"L'avant projet de loi Montagne manque de stratégie au regard de l'adaptation de la montagne au changement climatique, la montagne ayant un rôle important à l'adaptation général au changement climatique, souligne Michèle Nathan rapporteur (groupe CFDT) au nom de la section de l'aménagement durable des territoires de l'avis du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Il nous semble que [le projet] manque un peu de souffle même si les éléments abordés dans la loi sont des éléments importants".
Inspiré des travaux de la députée UMP du Doubs Annie Genevard et de la députée socialiste de Savoie Bernadette Laclais, le projet de loi vise une adaptation de la loi de 1985 au regard des évolutions du milieu montagnard. Présenté en Conseil des ministres mercredi 14 septembre, le document ne reprend toutefois que certaines des propositions des parlementaires.
Quatre grands axes sont ainsi développés. Le projet de loi précise tout d'abord les objectifs généraux de la politique de la montagne et le fonctionnement de ses institutions, il aborde les problématiques de soutien à l'emploi et au dynamisme économique, il souhaite faciliter la réhabilitation de l'immobilier de loisir et enfin il s'intéresse à l'action des parcs naturels régionaux et nationaux, notamment à travers l'établissement de zones de tranquillité.
Afin de permettre son examen rapide au Parlement, le Premier ministre a saisi en juillet dernier le Cese pour avis en urgence sur le projet de loi.
Ajouter la protection de l'eau et des milieux aquatiques
Dans son rapport, le Conseil relève différents apports et limites concernant l'environnement. Premier manque constaté : la prise en compte de l'eau dans le texte. Le Cese propose donc d'ajouter aux objectifs du projet de loi, celui de protection de l'eau et des milieux aquatiques ainsi que le soutien de l'Etat et des collectivités en matière de protection de la biodiversité, notamment des continuités écologiques et des espaces naturels, des milieux aquatiques et des paysages. "L'état des têtes de bassin, que constituent les rivières de montagne, est particulièrement déterminant de l'état des masses d'eau du bassin, pointe le Cese. Une réflexion mériterait d'être engagée pour déterminer comment les communes de montagne pourraient bénéficier d'un retour sur les investissements qu'elles consentent pour la qualité de l'eau, au bénéfice certes de leur administrés mais aussi de l'ensemble de la collectivité du bassin aval".
Le Cese estime, par ailleurs, que le schéma interrégional d'aménagement et de développement de massif doit comporter différents volets relatifs notamment au climat, à l'air et à l'énergie, à la prévention et la gestion des déchets et aux continuités écologiques. La position de ce document, entre les plans et programmes nationaux et le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), à l'échelle régionale, l'exonère en effet du respect des dispositions du Sraddet. Par conséquent, le Cese souligne la nécessité qu'il intègre certains documents de planification, et en particulier les Orientations nationales de la trame verte et bleue (ONTVB). "Cela est notamment important dans le cas de création des liaisons de transport entre les stations, qui peuvent avoir un impact en matière de continuité écologique". De la même manière, le Cese préconise pour améliorer la gestion de l'eau, d'indiquer clairement que ces schémas prennent en compte les Schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), élaborés au niveau du bassin hydrographique.
Améliorer l'adaptation au changement climatique
"De nombreuses communes de montagne, et stations, rencontrent de grandes difficultés économiques et il est essentiel que les solutions de re-développement économique s'inscrivent pleinement dans la priorité de développement durable et d'adaptation au changement climatique à moyen terme", souligne le Cese. D'une manière générale, le Conseil considère que les problèmes d'adaptation au changement climatique, capitaux pour de nombreuses communes, auraient mérité d'être davantage mentionnés.
Comme l'avaient indiqué les deux parlementaires dans leurs propositions d'actualisation de la loi, le Cese rappelle la nécessité d'adapter les règles d'urbanisme à la montagne. "Si, en montagne, 80% de l'offre d'hébergement touristique reposent sur la location meublée de résidences secondaires, environ 40% de ces biens connaissent aujourd'hui des périodes d'utilisation ou de location de plus en plus rares. Les causes en sont diverses : les propriétaires n'ont pas forcément les moyens financiers ou l'envie de réaliser les travaux nécessaires, explique le Cese. La tentation existe alors pour maintenir un parc immobilier locatif de recourir massivement à la construction de résidences touristiques neuves, favorisée par une attractivité fiscale supérieure". Et cette tendance accentue l'artificialisation des sols ainsi que la réduction des espaces dédiés à l'agriculture. Le Cese appelle donc le Gouvernement à favoriser de manière significative la rénovation du parc ancien ou la reconstruction sur place.
Concernant l'aménagement du territoire, le Cese s'interroge sur le bien fondé du transfert de la planification des unités touristiques nouvelles (UTN) aux plans locaux d'urbanisme.
Renforcer l'action des parcs naturels régionaux
Le projet de texte prévoit que la charte des parcs naturels régionaux et des parcs nationaux situés en montagne puisse définir des zones de tranquilité. Cette dernière permettrait de garantir l'absence de nuisances pour les espèces animales et végétales sauvages.
Le Cese déplore toutefois que ne soient pas aussi concernées les aires d'adhésion des parcs nationaux. Il appelle à une réflexion sur la notion de capacité de charge, soit le seuil de fréquentation d'un territoire au-delà duquel apparaissent des dysfonctionnements du fait de la saturation des infrastructures. Il souhaite la création d'une boite à outils de contrôle, de surveillance ou de gestion sur cette question.