Depuis le déploiement de l'épidémie et la mise en place du confinement, les collectivités territoriales et leurs délégataires en charge du service public des déchets se réorganisent pour continuer à assurer un service essentiel à l'hygiène publique : la collecte et le traitement des déchets. Lors d'une audioconférence organisée lundi 23 mars avec le ministère de la Transition écologique, Élisabeth Borne a appelé tous les acteurs à se mobiliser : « l'ensemble des professionnels ont réaffirmé leur entière mobilisation pour garantir une continuité de service optimale. En particulier, les déchets des ménages, les déchets des entreprises et des établissements hospitaliers, continueront à être collectés avec des fréquences régulières », résume-t-elle en saluant cette mobilisation.
Mais, comme dans tous les secteurs, les questions de définition d'un « service essentiel », des conditions de travail et notamment des protections à fournir aux salariés pour éviter toute contamination, a soulevé des tensions : « Il nous manque deux éléments importants : savoir ce qu'est un service essentiel. Est-ce-que c'est l'ensemble des déchets ménagers qui doivent être collectés et traités ? Par ailleurs, le ministère veut que les activités soient maintenues mais peut-il nous apporter la preuve qu'aucun de nos salariés n'est soumis à un risque de contagion ? C'est nous les employeurs, s'inquiète Nicolas Garnier, délégué général de l'association Amorce qui regroupe les collectivités et leurs opérateurs. Or, ces deux éléments ne sont pas clarifiés pour l'instant ». Face à ces inquiétudes légitimes, le ministère de la Transition écologique a précisé les bonnes pratiques pour les personnes malades à domicile : « Pour des raisons sanitaires, il est demandé aux particuliers que les mouchoirs, masques et gants usagés soient jetés dans un sac plastique dédié, résistant et disposant d'un système de fermeture fonctionnel. Ce sac doit être soigneusement refermé puis conservé 24 heures avant d'être placé dans le sac plastique pour ordures ménagères ».
Des choix différents d'une collectivité à l'autre
Résultats, sur le terrain, tous les acteurs ont placé la protection de leurs salariés comme principale priorité, mais chacun s'organise à sa manière. La question a donc été dans un premier temps d'adapter les procédures et les tournées pour limiter les contacts entre les personnes puisque le secteur ne bénéficie pas, pour l'instant, de masque de protection. « Nous continuons, partout, la collecte. Nous avons réorganisé les équipes : un chauffeur, un rippeur, pour éviter les interactions au maximum ; nous organisons aussi les tournées afin que les chauffeurs ne se croisent pas », explique le groupe Paprec, qui assure la collecte dans plusieurs communes de France.
Mais chaque commune et entreprise ont fait leur choix selon leurs capacités techniques et humaines. Cette réorganisation a poussé certaines d'entre elles à modifier les flux de collecte et à fermer certains centres de traitement. Ainsi, Paris a décidé de supprimer la collecte sélective et de privilégier un seul ramassage avec les ordures ménagères alors que d'autres communes ont choisi de maintenir l'agenda de collecte habituel. En accord avec l'ensemble des communes de son périmètre, le Syctom, syndicat des déchets d'Île-de-France, a fermé ses centres de tri pour ne laisser que celui d'Issy-les-Moulineaux en fonctionnement. « Les centres de tri sont fermés pour des raisons sanitaires car ils nécessitent plus de personnel, contrairement aux incinérateurs où les risques de contamination peuvent être mieux maîtrisés », explique Sylvie Mariaud, chargée de mission au Syctom. Les déchets de nombreuses collectes sélectives partent donc en incinération de manière temporaire. « Il n'y a aucun risque de saturation des incinérateurs en Île-de-France. Ils peuvent traiter 2,3 millions de déchets par an alors que la collecte sélective ne représente que 187 000 tonnes ».
Changement dans les sites de production de déchets
À cette réorganisation liée au risque sanitaire, se greffent les changements de flux liés au confinement. Les salariés ayant déserté les bureaux, les restaurants étant fermés, les déchets des activités économiques sont en baisse. Même si le service public ne récupère que les déchets assimilés à ceux des ménages et non l'intégralité des déchets des entreprises, cela change la donne. En fonction des territoires, qu'ils soient ruraux ou urbains, les sites de production de déchets ne sont plus les mêmes. « Nous constatons une baisse globale des déchets collectés sur notre périmètre de 25 % depuis le début de cette deuxième semaine de confinement. Et nous prévoyons une nouvelle baisse dans les semaines qui viennent », anticipe le Syctom. Les ménages consomment moins et gaspillent moins en cette période où l'accès à l'alimentation est limité.
Une situation en constante évolution
Aujourd'hui, selon les statistiques nationales de l'association Amorce, 99 % des déchèteries sont fermées, 47 % des collectes d'encombrants sont à l'arrêt, 42 % des centres de tri sont fermés, 50 % des collectes de biodéchets sont également arrêtées, de même que 15-20 % de la collecte du verre. Pour les plateformes de compostage, 50 % sont arrêtées car les opérateurs n'ont plus de structurant (déchets verts) pour opérer le traitement. « Il y a les collectivités qui ont maintenu la collecte sélective, celles qui la stocke, celles qui passent tout en mélange », résume Nicolas Garnier, délégué général de l'association.
Mais la situation n'est pas figée et elle peut évoluer très vite. Certaines collectes sélectives pour l'instant à l'arrêt pourraient reprendre si les conditions le permettent. La question de fournir en matière recyclée les industries de l'emballage se pose : « Les Dreal de certaines régions, nous ont assez vite écrit qu'il fallait poursuivre l'activité pour continuer à proposer des matières (cartons, plastiques...) à l'industrie. Les contenants plastiques, les caisses en carton restent nécessaires pour les médicaments, l'alimentaire », explique un représentant du groupe Paprec.
Si chaque collectivité fait ses choix en son âme et conscience, l'association Amorce demande à ce qu'elles soient accompagnées par le ministère de la Transition écologique : « On espère ne pas avoir à payer plus de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) si nous devons faire plus d'enfouissement par exemple. Les déchèteries étant fermées, il va aussi falloir prévoir des solutions de compensation avec tous les éco-organismes pour les déchets que l'on n'aura pas collectés. » À suivre.