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Actu-Environnement

« Nous ne sommes pas des tenants de la décroissance »

Le vote solennel de l'Assemblée nationale sur le projet de loi climat a lieu ce mardi 4 mai. Le rapporteur général fait le bilan de l'examen du texte par les députés et se projette sur la suite de son parcours parlementaire.

Interview  |  Gouvernance  |    |  L. Radisson
   
« Nous ne sommes pas des tenants de la décroissance »
Jean-René Cazeneuve
Député LReM – Rapporteur général du projet de loi Climat et résilience à l’Assemblée nationale
   

Actu-Environnement : Quelles sont les grandes avancées apportées par ce projet de loi ?

Jean-René Cazeneuve : Je fais partie de ceux qui considèrent que c'est un grand texte. Combiné avec les lois précédentes (1) , il permet d'atteindre notre objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030. Quatre points importants peuvent être cités. L'interdiction des passoires thermiques va obliger notre pays à multiplier par quatre ou cinq le nombre de rénovations chaque année. La réduction de l'artificialisation des sols a une portée très importante car il y a une longue tradition d'étalement urbain dans notre pays. Ce que l'on a voté va apporter beaucoup de changement dans le développement de nos villes et de nos territoires ruraux. Les menus végétariens sont également significatifs compte tenu de l'impact carbone de la viande. Enfin, le verdissement de la commande publique va permettre de passer à 200 milliards d'euros de commande publique intégrant systématiquement un critère environnemental.

AE : En quoi l'examen à l'Assemblée a-t-il permis d'améliorer le texte ?

JRC : Il y a rarement eu autant d'avancées sur un texte en commission et dans l'hémicycle. Mille amendements ont été votés. C'est certainement un record, pour plusieurs raisons. D'une part, c'est un texte particulier avec sa genèse auprès de la Convention citoyenne pour le climat. D'autre part, il touche beaucoup de domaines. Enfin, on est sur un sujet qui devient maintenant central : l'écologie. L'immense majorité de ces amendements a enrichi l'ambition climatique. Il y avait une opposition de droite qui voulait dévitaliser cette loi et qui a déposé 250 amendements de suppression d'articles en séance. L'idée selon laquelle tout le monde voudrait que la loi soit plus ambitieuse est fausse. Il y a une partie extrêmement importante de la population française qui est réticente. À l'autre extrémité de l'hémicycle, il y a des députés qui sont pour la contrainte, une sorte de marche forcée, quel qu'en soit le prix économique, social et humain. On a essayé de trouver un équilibre entre ces deux postures extrêmes : un texte ambitieux mais qui permette la transition. Il faut que les Français, les collectivités, les entreprises aient envie de faire cette transition. On ne peut pas faire que de la contrainte, sinon cela devient contre-productif.

AE : L'opposition dénonce un dysfonctionnement démocratique (irrecevabilité de très nombreux amendements, temps législatif programmé, absence d'autonomie vis-à-vis de l'exécutif). Que répondez-vous à ces critiques ?

JRC : Il n'y a pas une loi où des députés de l'opposition ne racontent pas qu'on les a privés du débat. C'est franchement du pipeau. Ça ne résiste pas à l'examen chiffré objectif. C'est l'une des dix lois les plus débattues et les plus ouvertes : en nombre d'amendements déposés, discutés et votés, et en heures de débats. Plus le texte est large, plus il ouvre des portes d'entrée et plus il y a de l'irrecevabilité. Là, on est plutôt dans la fourchette haute de l'irrecevabilité mais dans des ratios pas très éloignés des standards. L'examen a duré trois semaines dans l'hémicycle. Quelqu'un qui dit que le débat a été confisqué ou que l'on n'a pas entendu les écolos est un menteur. On a entendu que les organisations écologistes et environnementales pendant le débat !

AE : Quelle réponse apportez-vous aux critiques sur le manque d'ambition du texte pointé par plusieurs instances, dont le Haut Conseil pour le climat ?

JRC : Il y a eu des critiques que je respecte. Le Haut Conseil pour le climat ne mesure que la loi. C'est un peu la faiblesse de son travail mais il répond là à ce qui lui est demandé. Le Boston Consulting Group, quant à lui, estime que toutes les lois (Egalim, Agec, Elan, LOM, Climat) permettent d'atteindre l'objectif de -40 % s'il y a une bonne exécution. On n'a pas beaucoup de marge de manœuvre et il va falloir que l'exécution soit de grande qualité. C'est la raison pour laquelle j'ai porté, avec d'autres députés, la création d'un titre VII dans la loi pour pouvoir suivre son exécution.

AE : Mais comment faire alors que l'Union européenne a d'ores et déjà rehaussé l'objectif à -55 % d'émissions de gaz à effet de serre en 2030 ?

JRC : Il y aura d'autres lois. Il faut monter les marches quatre par quatre mais il ne faut pas créer de points de blocage. Ce que l'on a mis dans cette loi était absolument impossible il y a trois ans. Ce que l'on va mettre dans la loi dans trois ans, il est aujourd'hui impossible de le faire. Car, où en est la recherche sur l'hydrogène ? Où en est le prix des batteries ? Quelle est notre capacité à former les gens sur de nouveaux métiers ?

AE : La loi est critiquée pour ne pas suffisamment contraindre les acteurs économiques. Qu'en pensez-vous ?

