En novembre dernier, l'Union européenne a lancé une expérimentation de trois ans sur l'empreinte environnementale des produits et organisations. Une deuxième expérimentation sera lancée en 2014 sur le secteur spécifique de l'agroalimentaire. Dans ce cadre, le centre commun de recherche (JRC) a publié le 20 janvier le protocole Envifood, qui fournit des directives pour l'évaluation de l'impact environnemental des produits alimentaires et des boissons tout au long de leurs cycles de vie. Avec un principe cadre : assurer une évaluation scientifiquement fiable et cohérente, compréhensive et non trompeuse pour le consommateur.
Développé au sein de la table ronde pour une production et une consommation alimentaires durables (SCP), ce protocole est "l'aboutissement de quatre années de collaboration entre la Commission européenne et plus de vingt organisations européennes présentes sur la chaîne alimentaire", souligne le JRC. Il a fait l'objet de tests pilotes et d'une consultation publique en 2013, et sera à nouveau testé en 2014 lors de l'expérimentation européenne.
"Les consommateurs font face à des centaines d'étiquettes et déclarations environnementales différentes, et perdent confiance dans leur crédibilité. Nous voulons nous assurer que les consommateurs obtiennent des informations fiables et comparables sur la performance environnementale des produits (N 19982), de façon à les aider à faire des choix éclairés. Cela incitera également les producteurs de la chaîne alimentaire européenne à rendre leurs produits plus écologiques", estime le commissaire européen à l'Environnement, Janez Potočnik.
Principes clés de l'évaluation et de la communication environnementales
Objectif premier de ce protocole : harmoniser les méthodes parmi le foisonnement d'initiatives publiques et privées sur l'évaluation environnementale des produits de l'agroalimentaire. Il servira de base, même s'il est évolutif, pour la collecte des données, les évaluations, le choix des critères de communication ou la définition de règles spécifiques à certaines catégories de produits.
Quatre principes sont fixés pour l'évaluation environnementale volontaire des produits : identifier et analyser les aspects environnementaux à tous les stades du cycle de vie, évaluer les impacts environnementaux potentiels importants le long du cycle de vie, appliquer des méthodes scientifiques reconnues et mettre à jour régulièrement l'évaluation environnementale. Pour la communication, l'objectif est de fournir une information facilement compréhensible, claire et comparable.
Enfin, le protocole fixe quelques principes transversaux : assurer la transparence de l'information, des méthodologies sous-jacentes et des hypothèses, veiller à ce que tous les acteurs de la chaîne alimentaire puissent appliquer la méthodologie d'évaluation et les outils de communication sans charge disproportionnée, soutenir l'innovation, protéger le marché unique et le commerce international.
Fournir une évaluation robuste
Le protocole s'adresse aussi bien au B2B ("business to business") qu'au B2C ("business to consumer"). Dans le premier cas, l'analyse de cycle de vie (ACV) doit être réalisée du berceau à la tombe. Pour le B2C, cela dépendra du type de produits. Certains, en effet, sont caractérisés par un grand nombre d'usages (sel, farine, cacao, fruits et légumes frais, viandes…). L'ACV pourra donc exclure l'étape usage, sauf si des règles spécifiques ont été établies (usage idéal, moyenne des différents usages possibles…). En revanche, les grains de café, le thé, la crème glacée en bac, les cubes de bouillon, la sauce pour pâtes, les boissons, les céréales etc. sont caractérisés par un usage dominant, même s'il existe des variantes (café au lait, sucré, noir…). C'est donc cet usage dominant qui sera pris en compte dans l'ACV, et qui pourra varier selon les habitudes régionales. Enfin, certains produits, comme les plats préparés, les boissons instantanées, les bâtons de glace, font l'objet d'un usage clair, avec des instructions précises. L'ACV intègrera donc l'usage, en se basant sur les instructions indiquées sur le paquet.
Pour certains produits, des règles spécifiques devront aussi être définies sur les déchets produits par le consommateur lors de l'usage du produit (en se basant sur les statistiques de traitement des déchets ou des enquêtes auprès des consommateurs).
Dans le B2C, l'unité fonctionnelle utilisée devra correspondre aux exigences du règlement (1169/2011) relatif aux informations nutritionnelles, et être exprimée en poids, en volume (100 g ou ml), ou en unité vendue.
Pour l'évaluation, les données spécifiques devront être privilégiées aux données génériques. Leur qualité sera déterminée par la représentativité temporelle et géographique, l'exhaustivité et la précision. "Un produit qui peut découler de différentes usines de production doit être représenté par des moyennes pondérées, précise le protocole. Chaque fois qu'il y a un manque de jeux de données, leur importance doit être évaluée en premier, avant la poursuite de l'utilisation des données extrapolées". L'initiative Agribalyse, menée en France pendant trois ans sur l'ACV de 39 produits agricoles, a souligné la difficulté de la tâche : différence des systèmes de productions, des problématiques locales, manque de connaissances sur certains impacts…
Justement, le protocole demande à ce que l'analyse soit multicritères (consommation d'énergie, changement d'affectation des sols, climat, ozone, toxicité et écotoxicité…). L'impact sur l'eau devra être indispensablement évalué, étant donné l'enjeu de cette ressource pour le secteur agroalimentaire. L'abandon d'un critère d'impact doit être solidement justifié. Jusque là, la plupart des initiatives se sont basées sur les émissions de CO2, les plus faciles à mesurer.