Le 11 juin, les ministères de l'Agriculture et de la Transition écologique ont dévoilé aux parties prenantes (apiculteurs, syndicats agricoles, associations, etc.) le projet de plan national en faveur des insectes pollinisateurs, couvrant la période 2021-2026.
Pour rappel, pour « compenser » le retour des pesticides néonicotinoïdes - nocifs pour les abeilles - utilisés sur les betteraves contre la jaunisse, le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie avait promis en août 2020 un plan de protection des pollinisateurs. Les premiers arbitrages sur ce plan avaient été présentés en décembre 2020. La concertation s'est poursuivie en février 2021 puis vendredi 11 juin avec les acteurs sur ce plan qui inclut la révision de l'arrêté « abeilles » de 2003. Ce texte encadre l'épandage des pesticides durant la floraison des cultures.
Des horaires de traitement imposés
Un texte qui ne satisfait personne
Les derniers arbitrages sur ce texte ne satisfont toujours pas les apiculteurs, les maraîchers, les fabricants de pesticides et les ONG environnementales. Selon les fédérations professionnelles, près de 300 produits seraient actuellement autorisés pour un usage en floraison à action fongicide et herbicide. Ils sont donc concernés par les phytosanitaires qui seront évalués par l'Anses. L'Union des industries de la protection des plantes (UIPP), qui regroupe les fabricants de phytosanitaires, critique les délais de réévaluation des produits envisagés qui « ne sont pas réalistes ». « Dans le cadre actuel, les produits phytopharmaceutiques font déjà l'objet d'une réévaluation tous les 10 ans en moyenne. Il n'est pas raisonnable de réévaluer l'ensemble des produits phytopharmaceutiques disponibles pour les agriculteurs en seulement 4 ans. Les délais de mise en œuvre doivent être réalistes et tenir compte notamment de la saisonnalité imposée par l'activité des abeilles », estime l'UIPP. De même, le plan « pollinisateurs » « ne précise pas les tests nécessaires à l'obtention des autorisations de mise sur le marché », pointe l'UIPP.
À l'inverse, les syndicats apicoles - Union nationale de l'apiculture française (Unaf), Syndicat national d'apiculture, Fédération française des apiculteurs professionnels - jugent les délais d'évaluation des produits pesticides « bien trop longs : jusqu'à 4 ans pour que l'Anses se saisisse des dossiers ! ». La révision de l'arrêté « abeilles » « est bien loin de tenir ses promesses », déplorent les apiculteurs. « Outre qu'il autorise l'épandage des produits bénéficiant d'une dérogation avant le coucher du soleil durant les heures de butinage, sans mesures d'atténuation prévues, le projet d'arrêté comprend de trop nombreuses dérogations, et ne donne pour l'instant aucune garantie de protection réelle des insectes pollinisateurs », fustigent-ils. Mêmes reproches de la part de l'ONG Générations futures et de la Confédération paysanne. Ces acteurs appellent l'État « à revoir sa copie ».
Les zones de butinage décriées par les arboriculteurs
Du côté des arboriculteurs, le Collectif Sauvons les Fruits et Légumes de France et l'Association nationale Pommes Poires (ANPP) fustigent la prise en compte dans le texte de zones de butinage qui, selon le Collectif, « interdit quasiment à l'avenir tout traitement phytosanitaire sur un verger ». Ils dénoncent une notion « floue, incompréhensible » de ces zones définies dans le projet d'arrêté. L'ANPP craint que les zones de butinage intègrent leurs inter-rangs, où sont parfois implantées des bandes enherbées. « Au-delà même de la période de floraison du verger en lui-même, de nombreuses espèces végétales fleurissent dans l'inter-rang tout au long de l'année. Les arboriculteurs implantent ces bandes enherbées pour protéger le sol et favoriser la biodiversité, particulièrement la présence des auxiliaires des cultures qui permettent de réduire l'usage de pesticides. Les intégrer dans l'arrêté abeilles rend toute protection du verger impossible pendant le cycle de culture », indique l'ANPP. Elle demande donc la « suppression immédiate de la mention de « zone de butinage » avant publication du texte ».
Le Collectif Sauvons les Fruits et Légumes de France dénonce également les horaires de traitement imposés (2h avant le coucher du soleil, et 3 h après le coucher du soleil), qui « sont totalement irréalistes au regard de la disponibilité salariale et des parcs matériels dimensionnés pour couvrir une surface de verger en une journée de travail ». Il s'inquiète aussi « de nouvelles distorsions de concurrence » avec les autres pays européens.
Jusqu'au 18 juin, l'ensemble des parties prenantes est invité par les ministères à se prononcer sur ces projets de plan « pollinisateurs » et d'arrêté « abeilles ». Puis les ministères prévoient de lancer, d'ici le 28 juin, une consultation du public sur ces textes pendant trois semaines.