Dans le cadre du paquet législatif sur le climat présenté le 14 juillet, la Commission européenne a proposé plusieurs textes portant sur les transports. Outre ceux relatifs au transport routier, elle a présenté plusieurs initiatives visant à verdir les secteurs aériens et maritimes, en particulier à travers les carburants utilisés.
« Avec les trois initiatives spécifiques aux transports — ReFuel Aviation, FuelEU Maritime et le règlement sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs —, nous aiderons le secteur des transports à se transformer en un système à l'épreuve du temps. Nous créerons un marché pour les carburants de substitution durables et les technologies à faibles émissions de carbone, tout en mettant en place les infrastructures appropriées pour garantir l'adoption généralisée de véhicules et de navires à émissions nulles », a assuré Adina Vălean, commissaire chargée des transports. Toutefois, les initiatives restent encore modestes sur deux secteurs dont la marge de progression en matière de décarbonation demeure très importante.
Options limitées pour décarboner l'aviation
« Les options pour décarboner l'aviation sont limitées », explique la Commission, car les avions à émissions nulles ne seront pas disponibles avant 2035. Le projet de règlement RefuelEU Aviation (1) vise par conséquent à obliger les fournisseurs de carburants à accroître la part des carburants d'aviation durables (CAD), y compris les carburants de synthèse (« e-fuels ») à faible teneur en carbone. Cette part devra augmenter progressivement, de 2 % en 2025 à 63 % en 2050.
« La proposition promeut avant tout les biocarburants avancés et les carburants de synthèse produits à partir d'électricité verte, conformément aux exigences de durabilité prévues par la directive révisée sur les énergies renouvelables », expliquent les services de la Commission. Les biocarburants produits à partir de cultures alimentaires ne sont donc pas promus, ni d'ailleurs l'hydrogène et l'électricité qui ne sont pas encore opérationnels.
Hydrocarbures hautement polluants
En ce qui concerne le maritime, le secteur « repose presque entièrement sur des hydrocarbures liquides hautement polluants à forte intensité de carbone, tels que les fiouls lourds, le diesel marin ou le gas-oil », rappelle la Commission. « Le plus grand resquilleur du monde en termes climatiques », selon l'ONG Transport & Environnement.
La proposition de règlement FuelEU Maritime (2) prévoit d'imposer une limite maximale à la teneur en gaz à effet de serre (GES) de l'énergie utilisée par les navires faisant escale dans les ports européens. L'intensité moyenne de la flotte en émissions de GES de l'énergie utilisée à bord par les navires devra être réduite progressivement. Les valeurs cibles correspondantes devront être réduites à hauteur de 2 % en 2025 pour atteindre 75 % en 2050. « En adoptant une approche neutre sur le plan technologique, la proposition tient compte de tous les carburants renouvelables et à faibles émissions de carbone utilisés dans le transport maritime, tels que les biocarburants liquides, les liquides de synthèse, le gaz décarboné (y compris le bio-GNL et le gaz de synthèse), l'hydrogène décarboné et les carburants décarbonés dérivés de l'hydrogène (y compris le méthane et l'ammoniaque), ainsi que l'électricité », explique la Commission.
S'alimenter en électricité dans les principaux ports et aéroports
Des propositions de textes transversaux impactent également les secteurs de l'aviation et du transport maritime. C'est le cas du projet de règlement (3) sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs, qui doit garantir l'accès des aéronefs, navires et péniches à un approvisionnement en électricité dans les principaux ports et aéroports de l'UE. Pour les aéroports, cette obligation s'appliquera à compter de 2025 (2030 pour les postes éloignés). Les ports maritimes, quant à eux, devront installer une alimentation électrique capable de satisfaire la demande d'au moins 90 % des navires destinés au transport de conteneurs ou de passagers qui y font escale.
Concernant le maritime, le carburant est aussi exonéré de taxation dans l'état actuel de la réglementation. La proposition de directive introduit un taux minimal de droit d'accise pour les carburants responsables d'émissions utilisés pour les transbordeurs, les navires de pêche et les navires de transport de marchandises au sein de l'UE.
Inclure le maritime dans l'ETS
Enfin, la révision du système d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre (SEQE ou ETS) concerne aussi les transports aériens et maritimes. La Commission propose de le renforcer pour ce qui concerne l'aviation. « Les quotas alloués à titre gratuit aux compagnies aériennes seront progressivement supprimés au fil du temps », annonce l'exécutif européen. Celui-ci prévoit également d'appliquer aux vols commerciaux le régime de compensation et de réduction de carbone pour l'aviation internationale (Corsia) instauré par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI). Objectif ? « Compenser les émissions provenant du secteur aérien qui dépassent les niveaux d'émission de 2019 ».
Pour le maritime, Bruxelles propose d'inclure dans l'ETS les émissions de CO2 des navires d'une jauge brute supérieure à 5 000 tonnes. Cette extension du périmètre du système doit permettre de « créer un signal prix en faveur de la décarbonation », indique l'exécutif européen.
« La proposition de la Commission européenne sur le maritime est en demi-teinte, réagit Diane Strauss, directrice France de l'ONG Transport & Environnement. « Pour la première fois, le principe du pollueur-payeur va s'appliquer au maritime, se félicite la responsable associative, qui tempère toutefois immédiatement son satisfecit. « La proposition prévoit de rendre le ravitaillement en gaz obligatoire dans les ports, alors qu'il s'agit d'un carburant fossile, polluant et qui nécessite d'être importé. La position de la France n'a pas été particulièrement encourageante pour ce secteur. Sous la pression des armateurs français, le gouvernement a plutôt tenté de limiter l'ambition de la Commission européenne », indique Mme Strauss.