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Chlordécone : le ministère de l'Agriculture pointé du doigt dans deux rapports

Deux rapports de l'Inra et de l'Anses, révélés le 24 août par l'AFP et Le Monde, pointent du doigt la gestion du dossier du chlordécone par le ministère de l'Agriculture. Les intérêts économiques auraient primé sur l'environnement et la santé.

Malgré de nombreuses alertes sanitaires et environnementales, le ministère de l'Agriculture a tardé à interdire le chlordécone, considéré comme polluant organique persistant (POP) et perturbateur endocrinien. Deux rapports révélés hier pointent du doigt cette mauvaise gestion du dossier par les autorités.

Le chlordécone est un pesticide toxique longtemps utilisé dans les bananeraies pour combattre le charançon (insecte dévastateur). Il a été interdit depuis 1990 en France mais utilisé jusqu'en 1993 aux Antilles. Pourtant, dès 1977 plusieurs études des sols et des eaux ont mis en évidence les pollutions de ce pesticide et les probables dangers sanitaires de ce produit. En 1979, l'OMS l'a classé cancérogène possible.

''L'influence des intérêts économiques'', selon l'Inra

Une étude de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), finalisée en juin et rendue publique le 24 août par l'AFP et Le Monde, met ainsi en évidence de ''véritables anomalies dans le cadre d'une approche de prévention'' et dans la gestion du dossier du chlordécone par le ministère de l'Agriculture. Elle pointe notamment '' l'influence des intérêts économiques'' pour expliquer que le chlordécone, ait été seulement interdit dans l'Hexagone près de quinze ans après les Etats-Unis (1976) !
L'homologation de l'insecticide a d'abord été repoussée à deux reprises en 1968 et 1969 par à la Commission d'étude de l'emploi des toxiques en agriculture, rattachée au ministère, a expliqué l'auteur du rapport Pierre-Benoît Joly, Directeur de l'unité de recherche ''Science en société'' (SenS) à l'Inra, dans le quotidien Le Monde. Sous les lobbies de producteurs de pesticides et de représentants agricoles, la commission a proposé ''une autorisation provisoire de vente (APV) pour un an, avec recommandation de suivi des résidus dans les bananes''. Le ministère de l'agriculture a accordé l'autorisation en février 1972, mais ne la prolongera qu'en 1976.
Puis l'utilisation du chlordécone sera relancée dans les années 1980 ''sous l'approbation des pouvoirs publics '' et en dépit ''de signaux d'alerte'', selon Pierre-Benoît Joly. L'utilisation du pesticide pour le traitement des bananiers sera autorisée en 1982. La commission d'étude de la toxicité ne s'est prononcée qu'en 1989 pour l'interdiction du chlordécone, considéré comme ''un insecticide persistant'' et ''relativement toxique''.

''Défense de l'industrie bananière française'', selon l'Anses

Dans un autre rapport rédigé par l'Afsset (devenue Anses suite à la fusion avec l'Afssa) en décembre 2009 et rendu public hier par l'AFP, l'Agence nationale de sécurité sanitaire souligne le poids économique de la culture de la banane dans la gestion du dossier chlordécone. ''Face à la défense de l'industrie bananière française, on peut faire l'hypothèse que l'impact de l'utilisation de produits phytosanitaires sur l'environnement et la santé ait été secondaire dans les préoccupations des autorités politiques'', estime-t-elle. ''Cette hypothèse prend tout son sens dans ce qu'il est coutume d'appeler les ''guerres de la banane'', en faisant référence ainsi aux conflits opposants les pays américano-latins, producteurs de banane, et les grandes compagnies américaines durant la période des années 1970 d'une part, et de l'affrontement entre les défenseurs des marchés libres et les partisans des marchés organisés au sein de l'Union européenne, d'autre part'', précise Matthieu Fintz, sociologue et politologue à l'Anses et auteur du rapport.

Les années 1970 sont aussi largement dominées par les débats autour de la réforme du Comité Interprofessionnel Bananier, ''dont la tâche est d'étudier les besoins du marché français et les disponibilités de la production et du Groupement d'Intérêt Economique Bananier, qui détient et délivre les licences d'importation''.
Un dernier facteur pourrait expliquer ''la relative latence de l'alerte sanitaire environnementale'' aux Antilles qui rappelons-le ont pu bénéficier d'une dérogation pendant 3 ans. Si le processus d'autorisation du chlordécone ''n'est pas radicalement différent de celui suivi pour d'autres pesticides'' , il aurait néanmoins subi ''le facteur supplémentaire de la tropicalité'', selon le rapport.

Aussi à peine relayées par l'AFP, les deux études ont été mises en ligne sur le site de l'Observatoire des Résidus des Pesticides (ORP), qui dépend de l'Anses. Pour l'ORP, ces deux études ''apportent un éclairage sur l'histoire du chlordécone dans les Antilles françaises''. ''Une meilleure compréhension de cette histoire du chlordécone peut aider à éclairer les orientations et les concertations futures en matière de gestion des risques, notamment pour les populations concernées par les problèmes résultant de l'utilisation intensive de cette molécule en Martinique et en Guadeloupe au cours des années 1970 et 1980''.

De son côté, le Mouvement pour le respect des générations futures (MDRGF) se félicite que '''ces rapports pointent enfin les anomalies graves'' dans la gestion du ministère de l' Agriculture '' notamment au niveau des procédures d'octroi des homologations, ainsi que dans la prise en compte de l'impact de l'utilisation de produits phytosanitaires sur l'environnement et la santé''. L'association regrette cependant ''qu'il ait fallu tant de d'années avant d'avoir une évaluation de cette gestion calamiteuse'' et ''qu'à ce jour l'homologation des pesticides dépende toujours du Ministère de l'Agriculture et de lui seul''. François Veillerette, porte parole du MDRGF, demande que ''l'évaluation et l'homologation des pesticides soit dorénavant réalisée sous l'autorité des trois ministères concernés : Agriculture, Santé et Environnement, chacun de ces trois ministères devant avoir un poids égal dans la décision finale''.

Rappelons qu'une étude, publiée en juin dernier, par des chercheurs de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), dans le Journal of Clinical Oncology, montre que l'exposition au chlordécone est associée significativement à une augmentation du risque de survenue du cancer de la prostate. Ce n'est pourtant qu'en 2008 qu'un plan de dépollution du chlordécone a été lancé aux Antilles. Une plainte pour empoisonnement a été déposée en 2006 par des associations de producteurs et de consommateurs guadeloupéens. Une autre, déposée par un particulier, a suivi l'an dernier.

Réactions2 réactions à cet article

Agro-forestier

la filière banane au Cameroun est contrôlée par les sociétés françaises. Les populations locales cultivent leurs vivriers aux abords des plantations de banane après avoir été expropriées de leurs terres pour permettre l'extension de ces plantations industrielles. Ne maîtrisant pas le mécanisme d'homologation des pesticides au Cameroun, pourrais-je avoir des infos sur l'utilisation ou non du chlordécone par ces industriels actifs dans la région littorale du Cameroun?

Ndjami | 26 août 2010 à 11h03 Signaler un contenu inapproprié
chlordecone

Bon article mais il est regrettable qu'aucun nom de responsable,ministre ou autre,ne soit cité.
Qui a signé le retour en grace de ce produit ?

Arnaud | 27 août 2010 à 12h57 Signaler un contenu inapproprié

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