Le gouvernement français a adressé le 20 février dernier une note à la Commission européenne pour lui demander de suspendre d'urgence l'autorisation de mise en culture des semences de maïs transgénique MON810 dans l'Union européenne. Il a par ailleurs indiqué qu'il envisageait d'adopter, en raison de la proximité des semis (fin février-début mars pour les semis précoces) une mesure conservatoire visant à interdire "temporairement" la culture du maïs MON810 sur le territoire national. Une consultation du public a été ouverte à ce sujet jusqu'au 6 mars.
En attendant, les associations anti-OGM ont décidé de mettre la pression. La Direction régionale de l'alimentation, l'agriculture et la forêt (Draaf) à Toulouse, a ainsi été occupée par plusieurs dizaines d'opposants pour exiger l'interdiction immédiate du MON810. Les associations ont également envoyé une lettre ouverte aux sociétés faisant négoce de semences agricoles en France. Elles demandent à ces entreprises de "clarifier leurs intentions concernant la commercialisation de semences de maïs Mon 810 en vue des semis du printemps 2012."
En effet, depuis le 28 novembre 2011 et la levée du moratoire par le Conseil d'Etat, un exploitant agricole français peut acheter légalement des semences de maïs MON810 sur le marché, malgré la demande effectuée par les autorités françaises auprès de la Commission européenne. Le groupe Monsanto a affirmé en janvier qu'il ne vendra pas de maïs transgénique en France en 2012 mais d'autres entreprises semencières locales ont acheté à Monsanto des licences pour intégrer dans leur propre variété le gène permettant l'expression de l'insecticide Bt. Selon l'association Inf'OGM, 221 variétés de maïs ayant le gène MON810 sont inscrites au catalogue européen. Les associations sont donc particulièrement inquiètes surtout qu'elles déclarent avoir "connaissance qu'un certain nombre d'exploitants agricoles du Sud Ouest ont commandé et peut-être reçu des sacs de ces semences".
Pour les associations, "distribuer des semences de maïs génétiquement modifié, c'est volontairement et en toute connaissance de cause imposer la coexistence aux agriculteurs qui travaillent en bio ou sans OGM, et à ceux qui cultivent des maïs population, tout en sachant que cette coexistence est impossible".
Les associations françaises sont également soutenues par les agriculteurs biologiques européens. Réunies à Nuremberg à l'occasion du salon Biofach, les organisations paysannes bio européennes ont débattu du cas français et espèrent l'interdiction ferme de mise en culture en France mais également dans toute l'Europe. Car la situation semble déjà critique pour certains pays. Selon la FNAB, en Espagne, il est impossible de récolter du maïs non OGM dans certaines régions. La contamination est quasi-systématique ce qui met en péril l'activité des agriculteurs bio.
Les "Professeurs" en rang de bataille
La fronde s'organise également du côté des pro-OGM. L'Association Française des Biotechnologies Végétales (AFBV) a analysé les études scientifiques de l'EFSA mises en avant par le gouvernement français pour justifier l'interdiction du MON810. Son Président, le Professeur Marc Fellous, constate que "contrairement à ce que le Gouvernement prétend, il n'existe pas de fait scientifique nouveau observé sur le maïs Bt mais simplement des règles redéfinies par l'EFSA qui rend même un avis scientifique positif pour la culture des maïs BT11 et qui étend ses conclusions à la culture des maïs MON 810. L'argumentation du Gouvernement est donc trompeuse vis-à-vis de nos concitoyens." Pour l'AFBV, le gouvernement français dispose de moyens pour refuser la culture d'un maïs Bt, mais il doit le faire en assumant ses responsabilités politiques et non en dévoyant des arguments scientifiques.
En laboratoire la recherche continue. De récentes études menées à l'université de Caen sous l'égide du Professeur Séralini ont montré que les toxines produites par le maïs génétiquement modifié MON810, entre autres, peuvent considérablement affecter la viabilité des cellules humaines. "Nous avons été très surpris par ces résultats. Jusqu'à présent, il avait été jugé presque impossible pour les protéines Bt d'être toxiques pour les cellules humaines. Maintenant, d'autres expériences doivent être menées afin de savoir comment ces toxines impactent sur les cellules et si les effets combinatoires avec d'autres composés dans la chaîne alimentaire humaine et animale doivent être pris en compte", explique Gilles-Eric Séralini.