Jeudi 16 juillet, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a publié son avis sur le dossier d'options de sûreté du projet de réacteur EPR Nouveau modèle (EPR NM, aussi appelé EPR 2). L'Autorité juge que les objectifs généraux de sûreté, le référentiel de sûreté et les principales options de conception sont globalement satisfaisants. Elle attend toutefois des "justifications complémentaires" sur certains points. Ces justifications concernent tout particulièrement la démarche d'exclusion de rupture retenue pour les tuyauteries primaires et secondaires principales, qui, à ce stade, "n'est pas acceptable", explique l'ASN. "A ce jour, EDF n'a pas défini de site d'implantation pour ce projet de réacteur", précise l'ASN, ajoutant qu'EDF étudie des hypothèses "[couvrant] une gamme de sites susceptibles d'accueillir un tel réacteur en France".
"La démarche d'exclusion de rupture appliquée aux tuyauteries consiste, dans son principe, à ne pas étudier, dans la démonstration de sûreté nucléaire, les conséquences de la rupture d'une tuyauterie parce que cette rupture est rendue extrêmement improbable avec un haut degré de confiance", rappelle l'ASN. Or, les huit soudures situées sur les circuits secondaires au niveau de l'enceinte de confinement de l'EPR de Flamanville ont été jugées de qualité insuffisante pour atteindre le niveau attendu dans le cadre de l'exclusion de rupture. L'Autorité vient d'imposer à EDF de les reprendre, ce qui devrait retarder une nouvelle fois la mise en service du réacteur. Compte tenu de ce retour d'expérience, l'ASN considère que le dossier de l'EPR 2 présente deux grands défauts.
Quand bien même l'exclusion de rupture serait retenue…
Tout d'abord, il "ne justifie pas suffisamment les avantages et inconvénients [de la démarche d'exclusion de rupture] pour la sûreté et la radioprotection". L'ASN demande en particulier d'étudier des scénarios accidentels supplémentaires et d'identifier les dispositions qui permettraient d'en limiter les conséquences. Cette demande est loin d'être anodine, puisqu'elle pourrait remettre en cause l'intérêt même de recourir à l'exclusion de rupture sur cette partie du réacteur. En effet, l'ASN prévient explicitement qu'il s'agit "de juger de la nécessité de la mise en place [des] dispositions de limitation des conséquences", comme des exutoires de pression ou des dispositifs de maintien des tuyauteries. Or l'intérêt de recourir à l'exclusion de rupture est justement de ne pas à avoir à installer ces dispositifs. L'ASN pourrait bien imposer ces équipements, "quand bien même la démarche d'exclusion de rupture serait retenue".
Second défaut : le dossier "ne présente pas les éléments qui permettront de justifier la haute qualité de conception, de fabrication et de suivi en service [des] tuyauteries". En conséquence, le recours à la démarche d'exclusion de rupture de ces tuyauteries "n'est pas acceptable" en l'état. Bien sûr, l'Autorité se base sur l'expérience du réacteur de Flamanville qui "montre que l'objectif de qualité de fabrication peut ne pas être atteint ou être difficile à vérifier". L'ASN attend donc d'EDF qu'elle apporte dès maintenant la preuve qu'elle sera capable cette fois-ci d'atteindre la qualité requise. Cette démonstration dépend en partie de la capacité d'EDF à s'assurer de l'application des bons référentiels par ses sous-traitants. La démonstration devra aborder aussi bien les aspects techniques qu'organisationnels.
Enfin, l'ASN n'a visiblement pas apprécié d'avoir été avertie des défauts de soudure de l'EPR alors que le chantier était à un stade très avancé : cette fois-ci, elle attend d'EDF qu'elle démontre sa capacité "à détecter d'éventuels écarts de mise en œuvre de la démarche [d'exclusion de rupture] avant qu'une remise en conformité ne devienne particulièrement difficile".