Je comprends que la méthode ne plaise pas à tout le monde. On dit à la filière automobile, aux agriculteurs, au secteur de la publicité : organisez-vous, voilà vos objectifs ! On n'est pas pour une écologie de contraintes. Nous ne sommes pas là pour casser la reprise économique et pour mettre la tête sous l'eau des entreprises qui traversent une période difficile. Nous ne sommes pas des tenants de la décroissance. On a fixé des échéances qui demandent des transformations extrêmement lourdes des outils de production et des compétences. Ce texte est très compliqué pour les entreprises et je ne suis pas sûr que le délit d'écocide les fasse rigoler. Les nouvelles technologies et la croissance verte font partie de la solution. Si vous n'avez pas de croissance, vous ne financez pas la transition énergétique. Ma majorité politique ne considère pas que l'entreprise soit l'ennemi. De ce point de vue-là, on est assez différent d'une certaine gauche. L'entreprise a d'ailleurs compris par elle-même la nécessité de se transformer, les clients deviennent de plus en plus exigeants tout comme les salariés. Et c'est tant mieux.

AE : Les propositions de la Convention citoyenne pour le climat n'étaient donc pas réalistes ? Qu'en est-il de l'engagement du président de les reprendre « sans filtre » ?

JRC : J'entends cette critique même si elle est un peu facile. C'est nous qui avons fait cette convention citoyenne et on est les premiers à l'avoir fait. Je n'ai pas d'autres exemples dans la Ve République. Le président, car il respecte les institutions, ne peut pas imaginer que le Parlement ne fasse pas son travail. Ensuite, les propositions ont toutes été prises en compte soit sous forme réglementaire, soit dans le plan de relance, soit au niveau de l'Europe, soit dans cette loi. Ce texte en reprend 46. C'est quand même un résultat absolument incroyable, même si les dispositions votées n'ont peut-être pas toutes l'ambition de la Convention citoyenne. Quand vous supprimez les lignes d'avions lorsqu'il y a une alternative en train en 4 heures, c'est ambitieux d'un point de vue climat mais c'est un recul en arrière de trente ans pour le développement de notre pays. Allez raconter cette histoire dans le Gers ou dans le Cantal, c'est une vue très parisienne ! Le problème de la Convention citoyenne, c'est qu'elle n'a pas intégré les impacts économiques et sociaux de certaines des mesures proposées. On assume d'avoir ramené cette mesure pour les trajets de moins de 2 heures 30, on envoie un signal et ça fait de la pédagogie. La loi n'est pas faite pour nous dire ce qu'il faut faire, pas faire, manger, pas manger, regarder la télé, pas regarder la télé.

AE : Êtes-vous ouvert à des évolutions du texte que pourrait apporter le Sénat ?

JRC : Je ne vais pas préjuger de ce que feront les sénateurs. Cent-soixante amendements de l'opposition ont été adoptés à l'Assemblée. Les sénateurs vont apporter leur touche. Certaines choses nous iront et d'autres probablement pas. Nous-mêmes continuons à travailler sur ce texte. Il va encore évoluer sur quelques sujets qui n'étaient pas complètement mûrs.

AE : Quel est le calendrier prévu ?

JRC : Le projet de loi devrait passer en juin au Sénat et revenir soit fin juillet, soit à la rentrée à l'Assemblée nationale. Le texte ne sera pas voté conforme car il est beaucoup trop gros. La commission mixte paritaire pourra être conclusive, on ne sait jamais. Ça dépend du nombre de modifications et de leur sens. Mais on n'acceptera pas une baisse de l'ambition de la part des sénateurs. S'ils votent comme Les Républicains à l'Assemblée, on risque de ne pas accepter les modifications.

1. Egalim, Agec, Elan, LOM

Réactions3 réactions à cet article

Qu'un député qui plus est rapporteur d'un projet de loi explique que "la loi n'est pas faite pour dire ce qu'il faut faire, pas faire" est incroyable. Il a perdu son cerveau ou il est très malhonnête !
Si on suit son raisonnement, nous avons maintenant le droit de conduire avec 4 grammes, de rouler à 150km/h en centre ville et de tirer sur celui qui t'embête (à vrai balles cela va de soi) etc etc. La loi n'a rien à nous dire n'est ce pas Monsieur ?

Au fait, pourquoi fait il des lois ?

surterre | 04 mai 2021 à 09h52 Signaler un contenu inapproprié

@surterre La loi fixe un cadre aux libertés pour qu'on puisse vivre ensemble dans de bonnes conditions. Pour être dans le même discours, elle ne dit pas quoi faire ou ne pas faire mais donne la limite de ce que tu peux faire. La différence est encore plus franche sur les textes environnementaux puisqu'il y a déconnexion entre l'action individuelle et les problèmes globaux qu'elle engendre.

Par ailleurs la partie opérationnelle (donc celle qui te dit quoi faire et pas faire) n'est pas dans les lois mais dans décrets et autres textes d'application.

bIBU | 04 mai 2021 à 12h30 Signaler un contenu inapproprié

Que du BLA BLA comme d'habitude, pour défendre la non contrainte donc la continuité de ce qui existe avec quelques aménagements édulcorés. Ce monsieur n'a aucunement compris que nous sommes dans l'urgence. C'est fini le siècle passé où on pouvait se donner des marges, si la population n'est pas prête c'est qu'elle non plus ne veut pas entendre que l'urgence est là et qu'il faut justement contraindre.

gaïa94 | 04 mai 2021 à 21h54 Signaler un contenu inapproprié

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