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« L'Europe est dans la course à l'hydrogène par rapport aux autres pays »

La stratégie européenne fixe le cap et les moyens de l'atteindre. Elle permet de positionner le sous-continent et ses champions industriels dans la course mondiale à l'hydrogène. Entretien avec Valérie Bouillon-Delporte, présidente d'Hydrogen Europe.

Interview  |  Energie  |    |  S. Fabrégat
Hors-série - Avril 2021
Cet article a été publié dans le Hors-série - Avril 2021
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« L'Europe est dans la course à l'hydrogène par rapport aux autres pays »
Valérie Bouillon-Delporte
Présidente d’Hydrogen Europe
   

Actu-Environnement : Quel regard portez-vous sur la stratégie européenne de l'hydrogène ?

Valérie Bouillon-Delporte : Je suis ravie que la Commission européenne ait finalisé cette stratégie, qui a été élaborée sur la base des inputs des industriels et de l'ensemble de la chaîne de valeur. Cette stratégie est ambitieuse, elle pose des jalons très clairs. Elle est orientée vers l'hydrogène renouvelable et bas carbone et prévoit une capacité de production de 40 GW d'hydrogène vert d'ici 2030 en Europe et une consommation deux fois supérieure par l'importation d'hydrogène (40 GW également). Pour la réaliser, 430 milliards d'euros d'investissements sont estimés nécessaires. Cette somme agrège les intentions d'investissements des industriels pour faire de l'hydrogène une technologie « mainstream». Cela met l'Europe dans la course par rapport aux autres pays. Et ils sont nombreux : plus de 30 pays ont déjà formalisé une stratégie hydrogène.

J'ai aussi confiance dans cette feuille de route, car elle s'intègre dans un ensemble de législations et stratégies qui vont permettre de sécuriser ses ambitions, comme la stratégie « intégration du système énergétique » ou la stratégie pour une mobilité durable et intelligente, présentée fin 2020. La révision de la directive sur les infrastructures d'énergies alternatives va par ailleurs imposer aux États membres de planifier le développement des infrastructures dédiées à l'hydrogène en allant un cran plus loin. Ceux-ci devront fixer des objectifs à atteindre en 2025 et 2030. Dans la précédente directive, seules les infrastructures liées aux batteries et au biogaz étaient obligatoires. L'ambition de cette révision est de favoriser la neutralité technologique et rendre l'hydrogène également obligatoire dans le déploiement des infrastructures.

Enfin, l'Union européenne a lancé deux initiatives majeures, notamment le programme IPCEI (PIIEC en français pour Projet Important d'Intérêt européen commun), un mécanisme de déplafonnement des aides d'État nationales prévu pour booster la compétitivité industrielle d'une filière à l'échelle européenne. Aujourd'hui, 13 États membres, dont la France, se sont engagés dans ce processus afin d'accompagner le développement industriel de la filière en identifiant des « champions ». L'objectif est d'articuler leurs projets afin de structurer la filière. Au-delà des IPCEI, la Commission a également créé un organe de gouvernance, l'alliance hydrogène (ECH2A), qui regroupe des industriels, des régions, des ONG, organisés en six piliers représentant les différents maillons de la chaîne de valeur de l'hydrogène. Résultat : avec toutes ces initiatives, les choses avancent vite. Sur les 40 GW prévus en 2030, 25 GW de production ont été annoncés à travers 153 projets, pour une production d'environ 7,5 millions de tonnes d'hydrogène. Ce qui représente une bonne moitié des projets annoncés à l'échelle mondiale (260 environ) pour un investissement global de 80 milliards de dollars.

AE : Ces travaux ont-ils permis d'identifier des failles dans la chaîne de valeur de l'hydrogène ?

VBD : L'Europe a déjà de nombreux acteurs présents sur l'hydrogène. Mais sur certains segments, il y a des manques. Au sein du partenariat public-privé baptisé CHE (Clean hydrogen for Europe), la Commission européenne travaille avec les industriels pour établir des feuilles de route et mettre sur la table les subventions associées pour combler ces lacunes. Pour chacun des segments de la chaîne de valeur, les points à renforcer ont été identifiés. Dans la mobilité par exemple, il n'y a pas d'industriel européen qui fabrique les membranes, composant clé de la pile à combustible. L'Europe doit aussi accélérer sur la liquéfaction de l'hydrogène importante pour l'autonomie des avions ou de certains poids lourds qui parcourent des milliers de kilomètres. Mais certains acteurs européens sont en capacité de se positionner dessus.

