
Notaire associé à Saint-Chamond, chargé d’enseignement à l’université Paris-Dauphine
Actu-Environnement : Est-ce que le droit de l'environnement est important pour la profession notariale ?
Éric Meiller : Ça l'est, mais de manière accessoire. Le notaire est pour l'essentiel le juriste de l'immeuble. Quand on regarde le chiffre d'affaires des études, la vente immobilière représente les deux tiers, le reste étant du droit de la famille, qui tourne d'ailleurs souvent autour de l'immeuble également. C'est par ce biais-là que le notaire va rencontrer le droit de l'environnement. Il y a donc des points de contact qui imposent à la profession de s'intéresser à des branches du droit de l'environnement parce qu'elles ont un impact direct sur la pratique notariale.
AE : Quelles sont les branches du droit de l'environnement concernées ?
EM : Typiquement, ce qui a été longtemps le cœur du droit notarial environnemental, c'est la législation sur les installations classées (ICPE), mais uniquement en ce qu'elle a un impact sur la vente d'immeubles. C'est-à-dire les questions de droit à l'information, de remise en état, etc. Il y a eu un gros sujet de responsabilité notariale ces dernières années sur les questions de vente de terrains sur lesquels étaient découvertes des pollutions résiduelles. Ce n'est donc pas tout le régime ICPE qui est appréhendé par le notaire.
AE : D'autres questions relevant du droit de l'environnement se posent-elles aux notaires ?
EM : Sur des sujets comme les espèces protégées ou la loi sur l'eau, c'est plus le porteur de projet qui est confronté à ces questions, le notaire jouant plutôt un rôle d'accompagnement. Mais le niveau de conseil est très divers selon les notaires. Il y a le notaire traditionnel, qui travaille sur des projets de moindre envergure, et des notaires spécialisés sur les projets des collectivités et des promoteurs. Tous les clients n'attendent d'ailleurs pas un conseil de la part du notaire. Les clients professionnels peuvent gérer les projets en interne ou avoir déjà leur conseil en environnement, avocats notamment, qui va gérer toute la partie procédurale. Dans le cas des parcs éoliens, par exemple, les avocats vont gérer tous les aspects liés au droit de l'environnement et le notaire, quant à lui, va rédiger le bail emphytéotique qui permet l'installation de l'exploitation sur le terrain. Pour le client particulier, tout cela est plus lointain car il n'a pas atteint l'effet de seuil qui fait que le droit de l'environnement va le contraindre. Par exemple, lorsqu'il achète en zone Natura 2000, le notaire va expliquer les contraintes supplémentaires, mais l'impact ne sera pas colossal s'il garde le bien en l'état.
AE : Il n'est donc pas nécessaire que les notaires maîtrisent tout le droit de l'environnement ?
EM : Il y a des chapitres du droit de l'environnement auxquels le notaire est obligé de s'intéresser car ils vont avoir des conséquences très concrètes sur sa pratique. Concernant la forêt, par exemple, il est obligé de se soucier de tous les droits de préemption, des droits de préférence, des plans de gestion ou des avantages fiscaux. Mais, pour le reste du droit forestier, il a plus besoin d'avoir des notions que de réelles connaissances. Ne serait-ce que du fait que, lorsque les clients ont besoin d'un conseil, ce n'est pas tellement le notaire qui est sollicité. Pour beaucoup de notaires, il y a donc une vue assez décousue du droit de l'environnement, dont l'empire est immense.
AE : Existe-t-il malgré tout des besoins en formation en la matière ?
EM : Pour la formation continue, le catalogue de l'Institut notarial de formation (Inafon), coconstruit par la profession, montre que le sujet typique relevant du droit de l'environnement est celui de la vente de l'immeuble dans lequel a été exploitée une ICPE. On sent aussi un besoin de formation sur l'obligation réelle environnementale (ORE) pour ceux qui la pratiquent. Car, lorsque les associations de protection de l'environnement veulent faire des ORE et s'adressent au notaire de famille du propriétaire, celui-ci est souvent démuni. Mais, sur des sujets pointus comme la dérogation Espèces protégées, les besoins se limitent souvent à savoir où chercher l'information en cas de nécessité. Les formations qui sont prises d'assaut restent celles de la fiscalité immobilière, du droit de l'urbanisme ou de la construction. Souvent, l'environnement est plutôt considéré comme le caillou dans la chaussure dans les dossiers.
AE : Quelles sont les tendances d'évolution de ces questions dans les dossiers des notaires ?
EM : On voit de plus en plus, au moins dans les textes, le développement d'un droit conventionnel environnemental, comme l'illustre typiquement l'ORE. Le notaire n'est alors plus là à titre accessoire. Il est au cœur de la négociation d'une convention qui se fait par acte notarié. En pratique, je n'ai toutefois pas l'impression que beaucoup en fassent. Dans un autre domaine, c'est aussi le cas de la
AE : La profession fait-elle une place à ces nouvelles tendances ?
EM : Ce n'est pas le cœur de la matière notariale. À titre d'illustration, le Conseil supérieur du notariat a relancé l'Institut d'études juridiques, un groupement de notaires qui examine les projets de textes, fait des retours au Gouvernement, et bâtit une espèce de doctrine notariale. Plusieurs sections ont été organisées. Le droit de l'environnement est mêlé au droit rural et, lorsque l'on regarde la composition de la section, il n'y a quasiment que des notaires de droit rural.
AE : Comment voyez-vous évoluer ces questions dans la pratique notariale ?
EM : Ça pourrait devenir quelque chose de beaucoup plus important si le droit de l'environnement s'infléchissait au point de faire une grande part au droit contractuel. Il n'est d'ailleurs pas dit que le droit contractuel de l'environnement ne devienne pas quelque chose de majeur comme peut l'être aujourd'hui le droit de l'urbanisme, autrefois anecdotique. Les lignes bougent aussi au sein de la profession du fait de l'intérêt porté à la question du changement climatique. Il va y avoir des besoins d'adaptation qui vont obliger à changer les logiciels. À Paris, le mauvais scénario selon lequel on va se trouver sous le climat de Séville est en train de se produire. Et on ne peut plus concevoir le droit de l'urbanisme comme on l'a fait avant. En droit rural, c'est pareil. On dit que l'agriculture doit s'adapter, mais le droit rural s'adapte assez peu pour l'instant. Or, l'agriculture ne pourra s'adapter si le droit lui-même ne s'adapte pas. sur le plan notarial, il y a cette même réflexion sur la nécessité de changements juridiques. L'adaptation, c'est aussi bouger les outils. Mais on est encore dans une phase de maturation et il est toujours compliqué de dire jusqu'à quel point et dans quel sens les lignes vont bouger.