Ce lundi 30 octobre, le Gouvernement a dévoilé les « principaux axes » de son projet pour le futur plan Écophyto 2030 (ou Écophyto III) devant les membres du Comité d'orientation et de suivi (COS) de l'actuel plan Écophyto II+, représentant collectivités, agriculteurs et associations environnementales. Pour rappel, le plan en vigueur prendra fin en avril 2024. La proposition des ministères de l'Agriculture, de la Transition écologique, de la Santé et de la Recherche est désormais soumise à la conclusion des parties prenantes jusqu'au 30 novembre. La publication de la nouvelle stratégie ainsi élaborée interviendra courant du mois de janvier 2024.
La volonté d'une « approche globale »
Les objectifs restent les mêmes : d'une part, réduire de moitié l'utilisation de produits phytosanitaires (ou pesticides) d'ici à 2030 (au lieu de 2018, puis 2025, pour les deux précédents plans), par rapport à la période 2015-2017 ; d'autre part, « accélérer le développement des solutions alternatives non chimiques et chimiques pour mieux se préparer au potentiel retrait de certaines substances actives ». Pour cela, le Gouvernement mise cette fois sur une « approche globale » qui, par exemple, prendra également en compte les solutions de biocontrôle et les préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP).
L'exécutif entend, par ailleurs, moderniser les méthodes d'encadrement, notamment avec la création d'ici à 2026 d'une plateforme numérique regroupant tous les registres d'utilisation des pesticides obligatoirement tenus par chaque agriculteur concerné. En outre, la mise en œuvre de ce plan se déroulera par filières et par vagues : premièrement, par un état des connaissances des bioagresseurs ; deuxièmement, par l'identification des solutions alternatives appropriées ; troisièmement, par l'accompagnement du déploiement de ces solutions sur les exploitations.
Pour mettre ce nouveau plan sur pied, le projet de loi de finances pour l'année 2024, en discussion, prévoit déjà une enveloppe de 250 millions d'euros ainsi qu'une hausse de la redevance pour pollution diffuse, à hauteur de 71 millions d'euros, selon le journal Les Échos. Le ministère de l'Agriculture ajoute qu'une « allocation de crédits France 2030 dédiés à Écophyto 2030 dont le montant sera arbitré par la Première ministre » est également considérée.
L'avenir du Nodu en suspens ?
Pour Générations futures, l'une des associations environnementales présentes au COS, les nouveautés promises par ce troisième plan et le fait d'avoir conservé l'objectif premier d'une réduction de moitié des pesticides sont à saluer. Néanmoins, la déclinaison de cette stratégie leur semble « encore floue à ce stade sur le niveau de performance et de résultats attendus ». Cette interrogation émane principalement de la place qu'Écophyto 2030 donnera aux indicateurs de suivi en vigueur ou à venir.
À l'heure actuelle, la référence demeure le nombre de doses-unités (Nodu), calculé à partir des données de vente des produits phytosanitaires. En 2022, il a été inférieur de 9 à 11,5 % par rapport à la période 2015-2017, mais de 3,5 % supérieur à l'année 2021. Cela étant, la révision du règlement européen sur l'usage durable des pesticides (SUR), présentée en juin 2022 et toujours en négociation, table sur un autre indicateur : HRI-1 ou « indicateur de risque harmonisé de type 1 », calculé lui aussi à partir des ventes, mais pondéré par la classification toxicologique des produits ciblés. D'après l'ONG, si son utilisation était adoptée sur le plan européen, forçant la France à le substituer au Nodu, elle pourrait « dénaturer complètement l'évaluation du plan français, et donc son ambition ».
Par ailleurs, ce nouveau plan Écophyto s'élabore en parallèle des auditions menées par la commission d'enquête parlementaire, ouverte en juillet dernier, sur les échecs des deux précédentes stratégies. Présidée par le député Renaissance, Frédéric Descrozaille, membre de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, la commission d'enquête est issue d'une résolution proposée en juin par le député PS Dominique Poitier, qui en est désormais rapporteur.