L'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) a publié, le 9 juin, son analyse sur les impacts économiques du déploiement d'alternatives au glyphosate en grandes cultures. Dans le cadre du plan de sortie du glyphosate d'ici 2021, le Premier ministre a demandé à l'Inrae d'évaluer les solutions alternatives au glyphosate par type de culture, et les impacts économiques pour chaque filière. L'objectif est d'éclairer les décisions et de mettre en place des dérogations lorsque des alternatives à un coût acceptable ne sont pas disponibles.
Après avoir livré en 2019 des analyses sur la viticulture et l'arboriculture, l'Inrae s'est penché sur les alternatives au glyphosate pour les grandes cultures. « Le secteur des grandes cultures est, du fait de son emprise sur le territoire français, celui qui en utilise le plus, même si les usages ne sont pas aussi systématiques qu'en viticulture et en arboriculture », note l'Inrae.
Le glyphosate utilisé pour préparer le sol avant le semis
Près de 90 % des surfaces en grandes cultures sont conduites selon un mode de production conventionnel. « Les principaux usages du glyphosate déclarés par les agriculteurs sont la lutte contre les adventices vivaces et repousses pour 77,8 % des usages, la destruction de couverts végétaux pour 16,1 %, et la destruction de prairies pour 2,1 % des usages ».
En 2017, 98 % des applications de glyphosate ont été réalisées en interculture, pour préparer le sol avant les semis et éliminer les adventices et / ou les repousses de la culture précédente. « La stratégie de travail du sol apparaît comme l'élément majeur permettant de contrôler les adventices en l'absence d'utilisation de glyphosate », estime l'Inrae.
Plusieurs méthodes et outils peuvent être employés pour le désherbage mécanique : le roulage et le broyage des végétaux (sans travail du sol) ; les déchaumeurs, cultivateurs, sarcleuses, bineuses, herses (sols très superficiels et superficiels) ; les sous-soleuses, décompacteurs, roto-bêche, machine à bêcher, cultivateur à dents et cultivateur à disques (travail profond du sol sans retournement) ; et le labour.
Taille des exploitations et type de cultures
L'usage du glyphosate dépend aussi de la culture envisagée et de la culture précédente, de la longueur de l'interculture, des caractéristiques pédoclimatiques… « Il est plus souvent utilisé après les cultures de soja, colza et blé dur. Il est également utilisé sur 30 % des surfaces après jachères. Les précédents à repousse (céréales hors maïs, colza) représentent plus de 60 % de la surface en grandes cultures ; 23,1 % d'entre elles reçoivent du glyphosate contre 12,8 % des surfaces avec un précédent ne faisant pas de repousses ».
La taille des exploitations jouerait aussi dans le recours au glyphosate : « Les parts de surface traitées au glyphosate sont de l'ordre de 14 % pour les exploitations de moins de 150 ha de SAU (surface agricole utile), d'environ 23 % pour celles dont la SAU est comprise entre 150 et 350 ha, et de près de 40 % pour celles dont la SAU dépasse 350 ha ».
Des surcoûts entre 10 et 80 € par hectare et par an
Pour la dessiccation, l'usage a été interdit depuis décembre 2019. « En production de semences fourragères, potagères et de céréales, les exigences de pureté spécifique incitent à l'utilisation de glyphosate pour s'assurer de l'efficacité du désherbage dans les cultures porte-graines et de l'absence de présence de graines d'adventices dans la récolte », note l'Inrae. La filière lin s'est quant à elle engagée dans la recherche d'alternatives à l'utilisation du glyphosate.
L'Inrae étudie donc un scénario spécifique pour les parcelles non labourées. « Il s'agit ici de tenir compte du fait que les agriculteurs ayant abandonné le labour auront fait évoluer leur parc de matériel et seront probablement très réticents à "retourner leurs sols" même en cas de retrait du glyphosate », indique l'institut. Un labour occasionnel, une à deux fois sur des périodes de six ans, pourrait représenter un compromis « permettant de maintenir l'essentiel des services agronomiques et écosystémiques recherchés par le semis direct et les techniques culturales simplifiées ». Cela permettrait de réduire les surcoûts de 6 à 10 € par hectare.