Le projet de loi climat a été adopté à l'Assemblée nationale ce mardi 4 mai. Sur les 409 votes exprimés, 332 y étaient favorables. Le texte issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat est un « texte inédit » défend l'entourage de la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompilli : « C'est la preuve que le travail de la Convention n'a pas remplacé la démocratie représentative, comme certains le craignaient. La démocratie participative enrichit la démocratie représentative ». Avec 1 000 amendements déposés et 200 heures de débats, le ministère voit dans ce texte « un record pour la Ve République ». Interrogé par Actu-Environnement, le rapporteur du texte à l'Assemblée, le député Jean-René Cazeneuve (LRem - Gers), est très fier du texte adopté : « Je fais partie de ceux qui considèrent que c'est un grand texte. Combiné avec les lois précédentes, il permet d'atteindre notre objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 », explique-t-il. Mais déjà certains trouvent ce texte obsolète et appellent à le modifier pour qu'il réponde aux nouveaux objectifs européens.
Une ambition française à rehausser
- Passage en séance publique : à partir du 14 juin
- Vote solennel prévu le 28 juin
- CMP en juillet
- Deuxième lecture en septembre si nécessaire
Le Sénat veut placer l'impact carbone au cœur de son débat
Ce sera donc au Sénat de relever l'ambition du texte. « On est parti d'un texte du conseil des ministres à 69 articles, avec en sortie de commission spéciale, 117 articles puis, en fin de séance publique, 218 articles », résume le sénateur Jean-François Longeot (Union Centriste - Doubs), le président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. « Ce texte a grossi mais il n'aborde pas de front certains points et laisse planer un doute sur la cohérence globale de ce texte et son impact carbone ». Pour le sénateur, le texte ne permettra pas de réduire de 40 % les émissions de carbone d'ici 2030 et encore moins de répondre au nouvel objectif européen : « Nous avons des mesures normatives à la portée symbolique comme l'interdiction de la publicité par aéronef. L'impact carbone n'est même pas quantifiable. Idem pour l'interdiction des échantillons publicitaires. À l'inverse, de nombreuses dispositions ne sont que programmatiques alors qu'elles ont un potentiel », analyse le président, citant en exemple la taxation du transport aérien ou des engrais azotés. « Certains articles s'attaquent au sujet par le petit bout de la lorgnette, ajoute-t-il, comme l'article 4 qui interdit la publicité sur les produits fossiles, une proposition ubuesque ».
Le sénateur compte sur les travaux préparatoires « pour bien étudier ce qu'a voté l'Assemblée » : « Notre méthodologie sera d'analyser le texte article par article et de regarder comment mesurer leur portée réelle au regard des objectifs affichés », prévient Jean-François Longeot. Ces travaux ont déjà débuté au sein de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, saisie sur la majorité du texte. Marta de Cidrac (LR - Yvelines), Pascal Martin (Union Centriste - Seine-Maritime) et Philippe Tabarot (LR - Alpes-Maritimes) en seront les rapporteurs. Fait inédit, le Sénat a également lancé une consultation des collectivités sur les principales mesures du texte. « C'est très nouveau, c'est la première fois que le Sénat consulte les élus locaux et on a déjà beaucoup de réponses. Les élus se sentent concernés, ils se mobilisent », note avec satisfaction le sénateur.
Les associations mettent la pression avec une nouvelle marche climat
Le travail des sénateurs est également très attendu des ONG qui veulent renforcer les ambitions du texte. « On note quelques avancées, certes, mais elles sont déconnectées de l'urgence climatique », regrette Morgan Créach du Réseau Action Climat (RAC) en appelant les sénateurs à ouvrir le débat. L'association de consommateurs CLCV estime que le texte reste « inachevé » et « peu ambitieux par rapport aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat ». Pour la Fondation Nicolas Hulot, le vote solennel par les députés « confirme une tendance déjà constatée lors des précédents textes sur l'écologie de ce quinquennat : l'exécutif et la majorité choisissent de ne pas suivre les préconisations des scientifiques, experts et ONG. Par des mesures de faible ampleur. Ils condamnent notre pays à faire du sur-place ».
Pour l'Observatoire des multinationales, la cause de ce sur-place viendrait du lobbying des entreprises du CAC 40. Selon une nouvelle publication de l'association « 100 % des groupes du CAC 40 ont oeuvré contre les propositions de la Convention citoyenne pour le climat alors que bon nombre d'entre eux touchent des aides publiques au nom de la transition écologique, ou prétendent oeuvrer en ce sens ». Les ONG misent sur la Marche d'Après organisée dimanche 9 mai, pour faire comprendre aux parlementaires la nécessité de renforcer le texte.