Comment se passer, en trois ans, de plus de 9.100 tonnes de glyphosate, épandus chaque année par l'agriculture française ? Les premières pistes sont présentées par l'Inra dans son rapport sur les "usages et les alternatives au glyphosate dans l'agriculture française (1) ", remis le 1er décembre 2017. L'Institut national de la recherche agronomique avait été saisi le 2 novembre dernier par quatre ministres (agriculture, transition écologique, santé, recherche et innovation) pour préparer, d'ici à la fin de l'année 2017, un plan de sortie du glyphosate. Sans aborder, toutefois, les aspects toxicologiques et écotoxicologiques de la molécule, qui vient tout juste d'être ré-homologuée pour cinq ans en Europe.
Pas de glyphosate dans 43% des fermes Dephy
"57% des systèmes de culture Dephy utilisaient du glyphosate au moins ponctuellement dans la rotation au moment de leur entrée dans le réseau. Donc 43% des agriculteurs Dephy en conventionnel n'en utilisaient jamais", précise le rapport. Ce qui répond déjà à la question de la faisabilité d'une agriculture sans glyphosate.
Mais comment ? Les experts de l'Inra ont synthétisé les grands axes des pratiques sans glyphosate. Sans surprise, il s'agit du désherbage mécanique, du labour (enfouissement de la végétation), de la culture sous mulch vivant, et plus globalement d'une "somme de stratégies d'évitement partiel", sans oublier l'utilisation d'autres herbicides. Ce qui nécessite, pour les agriculteurs conventionnels, "des changements profonds". La robotisation, l'agriculture de précision, le développement de couverts végétaux et d'outils de désherbage mécaniques en font partie.
Les freins ne sont pas techniques, mais portent plutôt sur "l'impact économique et le temps de travail". Faute de temps suffisant pour travailler avec des économistes sur ce sujet, l'Inra ne peut pas chiffrer le surcoût lié à l'arrêt de l'utilisation du glyphosate.
Un panachage de mesures
"La recherche et la recherche appliquée ont depuis plus de 20 ans réalisé des travaux pour minimiser les usages, voire se passer du recours aux produits phytopharmaceutiques", note le rapport. Et tous convergent vers "l'importance des mesures prophylactiques limitant la pression des adventices", souligne l'Inra. De fait, les principaux blocages pour se passer de cette molécule-phare de l'agrochimie sont structurels : des exploitations de grande taille, avec peu de personnel, la spécialisation des territoires qui "sélectionne une flore adventice difficile", et la demande de produits standardisés.
Pour accompagner la sortie du glyphosate, les experts de l'Inra proposent un panachage d'aides à l'investissement, la mobilisation des mesures agro-environnementales et climatiques (Maec), la mobilisation de dynamiques collectives, le conseil et la formation, l'utilisation de la réglementation (et notamment les certificats d'économies de produits phytosanitaires, les CEPP) et la reconnaissance via la création d'un label pour les filières sans glyphosate.
Reste à l'Etat à prendre en compte ces résultats. Prochaine étape : la présentation d'une "feuille de route ambitieuse" lors de la clôture des Etats généraux de l'alimentation, prévue début 2018.