôlés par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ne mentionnaient pas la présence de nanoparticules sur leur étiquetage.