"L'émergence d'une économie circulaire est rendue difficile dans ces territoires [départements, régions et collectivités d'outre-mer] en raison de leur éloignement de l'hexagone, souvent combiné à leur insularité et à leur taille modeste au regard de certaines logiques industrielles de production recherchant des économies d'échelle", souligne Serge Letchimy, député SRC de la Martinique, dans son rapport dédié à l'Outre-mer.
Ce travail constitue le second volet d'une mission confiée par Ségolène Royal, ministre de l'Ecologie, pour tenter de lever les difficultés spécifiques à ces territoires, relevées lors des discussions sur le projet de loi de transition énergétique. Dans son premier rapport, le député s'était concentré sur l'amélioration de la gestion des véhicules hors d'usage (VHU) en Outre-mer. Dans ce second document, il examine les possibilités de transposition des propositions formulées pour la filière automobile à d'autres types de déchets.
Quelle gestion des fibres de verre ?
Parmi les filières à enjeux de l'Outre-mer, si celle des bateaux de plaisance hors d'usage (BPHU) présente des similitudes avec la gestion des VHU, des spécificités sont toutefois à noter. "Beaucoup de ces navires sont aujourd'hui en fibres de verre, matériau qui est financièrement beaucoup moins attractif en matière de recyclage que l'acier, note Serge Letchimy. Aujourd'hui, seule une entreprise située en métropole proposera à partir de 2016 une solution de recyclage de ces matériaux pour une capacité de 1.000 t/an ne répondant pas à la totalité des quantités attendues".
Les contraintes de transport limitent également la massification des unités de traitement des navires. Pourtant, "au vu de l'analyse de l'[Association pour la Plaisance Eco-Responsable ](APER), le nombre de navires en fin de vie en Guadeloupe et en Martinique, voire à La Réunion, justifierait l'existence d'unités de démantèlement dans chacune de ces îles", constate le député.
Afin de compléter les équipements nécessaires de centres agréés, il préconise le lancement d'un appel d'offresdédié aux collectivités d'outre-mer pour la déconstruction des bateaux hors d'usage (avec des aides à ces équipements sous forme de subventions du Fonds européen de développement économique régional).Ce dernier pourrait également établir des synergies avec les centres de véhicules hors d'usage.
Un taux de collecte des DEEE à améliorer
Concernant les déchets d'équipements électriques et électroniques (D3E), Serge Letchimy explique le "parfois plus faible" taux de collecte que la moyenne nationale par différentes raisons : tout d'abord, la pratique de livraison à domicile de l'appareil électro-ménager neuf avec reprise de l'ancien n'est pas habituelle en Outre-mer. De plus, "proportion non négligeable"de distributeurs ne proposeraient pas de dispositifs de collecte. Autre frein : les déchetteries peu développées, notamment à Mayotte et en Guyane.
Le député souligne également le poids de l'éloignement de l'Outre-mer (par rapport aux centres de traitement) dans le coût de traitement des D3E et la répercussion sur le développement de la collecte. "Les vols et le vandalisme dans les points de collecte constituent un souci récurrent, pointe également dans son rapport, Serge Letchimy. La question se pose d'une prime à l'apport de D3E, comme imaginé pour les VHU, notamment pour lutter contre les filières illégales". Le député propose notamment de développer les points de collecte chez les distributeurs avec reprise gratuite même sans vente d'un nouveau produit.
Autre suggestion : encourager l'implantation d'activités de réemploi et recyclage par l'insertion économique de réseaux du type "Envie" ou de l'association Emmaüs.
Instaurer une consigne des cannettes et des bouteilles en plastique
Lors de son audition, Eco-emballages a indiqué au député que le taux de recyclage des déchets d'emballage dans les collectivités ultramarines était de 21% en 2014 (contre 66% en moyenne française). Serge Letchimy recommande l'expérimentation des dispositifs de consigne pour faciliter la collecte des déchets d'emballages et leur réutilisation.
"Les collectivités ultramarines semblent d'autant mieux placées pour expérimenter la consigne et la réutilisation des bouteilles en verre que le verre à usage unique collecté est moins bien valorisé que dans l'hexagone, justifie-t-il. Faute d'usines de fabrication de verre dans leurs territoires, les collectivités ultramarines l'utilisent essentiellement comme sous-couche routière, ce qui est une valorisation moins intéressante du calcin que son utilisation comme matière première de la fabrication de bouteilles".
Il propose également de réaliser un bilan comparatif de la valorisation énergétique des papiers, cartons et matières plastiques ou de leur recyclage sur les plans économique et écologique.
Des filières meubles et textiles peu structurées
"Il n'existe pas actuellement de valorisation locale des déchets d'éléments d'ameublement (DEA) en outre-mer, constate Serge Letchimy. Du fait du volume important de déchets, il n'est pas non plus procédé à des exportations des DEA vers l'hexagone à des fins de recyclage qui seraient trop onéreuses. Dès lors, lorsque les DEA ne sont pas réutilisés ou recyclés, ils sont enfouis".
Les résultats de l'étude seront disponibles en 2016, selon le député Serge Letchimy.
Sur la question des textiles, linges de maison et chaussures, le député note que des opérateurs ont été identifiés pour chaque île. "Plusieurs associations procèdent à des collectes sans avoir été à ce jour recensées et sans que leurs efforts soient comptabilisés dans les données, indique-t-il. Plusieurs projets de tri existent. Les débouchés des produits ainsi triés restent à préciser".
Le parlementaire recommande d'inventorier les initiatives vertueuses existantes en matière de retraitement des textiles usagés en Outre-mer et étudier les modalités de transposition dans les autres territoires.
Enfin, le député préconise d'encourager de manière générale la coopération régionale en matière de gestion des déchets afin d'homogénéiser les pratiques entre territoires voisins.