La distance minimale fixée dans les zones de non-traitement (ZNT) reste très insuffisante, selon l'association Générations futures. Cette dernière milite aujourd'hui pour qu'elle soit étendue à 150 mètres (contre 5 à 10 mètres aujourd'hui), à la lumière de nouvelles données relevant la présence de pesticides dans l'air.
Nouvelle méthode, nouvelles mesures
Dans son nouveau rapport (1) publié ce mardi 16 janvier, l'ONG diffuse les résultats de trois campagnes de mesure, d'environ sept semaines chacune et réalisées entre mai et septembre 2023, dans autant de départements métropolitains (le Nord, la Gironde et le Rhône). Ces relevés ont été effectués à partir de capteurs dits « passifs » (qui mesurent une quantité de molécules détectées par substance sur un temps donné, et non une concentration en temps réel) positionnés à plusieurs endroits d'une parcelle agricole non traitée mais située au milieu de parcelles potentiellement cultivées à l'aide de produits phytopharmaceutiques. « Sans accès possible au registre d'utilisation de chaque agriculteur, il reste impossible de déterminer quelle parcelle subit quel traitement », rappelle François Veillerette, porte-parole de Générations futures.
L'association a reproduit le schéma de précédentes campagnes de mesure mais, forte de recommandations de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), en a amélioré le protocole. « Les capteurs employés cette année nous permettent de rechercher 500 substances, y compris des molécules parmi les moins volatiles, contre 90 précédemment. De plus, nous avons systématiquement installé une série de cinq à six capteurs : un au centre, quatre à chaque bordure de parcelle à équidistance du premier et un dernier en contrôle au centre de la ville ou du village le plus proche. »
Une distance encore insuffisante
Vers Libourne, en Gironde, territoire majoritairement viticole, les capteurs en présence se sont situés parfois entre 50 et 180 mètres d'une parcelle voisine. Certains capteurs parmi les plus éloignés, dont celui du centre, ont piégé les plus grandes quantités de molécules (parmi 19 pesticides relevés), dont une abondance de folpel, « un fongicide considéré comme "cancérogène possible" à l'échelle européenne », indique François Veillerette. Dans son rapport, l'association note également que « la direction des vents dominants ne semble pas jouer un rôle prépondérant dans les quantités de pesticides retrouvées ».
Le même fongicide préoccupant a été retrouvé en forte quantité dans le département du Rhône, près de Villefranche-sur-Saône, la plus grande commune concernée par ces campagnes de mesure. Là encore, malgré un éloignement conséquent (entre 70 et 150 mètres de distance avec une parcelle viticole voisine), la quantité piégée par le capteur central reste à la même hauteur que celle relevée par les capteurs en bordure. Seule nuance positive : placée dans une ville plus dense en habitations et plus écartée des cultures que les communes des deux cas précédents, le capteur « contrôle » n'a relevé qu'environ 7 % de la quantité captée (sur 23 pesticides rencontrés) par les cinq autres capteurs.
S'éloigner pour éviter le problème ?
« Même une distance de plusieurs dizaines de mètres des zones agricoles adjacentes ne réduit pas significativement les concentrations des pesticides dans l'air. Preuve que les ZNT actuellement en vigueur sont inefficaces, déplore François Veillerette. D'autant que cette pollution dans l'air peut même se retrouver dans des petites villes de zones rurales. » Et ce, sans compter les possibles effets cocktail générés par la présence de plusieurs pesticides dans le même air respiré. L'association regrette d'ailleurs de ne pas avoir eu l'occasion de mesurer une telle exposition dans un territoire avec une agriculture à dominante arboricole, qui table « sur le plus grand nombre de traitements par an en moyenne ».
Jusqu'ici partisane d'augmenter la distance minimale des ZNT à 70 ou 100 mètres, Générations futures préconisent aujourd'hui 150 mètres à la lumière de ses nouvelles données, tout comme le collectif des Maires anti-pesticides. Un éloignement nécessaire, d'après elle, mais qui risquerait de réduire significativement la surface agricole avec pesticides. « Notre intention n'est pas de sacrifier l'agriculture, mais de réorienter les pratiques conventionnelles, dangereuses, vers de l'agriculture biologique par exemple qui, sans traitement, peut limiter l'exposition des riverains aux pesticides. »