Changement climatique, biodiversité en déclin, réduction des surfaces cultivables, incertitudes sur le renouvellement des générations… En réponse aux menaces qui s'accumulent sur le secteur agricole le gouvernement français mise plus que jamais sur une « troisième révolution », appuyée sur l'agritech : cet écosystème de quelque 250 start-ups et entreprises innovantes développé autour de la robotique, du numérique ou de l'intelligence artificielle, mais aussi d'une meilleure connaissance du vivant. Lundi 28 février dernier, lors d'une conférence au Salon de l'agriculture, Julien Denormandie a ainsi rappelé le soutien des pouvoirs publics à cette branche particulière de la french tech, par le biais du programme d'investissements d'avenir (PIA), notamment, et de France 2030 dont plus de 2 milliards d'euros sont fléchés vers l'agriculture. Afin de favoriser le déploiement des outils digitaux dans ce secteur, le ministre de l'Agriculture a également annoncé le lancement d'une feuille de route « agriculture et numérique » dont un volet concerne plus spécifiquement l'AgriTech (1) .
La nécessité de fédérer les acteurs
Parmi les aides mentionnées : la mobilisation de l'Inrae pour faciliter la création et l'accompagnement des start-ups, ainsi que le soutien à la massification des données, via les PIA portés par l'État et les représentants des filières. « Le soutien à la prise de risque est l'une des clés permettant de faire réellement et efficacement les choses », approuve La Ferme digitale – fédération de 80 de ces start-ups spécialisées –, dans un rapport (2) remis au ministre le même jour. Assez classiquement, les rédacteurs de cette étude recommandent aussi la simplification de l'accès aux financements et des réglementations. Mais ils insistent surtout sur la nécessité de développer les partenariats et de fédérer plus étroitement l'ensemble des acteurs du secteur, y compris les plus anciens, afin de massifier ces nouveaux outils et de faire émerger des champions français. « Tous les éléments sont présents mais les compétences ne s'articulent pas toujours comme elles le devraient », soulignent-ils. La Ferme digitale préconise par ailleurs de faciliter l'accès aux marchés internationaux des jeunes pousses, dès leur création.
Un terreau fertile déjà constitué
Des espoirs démultipliés
Un appel à projet pour les plus innovants
Destiné à soutenir les start-ups à fort potentiel, le programme French Tech Agri20 lance un appel à candidatures ce mardi 1er mars. Objectif : sélectionner 20 start-ups proposant des services ou produits de rupture, capables de les déployer à grande échelle et répondant aux enjeux identifiés dans le cadre de France 2030 : alimentation durable et favorable à la santé, fermes du futur, entrepreneurs du vivant... Les start-ups sélectionnées bénéficieront de l'accompagnement de la Mission French Tech et d'une offre de services spécifique. Date limite des dépôts de candidature : 21 avril 2022.
Des réserves qui émergent
Une belle unanimité à peine fissurée par quelques voix discordantes, comme celles de certains membres de la Confédération paysanne qui refusent une agriculture connectée à la terre par les logiciels, les drones et les satellites. Président de la Fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab), Philippe Camburet, regrette quant à lui de voir confier « à l'initiative populaire ces enjeux de recherche cruciaux pour notre avenir, plutôt qu'aux institutions comme l'Institut technique de l'agriculture biologique. » Ce dernier souligne le retard pris par l'agriculture biologique, en termes de transformation et de valorisation, faute de véritables politiques de soutien à la R&D. Il craint par ailleurs que la robotisation accentue l'isolement des exploitants et que l'automatisation ne fasse pas le poids face aux aléas du dérèglement climatique. « C'est risqué. Les solutions technologiques ne peuvent pas remplacer le raisonnement humain. » Autre de ses réserves : une future dépendance du secteur aux semi-conducteurs et aux puces électroniques qui le fragiliserait et la contribution de ces technologies à la surconsommation électrique. « Il n'y a pas de raison pour que l'agriculture aggrave encore ce bilan », remarque-t-il.