Maîtriser le phénomène de retrait-gonflement de l'argile présente sous la chaussée en minéralisant ses particules : c'est l'expérimentation unique au monde menée depuis cet été par le Département du Loiret, avec le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), sur une portion de 250 mètres de la RD151, à hauteur de la petite commune rurale de Saint-Loup-des-Vignes. Développé par la start-up Medusoil, le procédé consiste à injecter du carbonate de calcium dans le sol, afin de créer de la calcite pour « cimenter » l'argile et ainsi bloquer la capacité de cette dernière à réagir aux variations d'humidité des sols. « En quelque sorte, on sature la matière, traduit Frédéric Legay, responsable du service gestion de la route au conseil départemental du Loiret. Ce procédé a déjà été testé sur du sable, mais jamais encore sur de l'argile. » Afin de mesurer la teneur en eau du sol, en temps réel, vingt sondes ont été installées dans la chaussée, couplées à une station météo. L'expérimentation durera environ cinq ans.
Le climat aggrave la situation
Si cet essai a un coût important, 230 000 euros pour l'ensemble du chantier, le Département espère grâce à lui bloquer l'apparition des fissures, fractures et autres dénivellements en surface, dus à la déformation du sous-sol argileux que provoque l'alternance des précipitations et des sécheresses. Car ces altérations routières, dangereuses pour les usagers, notamment pour les deux-roues, s'amplifient largement avec le réchauffement climatique. « Ces phénomènes sont plus fréquents mais aussi plus rapides, modifiant le sol plus en profondeur », observe Frédéric Legay. La remise en état des chaussées se révèle donc plus onéreuse pour les finances publiques.
Stabilisation en ligne de mire
En 2021, sur la RD921, ses équipes injectent ainsi sur 320 mètres, sous les accotements, une solution de stabilisation des sols argileux. Mis au point par Keller France et appelé RemediaClay, le produit est composé d'eau, de soude, de potassium et de lignine extraite du bois. Sans danger pour l'environnement, il freine, là encore, la pénétration de l'eau dans les couches inférieures. Deux rangées de capteurs à trois mètres de profondeur permettent de mesurer la teneur en eau des sols. Coût des travaux : 250 000 euros. Pour l'instant, les résultats sont probants, mais il faudra attendre d'autres périodes de sécheresse pour valider les effets de ce traitement, inédit en Europe, et vérifier, notamment, que la solution se maintient suffisamment dans l'argile.
Le Cerema ambitionne de lancer un Observatoire national des routes sinistrées par la sécheresse (ONRS) et de publier un guide des solutions à l'horizon 2025. La journée, organisée en présentiel et en distanciel, est gratuite. Elle s'adresse à tous les acteurs publics et privés intéressés.
Travailler pour l'avenir
En surface, la couche de roulement a été reconstituée avec des « enrobés froids » à base d'émulsion, plus souples que les enrobés traditionnels, donc moins susceptibles de se casser lorsque le sous-sol travaille. « Depuis, des mesures régulières de la topographie n'ont pas révélé de déformations profondes de la chaussée, seulement quelques légères fissurations », indique Florent Janin, responsable de l'unité gestion et entretien des routes du Loiret. Budget de l'opération, qui nécessite de refaire entièrement la structure de la chaussée : 360 000 euros pour une portion de 300 mètres.
Toutes ces expérimentations devraient voir leur coût baisser, via des économies d'échelle, lors de leur passage éventuel de la R&D à l'innovation, d'ici cinq à sept ans. « Le but est d'avoir un temps d'avance, d'identifier des solutions intéressantes et pérennes puis d'en faire un catalogue dans lequel les collectivités pourront venir piocher en fonction de leurs propres difficultés. Nous travaillons pour l'avenir », explique Frédéric Legay.