Par une décision du 4 octobre 2023, le Tribunal de l'Union européenne a apporté des précisions sur l'application du principe de précaution dans le domaine des produits phytopharmaceutiques. La juridiction européenne a donné ces précisions à l'occasion du rejet du recours de deux fabricants de pesticides, Ascenza Agro et Industrias Afrasa, contre la décision de non-renouvellement de l'approbation de la substance active chlorpyriphos-méthyl (CHP-méthyl) prise par la Commission européenne en janvier 2020.
Les deux sociétés estimaient que le principe de précaution n'était pas applicable durant la phase d'évaluation des risques de la substance active, mais seulement pendant celle de gestion des risques. Le Tribunal leur donne tort.
« Lorsque des incertitudes subsistent quant à l'existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes, des mesures de protection peuvent être prises sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées », rappellent les juges. « Une application correcte du principe de précaution présuppose, notamment, une évaluation complète du risque pour la santé fondée sur les données scientifiques disponibles les plus fiables et les résultats les plus récents de la recherche. Lorsqu'il s'avère impossible de déterminer avec certitude l'existence ou la portée du risque allégué en raison de la nature insuffisante, non concluante ou imprécise des résultats des études menées, mais que la probabilité d'un dommage réel pour la santé humaine persiste dans l'hypothèse où le risque se réaliserait, le principe de précaution justifie l'adoption de mesures restrictives », ajoutent les juges, rappelant ainsi la jurisprudence de la Cour de justice.
En vertu de cette jurisprudence, « il appartient aux autorités chargées de l'évaluation des risques, telles que l'Efsa, de faire part à la Commission non seulement des conclusions certaines auxquelles elles parviennent, mais aussi des incertitudes qui subsistent, afin qu'elle adopte, le cas échéant, des mesures restrictives », juge le Tribunal.
En l'espèce, l'évaluation des risques pour la santé humaine du CHP-méthyl réalisée par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) avait fait apparaître des incertitudes. Il en ressortait en effet que le potentiel génotoxique de cette substance active ne pouvait pas être exclu et que des préoccupations concernant sa neurotoxicité avaient été soulevées. D'où une application correcte du principe de précaution par l'exécutif européen.