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Générations futures alerte sur la contamination aux PFAS dans le Gard

Générations futures a mis en lumière des taux de PFAS très élevés dans l'eau potable et les cours d'eau en aval du site chimique de Salindres, dans le Gard. Elle va porter plainte pour pollution aggravée des eaux et atteinte des poissons.

Eau  |    |  D. Laperche
Générations futures alerte sur la contamination aux PFAS dans le Gard

Des teneurs en PFAS (1) bien plus élevées que ce qui peut être retrouvé ailleurs en Europe, mais conformes aux règles fixées : c'est le constat fait - et qu'a voulu dénoncer - l'association Générations futures à proximité de la plateforme chimique de Salindres, dans le Gard.

« Un arrêté préfectoral doit normalement fixer des limites à ne pas dépasser en fonction de la dangerosité pour la faune, la flore ou la santé humaine, a pointé maître François Lafforgue, avocat de Générations futures à l'occasion d'un point presse, mardi 6 février. Nous craignons que ce soit l'inverse qui se soit passé : qu'il soit plutôt établi en fonction des besoins de rejets de l'industriel. » L'association doit dans les prochains jours solliciter le procureur de la République pour l'ouverture d'une enquête préliminaire.

“ La norme de qualité environnementale fixée pour 24 PFAS jugés prioritaires est dépassée pour tous nos prélèvements ” Pauline Cervan, Générations futures
Si Générations futures s'est intéressée à ce site, c'est qu'il fait partie des cinq usines identifiées comme productrices de PFAS en France, avec Arkema et Daikin à Pierre-Bénite dans le Rhône, Chemours à Villiers-Saint-Paul dans l'Oise, et Solvay à Tavaux dans le Jura. La plateforme chimique de Salindres héberge une autre usine de Solvay. Anciennement Rhodia, celle-ci produit des composés perfluorés depuis les années 1980 : l'acide trifluoroacétique (TFA) depuis 1982, l'acide triflique (TA) depuis 1998 ainsi que le lithium bis.

L'association a réalisé des prélèvements d'eaux de surface (dans le rejet de l'industriel, dans l'Arias, l'Avène et le Gard) à proximité de la plateforme, mais aussi d'eau potable à Salindres et dans deux communes à une vingtaine de kilomètres du site : Boucoiran-et-Nozières et Moussac. Elle a ensuite recherché 28 PFAS dans ces échantillons avec l'aide d'un laboratoire agréé : les composés fabriqués par Solvay, les 20 substances qui devront être suivies dans l'eau potable à partir du 1er janvier 2026 ainsi que des substances (2) considérées comme préoccupantes. « Pour les trois substances produites sur le site, nous avons dû demander au laboratoire de développer des méthodes pour les quantifier car il n'en disposait pas, celles-ci n'étant pas surveillées », a pointé François Veillerette, porte-parole de l'association.

Des teneurs très élevées dans le milieu

Du TFA et du TA pour quels usages ?

Le TFA est utilisé comme matière première dans la production de pesticides ou encore de médicaments, comme le Prozac. D'autres usages sont aussi recensés : réactif de laboratoire, solvant ou catalyseur dans les réactions de polymérisation et de condensation. « Le TFA a trois principales sources : les usines de fabrication de PFAS, la dégradation des gaz fluorés réfrigérants et la dégradation de certains pesticides perfluorés, a indiqué Pauline Cervan, toxicologue chez Générations futures. D'après l'Agence fédérale de l'environnement allemande (UBA), en Allemagne, les usines produisent une contamination très importante mais localisée alors que la pollution généralisée serait liée à la dégradation des pesticides. » L'acide triflique est un acide très puissant, très utilisé comme réactif de laboratoire. Mais les données sur sa contamination dans l'environnement sont très lacunaires.
Résultats ? Dans le milieu, les teneurs retrouvées aussi bien dans le rejet que dans les cours d'eau sont très élevées. Ainsi, pour les 20 PFAS de la « liste eau potable » et les PFAS d'intérêt, la contamination semble généralisée en amont et en aval du site. « Nous avons comparé les niveaux avec la norme de qualité environnementale fixée pour 24 PFAS jugés prioritaires : elle est dépassée pour tous nos prélèvements, même dans le Gard, plus en aval », a souligné Pauline Cervan, toxicologue chez Générations futures.

