"Pour nous, il n'y a pas réellement d'urgence à décider du projet [Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) de déchets nucléaires de haute et moyenne activité à vie longue], puisque les déchets actuels vont devoir refroidir au moins 60 ans, avant toute possibilité de stockage en profondeur". Telle est la principale conclusion de l'avis adopté à l'unanimité, lundi 3 janvier, par les 17 citoyens du panel chargé de compléter le débat public tronqué relatif au projet porté par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).
Avant de trancher sur l'enfouissement définitif des déchets radioactifs, les 17 membres du panel suggèrent "d'une part, de se donner les moyens de trouver des solutions alternatives ou complémentaires, et d'autre part, de réaliser une expérimentation en grandeur réelle".
En conséquence, il "[considère] qu'il faut un temps supplémentaire et que le calendrier actuel des autorisations officielles prévu par l'Andra ne [lui] parait pas réaliste sans une phase d'expérience grandeur nature".
Le calendrier actuel prévoit une demande d'autorisation de création en 2015, un décret d'autorisation en 2018, la mise en service industrielle en 2025, après autorisation de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), et un premier bilan en 2030.
Pas d'hostilité de principe
De manière plus générale, "le groupe n'est a priori pas hostile à Cigéo, aux conditions que le temps soit pris (…) pour répondre aux questions que nous développons dans cet avis".
Les questions soulevées abordent en particulier les risques d'incendie, un aspect qualifié d'"essentiel", et les risques concernant la ventilation et la dispersion d'éléments nocifs dans l'atmosphère, ainsi que la récupérabilité des déchets, qui va au-delà de la réversibilité.
"Il nous apparait important de s'assurer de la récupérabilité des colis le plus longtemps possible car la récupérabilité est une condition sine qua non de la réversibilité", estiment les 17 citoyens du panel, ajoutant que "contrairement à ce qui est dit dans le document « réponse de l'Andra à la question 428 du débat public », cette récupérabilité jusqu'à la fin de la période d'exploitation nous semble nécessaire".
Enfin, concernant la géothermie, "l'incertitude demeure quant au caractère exploitable du site en accord avec la loi", rappelle l'avis, précisant qu'"il s'agit pour [lui] d'une question juridique fondamentale". Il recommande des études pour connaître son caractère exceptionnel ou non, notamment dans le cadre du procès en cours.
L'Andra satisfaite
En réaction à cet avis, le porteur du projet, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), "relève que le panel n'est « a priori pas hostile à Cigéo », sous certaines conditions". S'agissant des études demandées par les 17 citoyens, l'Andra indique qu'elle "prend acte de la demande d'un démarrage progressif de Cigéo, qui complète et renforce la démarche qu'elle avait présentée à l'occasion du débat public : développement par étapes du stockage avec des points de rendez-vous réguliers, sous le contrôle de la société".
Par contre, il semble qu'elle ne partage pas l'avis du panel sur le calendrier et l'absence d'urgence. En effet, Cigéo doit aussi accueillir 70.000 m3 de déchets de moyenne activité à vie longue "qui n'ont pas besoin de refroidir et dont plus de la moitié est déjà produite", met en avant l'Agence.
S'agissant de la place accordée à cet avis au sein du débat public, l'Agence note qu'il "vient compléter les nombreuses expressions locales et nationales pendant le débat public (154 cahiers d'acteurs, plus de 1.500 questions, plus de 600 avis)".
Quant au réseau Sortir du nucléaire, il réagit dans une lettre ouverte envoyée au ministre de l'Ecologie, Philippe Martin. "Que font Cigéo (…) dans [le] projet de loi [sur la transition énergétique] ?", interroge le réseau précisant qu'"il semblerait qu'en ce début d'année, la rédaction de la partie consacrée aux déchets nucléaires soit bien avancée". Il semblerait, selon les informations rapportées par le réseau, que la réversibilité du stockage, les procédures d'autorisation et les missions de l'Andra, autant de points liés à Cigéo, pourraient être abordées dans la loi de transition énergétique.
Alors que Cigéo devrait faire l'objet d'une loi à l'horizon 2015/2018, le réseau se demande si "[on a] l'intention de glisser très discrètement le feu vert à l'enfouissement des déchets nucléaires les plus dangereux, au sein d'une loi généraliste, en grillant les étapes officielles ?".