Mercredi 15 septembre débute l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique (DUP) du centre industriel de stockage de déchets radioactifs (Cigéo) de Bure (Meuse). La DUP constitue, avec le décret d'autorisation de création (DAC), l'un des deux points de passage indispensables à la concrétisation du projet. Son obtention marque la reconnaissance de l'intérêt général du projet et lui confère une légitimité politique. Il s'agit donc d'une étape capitale pour l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), qui porte le projet depuis plus de deux décennies (les travaux du laboratoire de Bure, qui préfigure Cigéo, ont été engagés en 1995 et ont débuté en 2000).
L'enquête publique (1) , qui porte sur 114 communes, fera l'objet d'une réunion publique le 17 septembre, à Gondrecourt-le-Château (Meuse). Elle s'achèvera le 23 octobre.
Pour rappel, le projet Cigéo doit permettre d'assurer la gestion à long terme des déchets de haute activité et moyenne activité à vie longue (HA-VL et MA-VL). Il s'agit de la solution retenue par la loi de juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs.
Une demande déposée en août 2020
En août 2020, l'Andra a déposé un dossier (2) de demande de DUP composé d'une trentaine de pièces (plus de 3 000 pages). Outre les évaluations environnementale et socio-économique, le dossier comprend les avis des 24 collectivités concernées (17 avis en faveur ou neutre et 7 avis contre).RSN appelle à s'opposer au projet
« Cette procédure officielle ne dupe personne : pour les autorités comme pour l'industrie nucléaire, Cigéo doit avancer coûte que coûte, quelles que soient ses lacunes techniques », critique le réseau Sortir du nucléaire, qui interroge : « Quel sens a une consultation sur un projet déjà acté et au dossier incomplet ? »
Si l'association antinucléaire déplore que jusqu'à maintenant ni les critiques ni les avis négatifs exprimés par plusieurs communes désormais opposées au projet n'ont entraîné une remise en question, elle appelle tout de même « chacune et chacun à se mobiliser partout en France, avec les moyens qui lui sembleront pertinents, pour dire non à ce projet démentiel et imposé ».
En janvier 2021, le volet environnemental a fait l'objet d'un avis critique de l'Autorité environnementale (Ae). Elle reprochait notamment à l'agence des insuffisances concernant le traitement des déchets, le type de stockage, le choix de la couche géologique, l'implantation des installations ou encore le devenir du territoire d'implantation. Les opposants se sont félicités que l'Ae « [mette] en évidence un nombre très important d'informations manquantes sur des sujets cruciaux ». Quant à l'Andra, elle a publié un mémoire (3) reprenant l'avis de l'Ae et répondant aux questions soulevées.
Lancer le projet, en attendant le DAC
L'obtention de la DUP est attendue pour la fin de l'année. Elle permettra de lancer les premières démarches en vue de la réalisation du projet, et notamment de modifier les documents d'urbanisme nécessaires et d'assurer la maîtrise foncière sur un périmètre de 665 hectares en surface et 29 km2 de tréfonds. La construction des bâtiments de surface pourra aussi être lancée, une route sera détournée et les réseaux d'eau et d'électricité seront renforcés. Au total, quelque 200 démarches sont rendues possibles par la DUP. L'Andra pourra aussi lancer les expropriations nécessaires à l'achat des parcelles qu'elle n'aurait pas pu acquérir à l'amiable (au stade actuel, il manque encore 120 hectares).
Pour autant, les travaux de percement des galeries ne débuteront pas tout de suite. Leur lancement dépend d'une autre procédure menée en parallèle : l'obtention du décret d'autorisation de création (DAC). Pour cela, l'Andra va déposer un dossier de demande, début 2022, auprès de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Cette dernière devrait prendre trois à cinq ans pour l'instruire. Ce dossier fera aussi l'objet d'une enquête publique avant signature du décret.
La suite du calendrier prévisionnel de l'Andra anticipe un DAC entre 2025 et 2027 pour effectuer les premiers essais de stockage et de récupération des colis au cours de la première moitié de la décennie 2030. Les tests de cette phase pilote, qui devrait durer entre dix et quinze ans, s'effectueront avec des colis témoins sans déchets radioactifs. Les premiers colis contenant des déchets sont annoncés à partir de 2035, durant la seconde partie de la phase pilote. À l'issue de celle-ci, le centre entrera dans une phase d'exploitation, qui devrait s'achever à l'horizon 2150.