"Un projet stratégique, économique, d'emploi territorial, de compétitivité nationale autant qu'un projet environnemental": Philippe Martin, le ministre de l'Ecologie, considère le passage à une économie circulaire comme une des priorités de la Conférence environnementale des 20 et 21 septembre prochains.
Un des enjeux de ces deux jours sera notamment de fixer des objectifs, à long et moyen terme, pour accompagner cette transition.
Lors de son discours à l'occasion du forum du Syndicat Mixte Intercommunal de Collecte et de Valorisation (SMICVAL) du Libournais Haute-Gironde, le 30 août, Philippe Martin, a dévoilé les trois axes qu'il souhaitait porter durant la table ronde. Tout d'abord, le fait que le passage à une économie circulaire induit un changement de modes de production et consommation induit. "Notre vision politique doit commencer dès l'amont du cycle de vie des produits, par le développement de l'
Dans ce cadre, il projette également de moduler les écocontributions des filières à responsabilité élargie des producteurs en fonction de leur niveau d'écoconception.
Le Grenelle de l'environnement l'a déjà instauré pour certains filières. Depuis le 1er juillet 2010, les barèmes des écocontributions de certains déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) sont déjà fixés en fonction de la réparabilité et du réemploi, de la dépollution et de la recyclabilité de ces équipements. Pour les piles et accumulateurs, la contribution varie en fonction de l'impact environnemental de la fin de vie de ces équipements.
Le ministre souhaite enfin encourager les activités de prolongement de la durée de vie des produits (partage de l'usage, le réemploi, la réparation).
Le second axe passe par une utilisation des déchets comme de nouvelles ressources à travers une nouvelle politique industrielle. "Notre stratégie doit en effet permettre le développement de filières industrielles de l'amont à l'aval, avec des recherches technologiques sur les produits, les process, et les matériaux", souligne Philippe Martin. Un des enjeux serait d'incorporer les matières dans un nouveau cycle productif.
Vers un pacte économie circulaire
Le Gouvernement pourrait, dans cet objectif, fixer des incitations à l'utilisation de matières recyclées (par exemple dans le cadre d'engagements volontaires de secteurs industriels sur des objectifs de taux d'incorporation de matières premières secondaires dans certains produits). Le Comité Stratégique de Filières Eco-industries (Cosei) élabore notamment un "pacte économie circulaire". Ce dernier vise la promotion, notamment via les règles des marchés publics, de la valorisation industrielle et du recyclage des déchets. Il pourrait permettre d'établir un cadre juridique adapté et de lutter contre les trafics illégaux de matières.
Le dernier message porté par le ministre de l'Ecologie est de concevoir l'économie circulaire comme un projet de territoire.
"La feuille de route issue de la Table Ronde des 20 et 21 septembre pourrait d'ailleurs proposer au Comité pour la Fiscalité Ecologique une trajectoire de long terme pour la fiscalité et les modes de tarification incitative du service public de gestion des déchets, adaptée aux objectifs et à notre ambition", détaille le ministre.
Les régions pourraient, selon lui, intervenir dans cette stratégie de planification de l'économie circulaire décloisonnée : en veillant aux conditions d'approvisionnement du territoire en ressources nécessaires aux activités économiques, en planifiant les conditions de l'émergence et de la pérennisation de filières professionnelles et en accompagnant l'innovation technologique associée.
Quelques pistes pour l'horizon 2020 ont également été tracées par un document préparatoire transmis par le Gouvernement. Ce dernier considère que pour la mise en œuvre de l'économie circulaire, différents objectifs devraient être défini dont celui de la prévention de la production de déchets. La France produirait en effet chaque année 355 millions de tonnes de détritus.
Une diminution de la mise en décharge
Autre enjeu : déterminer un niveau de valorisation matière pour les déchets non dangereux notamment du BTP. Ces derniers représentent plus de 73% des déchets produits en France. Alors qu'ils constituent près de 40% des besoins de matières en France, ils ne sont recyclés qu'à hauteur de 65%.
Le document de travail se penche également sur les déchets encore mis en décharge. Il propose "à l'horizon 2020 une diminution à atteindre via la planification, la fiscalité et/ou l'interdiction de mise en décharge de certains déchets qui devront être ré-orientés vers la réutilisation ou le recyclage". Il préconise également de déterminer une trajectoire de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) entre 2015 et 2020 "afin de donner suffisamment de lisibilité aux acteurs qui doivent préparer leurs investissements".
La Fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement (Fnade) propose notamment de limiter l'enfouissement des déchets réglementairement, soutenir la création de 60 centres de recyclage et d'aider à l'industrialisation autour des incinérateurs pour valoriser la chaleur.
Vers une loi-cadre économie circulaire ?
Du coté des acteurs du secteur, la généralisation de ce modèle dépend d'une incitation et d'une intervention publique. L'Institut de l'économie circulaire appelle à l'élaboration d'une loi-cadre Economie circulaire qui fixe un cap et des objectifs à moyen et long terme. L'organisme propose de mener une réflexion collective et participative avec l'ensemble des acteurs concernés lors des Etats généraux de l'économie circulaire "qui pourraient être lancés à l'issue de la conférence environnementale". Des pays comme l'Allemagne, les Pays-bas, le Japon ou encore la Chine, se sont déjà dotés de cet outil.
"Un des intérêts de la loi cadre, c'est qu'elle rassurera les opérateurs économiques, précise Géraldine Poivert, vice-présidente en charge de la communication de l'Institut de l'économie circulaire, ils ont besoin de stabilité et n'investiront pas sans cette condition… les investissements publics devront également permettre un renouvellement de l'industrie de fonctionnalité, du recyclage".
La Fondation Nicolas Hulot voit quant à elle deux mesures phares à instaurer : un soutien au initiatives locales (comme un fonds de soutien aux entreprises et acteurs territoriaux qui s'engagent) ainsi qu'aux expérimentations dans les territoires et le lancement d'un plan de lutte contre l'obsolescence programmée.