"Je prends la décision de quitter le gouvernement". Alors que la rumeur de son départ court depuis plusieurs mois, Nicolas Hulot a annoncé ce matin sur France Inter sa démission du gouvernement d'Edouard Philippe. Le ministre démissionnaire de la Transition écologique et solidaire évoque "une décision sereine, un acte de sincérité avec [lui] même" : il "ne [veut] plus [se] mentir [et] donner l'illusion que [sa] présence au gouvernement signifie qu'on est à la hauteur" sur les enjeux environnementaux.
"Est-ce que nous avons commencé à réduire nos émissions de gaz à effet de serre ? La réponse est non. Est-ce que nous avons commencé à réduire l'utilisation des pesticides ? La réponse est non. Est-ce-que nous avons commencé à enrayer l'érosion de la biodiversité ? La réponse est non. Est-ce-que nous avons commencé à se mettre en situation d'arrêter l'artificialisation des sols ? La réponse est non", résume Nicolas Hulot au sujet de la politique environnementale française. A l'opposé, "on s'évertue à entretenir et réanimer un modèle économique marchand qui est la cause de tous ces désordres".
Un peu d'influence, mais peu de pouvoir
Sur le fond, le porteur du Pacte écologique de 2007 explique qu'il s'est souvent senti seul face aux urgences écologiques. "Je suis tout seul à la manœuvre", résume-t-il. Et de déplorer d'avoir "un peu une influence [mais] pas de pouvoir [ni] les moyens". Il dénonce aussi le mode de fonctionnement des hommes politiques qui ne se hissent pas au-dessus de la mêlée pour défendre un enjeu supérieur. Finalement, "nous faisons des petits pas, et la France en fait beaucoup plus, mais est-ce que les petits pas suffisent ?", interroge-t-il. Nicolas Hulot ne veut plus "s'accommoder" de ces petits pas alors que la situation "exige que l'on change de paradigme".
Il explique ainsi, qu'au cœur de sa décision figure aussi l'idée que sa présence au gouvernement légitime une politique qu'il juge inappropriée aux regards des enjeux. Jusqu'à ce matin, la crainte que son départ aggrave la situation l'emportait. Ce n'est plus le cas. "Si je repars pour un an, nous aurons quelques avancées, mais ça ne changera pas l'issue", déplore-t-il. Sa décision de quitter le gouvernement est "une décision d'honnêteté et de responsabilité".
Absence d'un affichage clair
Nicolas Hulot précise qu'il a pris sa décision lundi soir, à l'issue d'une journée à l'Elysée qui a abouti à l'annonce de mesures en faveur des chasseurs. Pour autant, la décision a été "murie cet été", explique-t-il. Il attendait de la rentrée politique "un affichage clair" qui engagerait l'ensemble du gouvernement (…) "avec [lui] à [ses] côtés pour porter, incarner, proposer, inventer, cette société économique (sic)". Cet espoir, né de "longues discussions" avec le Premier ministre et le Président de la République, est semble-t-il déçu. A l'opposé, il regrette de "[ne pas avoir réussi] à créer une complicité de vision avec le ministre de l'Agriculture".
Certains arbitrages, pris alors que Nicolas Hulot peinait à défendre son plan biodiversité, constituent-ils la goutte d'eau de trop ? Nicolas Hulot ne s'est pas exprimé sur la réforme de la chasse. Il a toutefois expliqué que la présence non-annoncée de Thierry Coste, lobbyiste de la Fédération nationale des chasseurs (FNC) et conseiller "chasse" du candidat Emmanuel Macron, "est probablement un élément qui a achevé de [le] convaincre". Elle est "symptomatique de la présence des lobbies dans les cercles du pouvoir", critique l'ancien ministre qui veut "poser ce sujet sur la table". Cette réunion vient clore "une accumulation de déceptions".
Sur la forme, le ministre démissionnaire n'a prévenu ni Emmanuel Macron ni Edouard Philippe. Cette démission intervient alors que les derniers arbitrages sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) sont attendus. Nicolas Hulot défendait l'inscription du nombre de réacteurs nucléaires à fermer, ainsi que l'échéance pour le faire.
Philippe Collet et Sophie Fabrégat