La contamination de l'environnement par les pesticides ne se limite pas aux sols et à l'eau. De très nombreuses molécules sont également présentes dans l'air mais elles sont pour l'instant mal ou insuffisamment surveillées. C'est la raison pour laquelle les ministères en charge de l'agriculture, de l'écologie, de la santé et du travail ont demandé à l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) une expertise scientifique, prémices de la mise en place d'un dispositif national de surveillance des pesticides dans l'air ambiant.
L'Agence a publié ce jeudi 19 octobre le résultat de ses travaux. L'expertise s'est appuyée sur le retour d'expériences des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA), qui collectent depuis plus de dix ans des données en la matière en plusieurs points du territoire mais sans ligne directrice générale. Cette expertise conduit à la publication de deux documents : une liste de 90 substances prioritaires à surveiller dans l'air ambiant, d'une part, des recommandations sur la stratégie d'échantillonnage et les modalités d'analyse, d'autre part.
Substances hautement prioritaires
La liste de "pesticides" identifiés comprend des substances chimiques entrant dans la composition des produits phytopharmaceutiques mais aussi des biocides, médicaments vétérinaires et antiparasitaires à usage humain.
Dans cette liste, l'Anses identifie des substances hautement prioritaires dont la pertinence de la surveillance est d'ores et déjà confirmée et d'autres pour lesquelles cette pertinence reste à confirmer après explorations complémentaires. Parmi les premières figurent le 2,4D, la cypermétrine, le fipronil ou encore le lindane. Dans la seconde, on retrouve le fameux glyphosate mais aussi des substances comme l'aldrine ou le dichloran.
Cette liste devra être complétée ultérieurement au regard du risque pour les écosystèmes, précise l'Agence. Elle sera par ailleurs prise en compte pour renseigner l'exposition humaine aux pesticides dans les environnements intérieurs, précise-t-elle.
Protocole harmonisé de mesure
L'Anses recommande la définition d'un protocole harmonisé de mesure des pesticides dans l'air ambiant applicable tant en métropole qu'en outre-mer. Pour cela, elle préconise une campagne exploratoire dont le protocole sera défini par le Laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air (LCSQA), en lien avec plusieurs AASQA, sur la base de tests métrologiques qui sont déjà en cours, précise-t-elle. Cette campagne est prévue par le plan national de réduction des émissions de polluants atmospériques (Prepa) adopté en mai dernier.
A son issue, les experts recommandent la réalisation d'un retour d'expérience destinée à définir la stratégie de surveillance nationale à mettre en œuvre. Ce retour d'expérience portera sur le choix des molécules prioritaires, les situations d'exposition à prendre en compte, ainsi que sur les critères de classification et de sélection des sites.
"Cette surveillance doit permettre in fine, d'évaluer l'exposition chronique de la population générale et les risques sanitaires associés", explique l'Agence. Ces données, ajoute-t-elle, permettront d'informer la population et de prendre le cas échéant des mesures adaptées visant à réduire les expositions. Elles seront également utilisées dans le cadre du dispositif de phytopharmacovigilance, dont l'Anses a la charge et qui a pour objectif de surveiller les effets indésirables des produits phytopharmaceutiques disponibles sur le marché.
Outre cette surveillance nationale, les auteurs de l'expertise recommandent la mise en place de campagnes de mesure ponctuelles visant à évaluer l'exposition des populations à proximité des zones les plus impactées par les pesticides : zones agricoles, silos mais aussi gares, aéroports et zones industrielles.