Le constat est le même pour deux des PFAS produits sur le site : les teneurs en TFA et TA sont particulièrement hautes : 3,9 mg/L dans l'Avène, 7,5 mg/L dans l'Arias et 0,016 mg/L dans le Gard. « Nous avons fait des recherches dans la littérature scientifique : le niveau mesuré pour le TFA dans l'Arias et l'Avène n'a jamais été mesuré auparavant, a noté Pauline Cervan. L'Agence fédérale de l'environnement allemande, UBA, avait relevé, en 2015, des taux de 0,14 mg/L dans le Neckar, à proximité d'une usine de Solvay, et l'avait jugée déjà comme exceptionnellement élevée. »

De la même manière, des concentrations élevées de TA ont été mesurées dans l'Arias (2 mg/L) et l'Avène (1,4 mg/L), quand l'association indique avoir retrouvé dans la littérature qu'une concentration maximale de 0,001 mg/L. « Le TA n'est pas quantifié dans le Gard, mais nous ne sommes pas étonnés car la limite de quantification était assez haute, à 0,005 mg/L, le laboratoire venant de développer la méthode de quantification », a précisé Pauline Cervan.

Les normes « eau potable » pourraient être dépassées

Les prélèvements réalisés dans l'eau potable à Boucoiran-et-Nozières et à Moussac sont également préoccupants : parmi les PFAS retrouvés figure le TFA à des teneurs importantes : 18 μg/L à Moussac et 19 μg/L à Boucoiran. Comme la France ne dispose pas de valeur sanitaire pour cette molécule dans l'eau potable, Générations futures s'est tournée là encore vers les travaux réalisés en Allemagne à la suite de la contamination de la rivière Neckar. « La valeur fixée est de 60 μg/L, mais elle repose sur une seule étude chronique réalisée par Solvay. L'UBA recommande d'ailleurs de viser une teneur bien inférieure à 10 µg/L, a détaillé Pauline Cervan. Et en décembre 2023, l'Allemagne a notifié à l'Echa son intention de classer le TFA comme reprotoxique. » Par ailleurs, l'Institut national de la santé publique et de l'environnement néerlandais (RIVM) s'est également positionné sur cette substance et a fixé une valeur sanitaire de 2,2 μg/L.

Concernant l'ensemble des PFAS retrouvés, pour disposer d'un élément de repère, Générations futures s'est appuyée sur les propositions de norme de qualité de la directive Eau potable récemment révisée. Le texte européen propose en effet deux options aux États membres : soit de respecter le seuil de 0,1 μg/L pour la somme de 20 PFAS, l'option retenue par la France, soit la limite de 0,5 μg/L pour l'ensemble des PFAS, qui ne sera pas appliquée pour l'instant au 1er janvier 2026. « La France a choisi de ne pas appliquer cette norme tant qu'il n'y a pas de méthode pour mesurer le total des PFAS, a indiqué Pauline Cervan. Si nous l'appliquons aux TFA, nous observons des dépassements jusqu'à 38 fois plus élevés. »

En revanche, aucune des substances recherchées n'a été détectée dans l'eau potable de la commune de Salindres. « La ville est alimentée par un captage situé bien en amont de la plateforme chimique », a expliqué Pauline Cervan.

Deux infractions au code de l'environnement

Générations futures compte désormais déposer une plainte auprès du procureur de la République pour deux infractions au code de l'environnement : un délit d'atteinte aux poissons, compte tenu des teneurs de TA et de TFA présentes dans l'eau, et un autre de pollution aggravée des eaux. « Plusieurs textes prévoient la surveillance des rejets de PFAS dans les rivièresmais nous n'en avons pas retrouvé la trace », a également noté maître François Lafforgue. Nous demandons des comptes également à l'Agence régionale de santé. »

Parmi les demandes de l'association, à l'échelle locale, figure la prise en compte des PFAS dans les investigations relatives aux cas de glioblastomes survenus à Salindres et à Rousson. À la suite de signalements de médecins de plusieurs cas de cancer, un suivi épidémiologique a été mis en place dans sept communes à proximité de Salindres depuis 2012. Un rapport d'étape montre une incidence plus forte de glioblastome (3) par rapport au reste du Gard. « C'est aujourd'hui que Santé publique France publie son rapport de suivi de leur enquête. Nous espérons voir apparaître des travaux en lien avec les PFAS », a ajouté Pauline Cervan. Au moment où nous publions cet article, le rapport n'a pas encore été rendu public.

