En 2012, les éco-organismes issus des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) ont mieux financé les collectivités, les soutiens ayant fortement augmenté, notamment en 2010 et 2011. Néanmoins, le compte n'y est pas encore. Pour remédier à cette situation, il conviendrait notamment que la prise en charge par les producteurs de 80% des coûts nets de référence d'un service de collecte et de tri optimisé soit conforme aux réalités des coûts supportés par les collectivités.
Telle est la principale conclusion de "l'observatoire des filières REP en interaction avec le service public de gestion des déchets" publié jeudi 2 avril par le Cercle national du recyclage (CNR). Le document dresse un bilan, à partir des chiffres 2012, des dix filières qui s'inscrivent dans le cadre du service public, concernent les déchets ménagers gérés par les collectivités territoriales et sont pilotées par des éco-organismes. Le CNR précise que les filières des déchets diffus spécifiques (DDS), des déchets d'éléments d'ameublement et des déchets d'activités de soins à risques infectieux (DASRI) perforants des patients en autotraitement ayant été créées en 2012, "leurs données financières ne sont pas suffisamment denses pour que leur étude représente un intérêt".
Une amélioration insuffisante
Premier constat, la hausse des contributions perçues sur les produits soumis à la REP "témoigne du déploiement et de l'amélioration" des filières. En 2012, environ 1 milliard d'euros ont été collectés par les éco-organismes étudiés, dont 674 millions pour les emballages et 167 millions pour les déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE). Cette collecte a généré des montants destinés à la gestion des déchets de l'ordre de 968 millions d'euros. "Les collectivités locales sont de plus en plus soutenues", estime le CNR, précisant que les collectivités ont reçu 600 millions d'euros, dont 523 millions pour les emballages et 53 millions pour les papiers. En l'occurrence, ces soutiens ont progressé de 27% entre 2010 et 2011 et se sont stabilisés en 2012.
Bonne nouvelle ? Pas forcément, car le soutien financier des éco-organismes "reste très inférieur aux charges réelles de gestion des déchets issus de ces produits mis en marché", déplore le CNR qui réclame notamment que les soutiens des éco-organismes financiers couvrent la totalité des charges supportées par les collectivités.
Réduire les conflits d'intérêt des éco-organismes
Concernant l'amont des filières, le CNR "continue de s'interroger sur la pertinence" des différents statuts des éco-organismes, "notamment pour les sociétés commerciales" dont l'objectif est de distribuer les bénéfices réalisés à leurs actionnaires. Même constat pour la gouvernance qui est confiée aux metteurs sur le marché, alors qu'"il semble évident que la défense de l'intérêt général n'est pas la première des préoccupations des producteurs".
Pour remédier à ces problèmes, le CNR défend la création d'un nouveau statut spécifique aux éco-organismes basé sur un "conseil d'administration partenarial équitable composé a minima d'un représentant des pouvoirs publics, d'un membre du collège collectivités locales et d'un membre du collège consommation". La reconnaissance de la mission d'intérêt général et l'absence de jeton de présence, figurent aussi parmi les demandes.
Le contrôle des déclarations des mises sur le marché des producteurs devrait être réalisé par un organisme indépendant de contrôle et de régulation de l'ensemble des filières REP, plaide le CNR. Cet organisme pourrait, notamment, suivre l'application du cahier des charges des éco-organismes, les déclarations des producteurs ou l'application des barèmes aval et amont. De même, le CNR défend l'élargissement des périmètres de contribution de certaines REP. C'est le cas, par exemple, de la filière papiers dont le périmètre devrait être élargi à la presse papier ou de la filière textiles qui devrait intégrer les déchets textiles d'ameublement.
Tenir compte de l'ensemble des coûts
Du côté de l'aval, le CNR critique le fait que "soit seule une partie de la totalité des coûts financés par les collectivités locales est prise en charge, soit l'ensemble des coûts est pris en charge mais seulement sur une partie du gisement". Pour y remédier, il "souhaite qu'une réflexion soit menée sur la mise en place de REP dites intégrales ou abouties, c'est-à-dire que la responsabilité matérielle ou financière des producteurs soit totale". Dans un tel modèle, la contribution des producteurs couvrirait entièrement le coût global de gestion des déchets, voire même le coût externe associé aux impacts environnementaux des produits usagers.
Quant au non respect des objectifs assignés aux éco-organismes, il devrait être sanctionné systématiquement, souhaite le CNR. Constatant que les coûts de collecte croissent au fur et à mesure de la progression des taux de collectes, les tonnages les plus facilement captables étant moins onéreux, le CNR réclame des sanctions "au minimum proportionnelle au financement" nécessaire à l'atteinte de l'objectif de collecte.
Plus généralement, le document propose aussi une série de mesures pour assurer un meilleur financement des collectivités selon les problématiques des dix REP étudiées. En matière d'emballages, par exemple, le CNR "réclame que la prise en charge par les producteurs de 80% des coûts nets de référence d'un service de collecte et de tri optimisé soit conforme aux réalités des coûts supportés par les collectivités". Il s'agit ici de tenir compte de tous les coûts et notamment intégrer la TVA payée par les collectivités, une différenciation des coûts entre les déchets d'emballages et les papiers graphiques, ainsi que les souillures, les collectivités locales collectant des déchets d'emballages et non des emballages.
Enfin, le CNR exprime deux demandes concernant l'extension du tri des emballages plastique : son déploiement doit être réalisé sur l'ensemble du territoire et les coûts de cet élargissement doivent être intégrés dans l'élaboration du soutien et dans les 80% des coûts nets de référence d'un service de collecte et de tri optimisé.