Elle était dans les cartons de la Commission européenne depuis plusieurs mois : la révision des directives régissant la qualité de l'air en Europe débute enfin. La Commission a présenté ses propositions, mercredi 26 octobre, ce qui lance officiellement les débats au sein du Parlement et des États membres pour les mois à venir. La Commission ouvre également une nouvelle consultation publique sur ces textes.
Cette révision vise à améliorer la qualité de l'air d'ici à 2030, puis atteindre le « zéro pollution » d'ici à 2050. Et de réduire par la même occasion les impacts sur la santé des Européens. « À elle seule, la pollution atmosphérique entraîne la mort prématurée de près de 300 000 Européens chaque année », rappelle l'exécutif européen, sans compter le nombre important de maladies telles que l'asthme, les problèmes cardiovasculaires et le cancer du poumon. « L'étude d'impact montre que les avantages de la révision proposée pour la société l'emportent largement sur les coûts », justifie la Commission.
Des normes qui se rapprochent des recommandations de l'OMS
Comme elle l'avait annoncé en septembre 2021, la Commission européenne propose des normes de qualité de l'air renforcées (cf. tableau ci-dessous), à atteindre d'ici à 2030, afin de les aligner « plus étroitement » aux recommandations de l'OMS. Mais elle n'a pas choisi de s'aligner totalement, une option certes étudiée, mais qui demanderait un effort financier conséquent de 7 milliards d'euros, pour des bénéfices estimés à 38 milliards. « Dans le cadre de cette option, 71 % des points d'échantillonnage ne devraient pas respecter les normes sans un effort supplémentaire au niveau local et, dans bon nombre de ces cas, ils ne seraient pas du tout en mesure de respecter ces normes avec uniquement des réductions techniquement réalisables », explique la Commission dans son étude d'impact. Elle a donc choisi un entre-deux, avec des valeurs limites qui se rapprochent de celles conseillées par l'OMS qui nécessiteront 5,7 milliards d'euros d'investissement pour des avantages sociétaux estimés à 36 milliards.
Les nouvelles normes que propose la Commission européenne
Valeur cible | Valeurs limites en vigueur | Nouvelle directive au 1er janvier 2030 | OMS | |
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NO2 | 40 µg/m3 en moyenne annuelle |
20 µg/m3 en moyenne annuelle |
10 µg/m3 | |
50 µg/m3 sur 24 heures |
25 µg/m3 sur 24 heures |
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PM10 | 40 µg/m3 en moyenne annuelle |
20 µg/m3 | 15 µg/m3 | |
50 µg/m3 en moyenne journalière |
45 µg/m3 en moyenne journalière |
45 µg/m3 sur 24 heures |
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PM2,5 | 25 µg/m3 en moyenne annuelle |
10 µg/m3 | 5 µg/m3 en moyenne annuelle |
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25 µg/m3 sur 24 heures |
15 µg/m3 sur 24 heures |
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Ozone | 120 µg/m3 en moyenne sur 8 heures |
100 µg/m3 en moyenne sur 8 heures |
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SO2 | 20 µg/m3 en moyenne annuelle |
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50 µg/m3 sur 24 heures |
40 µg/m3 sur 24 heures |
Mais pour les associations, ce choix n'est pas le bon. « Les seuils proposés de particules fines PM2,5 ou de dioxyde d'azote sont deux fois plus élevés que les recommandations de l'OMS mises à jour en septembre 2021 », remarque Tony Renucci, directeur général de l'association Respire. « Malgré des avancées, la proposition de la Commission ne prend pas le parti de l'urgence sanitaire. L'ambition d'un alignement total sur les recommandations de l'OMS doit être assumée ! », plaide-t-il. France nature environnement (FNE) remarque, pour sa part, que 2030, c'est loin : « Le risque, c'est que de nombreux pays considèrent cette échéance, trop lointaine, comme un permis à polluer pendant huit années encore. » L'association critique également les faibles ambitions sur l'ozone : « Pour l'ozone, un polluant inquiétant qui a tendance à augmenter, la Commission se contente de proposer des valeurs cibles, c'est-à-dire sans obligation de les atteindre. » Sur ce point, la Commission s'explique que « l'ozone est exempté [de valeur cible] en raison des caractéristiques complexes de sa formation dans l'atmosphère qui compliquent la tâche d'évaluer la faisabilité du respect de valeurs limites strictes ».
Un droit à l'indemnisation et à l'action collective en justice
FNE note toutefois quelques points positifs. La fédération salue ainsi la mise en place de valeurs limites pour plusieurs métaux et substances, comme le cadmium, le nickel ou encore le benzo[a]pyrène, un hydrocarbure issu de la combustion de carburants ou de la biomasse. Autre bon point : la Commission européenne propose une révision régulière des normes de qualité de l'air afin de les réévaluer en fonction des dernières preuves scientifiques, ainsi que des évolutions sociétales et technologiques. « Le premier examen aura lieu d'ici à la fin de 2028, avec l'objectif notamment d'assurer un alignement complet sur les recommandations », précise-t-elle.
La Commission a également fait le choix de rester sur une directive et non de passer en règlement, comme elle a tendance à le faire sur d'autres sujets. Contrairement à un règlement qui est d'application immédiate dans les États membres, une directive doit être transposée, ce qui laisse une marge de manœuvre aux États pour adapter les mesures à la situation locale. « La proposition laisse les détails de la mise en œuvre aux États membres qui connaissent les circonstances nationales, régionales et locales et peuvent donc mieux choisir les mesures les plus rentables pour atteindre les normes de qualité de l'air », justifie la Commission.
Point innovant et notable : la Commission a pris des dispositions favorisant l'accès à la justice par les citoyens affectés par la pollution atmosphérique, via un droit à l'indemnisation en cas de violation des règles de l'UE et un droit d'être représentés par une organisation non gouvernementale dans le cadre d'actions collectives en réparation des dommages. De quoi motiver les États membres à agir pour éviter les contentieux ? Sans aucun doute. Reste à voir ce qu'il restera de ces mesures après leurs décryptages et, parfois, leur détricotage par le Parlement et surtout les États membres.