L'association souhaite aussi que l'Anses se penche sur le caractère reprotoxique du TFA et travaille sur une valeur sanitaire pour le TFA dans l'eau potable.

1. Lire PFAS : une pollution qui redevient visible<br />
https://www.actu-environnement.com/dossier-actu/PFAS-eau-industries-villes-reach-polluants-eternels-mousses-anti-incendie-vallee-chimie-95#:~:text=PFAS%20%3A%20les%20quatre%20recommandations%20du,production%20d%27ici%20à%202030.
2. Dans les eaux de surface : 6 :2 FTS, PFHxDA, PFODA, PFTeDA. A cette liste, dans l'eau potable, Générations futures a ajouté le GenX3. Suivre le dossier sur Santé publique France
3) https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2020/salindres-et-rousson-enquetes-de-sante-publique

Réactions5 réactions à cet article

Je lis ci-dessus :


"Ainsi, pour les 20 PFAS de la « liste eau potable » et les PFAS d'intérêt, la contamination semble généralisée en amont et en aval du site. "

Que des contaminations soient avérées en aval des sites concernés c'est crédible. Mais en amont ? Je suis perplexe.

Après les saumons et les anguilles la migration des petites molécules pour se reproduire ?

glaudius92 | 07 février 2024 à 11h27 Signaler un contenu inapproprié

Les PFAS se trouvent désormais sur la planète entière, y compris au Pôle Nord.
Auparavant on ne les trouvait pas, car on ne les recherchait pas ! Puis ils seront TOUJOURS présent, car quasi indestructible. C'est le scandale sanitaire du 21ème siècle.

Erikk | 08 février 2024 à 09h52 Signaler un contenu inapproprié

Pour la pollution à l'amont du rejet aqueux de l'usine, la source de pollution semble plus historique (par ce "charmant" complexe industriel de Salindres). Cf l'enquête France Info dont je cite un extrait ici : "Même en amont du rejet industriel, dans le prélèvement qui devait servir de témoin, on retrouve 7000 µg/L de TFA. Un résultat très "surprenant " pour le militant, "à tel point que le laboratoire a dû s'y prendre à deux fois pour faire les analyses parce qu’il n’était pas calibré pour en trouver autant. On peut penser que c’est la colline de déchets chimiques entassés sur la plateforme qui peut percoler."

espritcritique | 08 février 2024 à 16h56 Signaler un contenu inapproprié

Je travaille dans le milieux. "En amont" ne veut rien dire. C'est le sens d'écoulement de la nappe qui compte. Puis, ceci est assez compliqué à comprendre, car il peut être influencé par beaucoup de choses, dont les pompages industriels, etc.
En bref, si on trouve des produits chimiques "exotiques" à proximité d'une usine qui les fabrique, il y a de fortes chances qu'ils proviennent de l'usine en question !

Erikk | 08 février 2024 à 18h21 Signaler un contenu inapproprié

Je suis d'accord uniquement avec la phrase "Si on trouve des produits chimiques "exotiques" à proximité d'une usine qui les fabrique, il y a de fortes chances qu'ils proviennent de l'usine en question !" Il est clairement écrit dans les articles qu'on parle des teneurs en PFAS dans les cours d'eau. D'ailleurs, ça marche aussi pour la nappe car l'amont et l'aval sont bien définis par rapport au sens d'écoulement (qui est plus facile à définir pour un cours d'eau que pour une nappe). Auparavant, on ne trouvait pas les PFAS car 1) à une époque ils n'existaient pas 2) on ne les cherchait pas 3) les techniques d'analyses (limites de détection et quantification) n'étaient pas assez performantes.
Malheureusement, les PFAS ne sont qu'un scandale sanitaire de plus, pas forcément le scandale sanitaire du siècle. Le plastique est également partout sur la Terre (on parle de plastisphère) et on en avale des nanoparticules dans l'air qu'on respire et dans l'alimentation qu'on ingère. D'ailleurs, je n'aime pas le terme de "polluant éternel" car c'est tout aussi vrai des métaux lourds présents dans les sédiments. Un atome de plomb restera un atome de plomb.

espritcritique | 14 février 2024 à 22h06 Signaler un contenu inapproprié

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