Le projet d'exploitation aurifère dit Montagne d'Or en Guyane pourrait connaître un rebondissement en septembre : la Commission nationale du débat public (CNDP) devrait se pencher sur la question d'un débat public sur ce sujet lors de sa séance plénière. Créateur d'emplois pour les uns, aberration écologique pour les autres, le projet suscite la controverse. Cette division s'est notamment illustrée au sein du précédent Gouvernement. Emmanuel Macron, alors ministre de l'Economie, était favorable à l'implantation de la mine tandis que Ségolène Royal, alors ministre de l'Ecologie, se montrait plus réservée. Cette dernière avait notamment indiqué que l'appui du ministre de l'Economie "n'engag[eait]que lui", selon le Réseau outre-mer 1ère. Emmanuel Macron avait par ailleurs accordé, en juillet 2016, deux permis exclusifs de recherches de mines d'or (Bernard et Cigaline) sur le territoire de la commune de Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane. Leurs objectifs ? Réaliser des travaux de prospection pour découvrir d'éventuelles extensions à l'Est et à l'Ouest du gisement appelé Montagne d'Or.
Les divisions pourraient se poursuivre dans l'actuel Gouvernement au vu de l'opposition de la Fondation Nicolas Hulot sur ce sujet.
A proximité de la réserve biologique intégrale de Lucifer Dékou-Dékou
L'emplacement n'est toutefois pas neutre. La RBI Lucifer Dékou-Dékou est la première réserve biologique intégrale de Guyane et la plus grande réserve biologique de France. Et son histoire est singulière. "Le contexte de cette réserve est très différent des autres espaces protégés de Guyane, car une importante activité minière antérieure à sa création y règne, rappelle l'Office national des forêts. Se posait alors le problème de définir un zonage de la réserve prenant en compte des activités qui ne sont pas conciliables sur le même territoire. Dans le cadre des discussions pour la définition du schéma départemental d'orientation minière, un accord a été trouvé avec les sociétés titulaires des permis miniers (signé le 10 février 2010) afin de définir des limites d'exploitation minière n'empiétant pas sur les montagnes de Lucifer et Dékou-Dékou". Au final, la concession se situerait entre les deux parties de cette réserve.
La compagnie minière se veut toutefois rassurante concernant ses futurs impacts environnementaux. "L'ensemble du processus de traitement de l'eau passe par un processus de réutilisation et de traitement tel qu'il est prévu dans les circuits fermés. Des géomembranes empêcheront l'infiltration de produits stockés dans le sol ou les eaux souterraines, souligne-t-elle. Et le cyanure sera utilisé conformément aux règles établies par le Code international de gestion du cyanure".
Un risque de rupture des digues de résidus miniers
Elles dénoncent également la taille du projet : ce dernier prévoit le creusement d'une fosse de 2,5 km de long, 500 m de large et 400 m de profondeur qui atteindra, à la fin de l'activité minière, un volume équivalent à 32 stades de France, selon elles. "Le volume de déchets miniers est estimé à 400 millions de mètres-cubes, soit un volume équivalent à plus de cinq dunes du Pilat, indiquent-elles. Les besoins énergétiques de l'usine de traitement de minerai seraient également colossaux : (…) 20% de la consommation annuelle de la Guyane. Pour répondre à cette demande énergétique considérable, le projet envisage notamment la construction d'une centrale à biomasse à Saint-Laurent du Maroni (…). Pour l'alimentation de la centrale à biomasse, des demandes de rétrocession de 200.000 hectares de forêts primaires ont déjà été effectuées". La liaison entre Saint-Laurent du Maroni et le site minier serait assurée par une ligne à haute tension et une route sur 120 km.
Une évaluation du coût des infrastructures à géométrie variable
Autre point polémique : l'évaluation du coût des infrastructures liées au projet par la compagnie minière. Ce dernier a en effet diminué au fil des échanges avec la CNDP. Ce qui n'est pas sans conséquences au regard des nouvelles dispositions du dialogue environnemental. "Dans son courrier du 7 mai 2017, le maître d'ouvrage a présenté de manière détaillée une évaluation du coût des bâtiments et infrastructures de l'équipement industriel pour un montant total de 266 M€, c'est-à-dire un montant supérieur au seuil de publication des caractéristiques générales du projet dans la presse (150 M€), indique la CNDP. Le dossier de saisine du 26 juin 2017 ne contient aucune information chiffrée sur le coût des bâtiments et infrastructures. Enfin, dans sa présentation orale lors de la séance de la Commission du 5 juillet 2017, le maître d'ouvrage a estimé que seuls 80 M€ étaient à prendre en compte à ce titre"
Normalement, l'investissement total s'élevant à 780 M€ (dont 500 M€ pour l'investissement initial), une saisine obligatoire de la CNDP devrait être engagée. Toutefois, le maître d'ouvrage aurait dans un premier temps indiqué, selon la CNDP, vouloir passer par les mesures transitoires prévues par la réforme du dialogue environnemental pour ne pas la saisir.
Dans sa réponse, la CNDP a recommandé au maître d'ouvrage de publier son projet et d'indiquer s'il souhaite ou non la saisir. "Hors d'hypothétiques chiffres, les enjeux territoriaux et environnementaux sont colossaux, hors toutes normes, surtout quand le projet gouvernemental s'inscrit dans la transition écologique et solidaire, avait alors réagi Michel Dubromel, président de France Nature Environnement. Nous demandons qu'un réel débat public sous l'égide de la CNDP s'engage et implique aussi l'ensemble des territoires, de Cayenne à St Laurent du Maroni".
La compagnie minière a quant à elle annoncé en août son intention de lancer une consultation publique au cours du quatrième trimestre de 2017. "L'objectif sera de recueillir des commentaires des parties impliquées dans le projet afin de garantir la transparence et la collaboration, détaille-t-elle. La consultation visera à fournir des informations claires et précises sur le projet, en particulier sur les 3.750 emplois directs, indirects induits, les bénéfices économiques de 350 millions d'euros grâce la fiscalité et les programmes de formation aux métiers miniers à Cayenne et à Saint-Laurent".
Privilégier un autre modèle de développement
Pour la Ligue des droits de l'Homme, une autre voie de croissance doit être envisagée. "Sous ce projet de mine, c'est d'une part le modèle de développement des Dom qui est en question mais aussi la façon dont la France assume sa responsabilité anthropologique envers les peuples autochtones, regrette-t-elle. La LDH attend qu'une réflexion globale, notamment au travers des prochaines Assises des Outre-mer, et que des actions concrètes soient menées pour ne plus contraindre les populations ultramarines à subir un modèle de développement dépassé et opaque".