AE : Aujourd'hui, des débats persistent sur la place à accorder à l'hydrogène renouvelable ou bas carbone, notamment parmi les États membres…

VBD : L'hydrogène vert, c'est l'objectif à atteindre. Entre-temps, il y a un chemin à parcourir, qui peut notamment passer par l'hydrogène bleu (avec capture et stockage du CO2) à condition d'un très fort taux de réduction de CO2. Mais cela doit rester une solution de transition. Il y a encore deux ans, on ne faisait que de l'hydrogène gris. Le virage a été amorcé en 2018. Et 2020 a été une année formidable. Aujourd'hui, les industriels examinent des projets de décarbonation dans les cimenteries, les aciéries, la production d'engrais, etc., ce qui va transformer le marché de l'hydrogène. Tous les pays européens se mettent en ordre de marche, même s'ils ne sont pas tous au même degré de maturité et qu'ils n'ont pas les mêmes priorités.

En parallèle, la Commission travaille sur la taxonomie européenne, un outil de classification qui fournit à tous les acteurs financiers une compréhension commune de ce qui est doit être considéré comme une activité « verte » ou « durable ». C'est dans ce cadre que doit être défini l'hydrogène bas-carbone : parle-t-on d'électrolyse produite à partir d'électricité renouvelable ou à partir du mix électrique ? Mais de quel mix électrique parle-t-on ? Ces travaux devraient se traduire par la fixation d'un seuil carbone à ne pas dépasser pour rentrer dans la catégorie « hydrogène produit de façon durable ». Pour l'instant, la Commission envisage de fixer ce contenu carbone à 2,25 kg CO2/kg d'H2, ce qui est très bas. La France pencherait plutôt pour un seuil entre 3 et 3,2 kg CO2/kgd'H2. Cette approche par le contenu carbone est la méthode la plus juste. L'UE réfléchit également à des mécanismes de soutien qui iront davantage vers l'hydrogène vert.

AE : L'un des objectifs clés est d'arriver à produire de l'hydrogène vert au même coût que l'hydrogène gris pour l'industrie ou que le diesel pour la mobilité. Est-ce réaliste ?

VBD : Le pari est de massifier les capacités de production pour abaisser les coûts. Pour la mobilité par exemple, il faudrait atteindre 7 € le kilo d'hydrogène produit d'ici 2030. À 9 €, il serait à parité avec le diesel. Le projet Hydeal Ambition, qui regroupe 30 industriels européens, vise un prix de 1,5 € en 2030 sur le site de production, en s'appuyant sur le photovoltaïque espagnol. Nous ne sommes plus au stade de la science-fiction !

AE : Quid de la stratégie française dans ce contexte ?

VBD : La France a clairement affiché ses ambitions en mettant sur la table 7 Md€ de subventions pour accompagner sa stratégie hydrogène dévoilée le 8 septembre 2020. La stratégie française couvre les points cruciaux : la décarbonation de l'industrie, qui va créer les volumes nécessaires à la baisse des coûts, la massification de la fabrication d'électrolyseurs et la mobilité, sans oublier la recherche et la formation. Elle se positionne moins sur le transport de l'hydrogène sur de longues distances. Mais sans doute parce que ce sujet n'a pas été identifié par l'État comme prioritaire avant 2030, même s'il est crucial pour baisser les coûts d'acheminement de l'hydrogène entre son lieu de production et son lieu de consommation.

AE : Y a-t-il des secteurs qui seront plus complexes à convertir à l'hydrogène ?

VBD : Pour l'aéronautique, ce devrait être plus tardif, aux alentours de 2035. Mais en attendant les avions à hydrogène, les travaux démarrent dans les aéroports pour utiliser l'hydrogène dans les bâtiments, sur les engins de manoeuvre ou encore pour remplacer les générateurs diesel ou à kérosène qui alimentent les avions au sol (APU). L'hydrogène est également envisagé pour alimenter en électricité la technologie des roues motorisées qui permettraient de déplacer les avions au sol en mode zéro émission (« green taxing »). Idem pour le secteur maritime. Les ports travaillent à décarboner les usages au sein de leurs plateformes mais aussi le transport, les engins de transit… Le plus avancé dans le domaine est le port de Rotterdam, avec tout un écosystème hydrogène qui se construit. De nombreux projets de hubs portuaires et aéroportuaires sont en cours de construction en France.

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