Dans la continuité des engagements pris à Nagoya en octobre 2010 à l'occasion de la conférence de la Convention sur la Diversité Biologique, l'Union européenne vient de présenter sa stratégie en matière de biodiversité. Objectif affiché : enrayer la disparition des espèces, à l'horizon 2020 cette fois-ci, puisque l'objectif fixé à l'échéance 2010 n'a pas été atteint.
Lutter contre les pressions qui s'exercent sur la nature
L'Europe a décidé d'axer son action en priorité sur les pressions les plus fortes qui s'exercent sur la nature et les services écosystémiques. Ainsi la stratégie vise "une plus grande durabilité des activités agricoles et forestières", "la sauvegarde et la protection des stocks halieutiques de l'UE" et "la lutte contre les espèces envahissantes". En matière d'agriculture, l'Europe veut allouer des fonds de la Politique Agricole Commune (PAC) à la protection de la biodiversité tandis qu'en matière de gestion des forêts, la stratégie prévoit que toutes les forêts publiques ou privées d'une certaine taille qui bénéficient d'aides de l'UE soient gérées de manière durable. Du côté de la pêche, l'objectif est d'atteindre les rendements durables maximum des pêcheries européennes en 2015.
D'ici 2020, l'Europe espère également avoir identifié les espèces exotiques envahissantes, leurs modes de déplacement et avoir débuter l'éradication des espèces les plus gênantes. Selon l'UE, ces espèces coûtent chaque année 12,5 milliards d'euros de dommages.
Renforcer l'application du réseau Nature 2000
La stratégie de l'UE passe également par une meilleure protection des territoires via un renforcement du réseau Natura 2000, principal outil de protection de la nature qui représente aujourd'hui 18 % des terres de l'UE. L'Europe souhaite une meilleure application des directives oiseaux et habitat, les deux textes qui encadrent le réseau Natura 2000. Elle se fixe donc un objectif d'amélioration général d'ici 2020 : 100 % des évaluations réalisées sur les habitats et 50 % des évaluations réalisées sur les espèces devront conclure à un niveau de conservation amélioré. Par ailleurs 50 % des évaluations réalisées sur les oiseaux devront conclure à un statut de conservation stable ou amélioré.
Maintenir les services rendus par les éco-systèmes
Enfin, l'UE espère intégrer la valeur des services rendus par les écosystèmes dans l'élaboration des politiques "chaque fois que possible". Pour cela l'UE mise sur une utilisation accrue de "l'infrastructure verte", autrement appelé "l'investissement en capital nature". L'UE veut donc encourager l'investissement dans des solutions qui s'appuient sur les services écosystémiques renforcés et veut que soit reconnu le potentiel de rentabilité offert par cette approche.
Une stratégie peu crédible pour les ONGs
Même si la stratégie européenne est accueillie favorablement par les associations, les objectifs annoncés ne leurs semblent pas assez ambitieux : "La nouvelle stratégie européenne est un document indispensable. Malheureusement, le niveau d'ambition des différents objectifs est le résultat de ce qui est politiquement possible et non pas de ce qui serait stratégiquement nécessaire", analyse Sarolta Tripolszky du Bureau européen de l'environnement, organisation regroupant plusieurs associations européennes.
Les Amis de la Terre Europe partagent cette analyse, particulièrement sur la question de l'agriculture et de la sylviculture et regrettent l'absence d'objectifs chiffrés précis : "L'agriculture et la sylviculture sont les plus grands utilisateurs de terre en Europe, et la manière dont cette terre est utilisée est cruciale. Sans cibles claires et mesurables pour assurer que ces secteurs soient soutenables, l'épuisement des espèces continuera, en minant la stratégie de l'UE".
Les associations comptent désormais sur les ministres de l'environnement européens pour exiger des objectifs chiffrés et ambitieux. Certains pays y semblent favorables puisqu'à la veille de la publication de cette nouvelle stratégie communautaire, 16 ministres européens chargés de l'environnement dont celui de la France ont appelé à l'adoption de propositions ambitieuses pour la biodiversité en Europe. "La nouvelle stratégie doit être mobilisatrice et avoir des objectifs mesurables et régulièrement évalués." L'ensemble des ministres doivent se réunir le 17 juin prochain et aborderont notamment la question de la biodiversité.