Ce mardi 27 mars, EDF a annoncé un "plan stockage électrique" portant sur l'installation de 10 gigawatts (GW) de capacités de stockage à l'échelle mondiale d'ici 2035. Pour y parvenir, l'entreprise compte investir 8 milliards d'euros. Avec cet investissement, elle ambitionne de devenir le leader européen du secteur.
Ce plan est le deuxième annoncé au cours des trois dernier mois. En décembre dernier EDF présentait son "plan solaire" qui vise l'installation de 30 gigawatts (GW) de photovoltaïque en France entre 2020 et 2035, pour un investissement total de l'ordre de 25 milliards d'euros.
Un fort potentiel, même sans rupture technologique
En septembre dernier, EDF estimait que le stockage électrique était trop onéreux pour répondre à la variabilité des renouvelables. L'entreprise misait sur les possibilités de variation de production de son parc nucléaire pour répondre aux fluctuations de la production et de l'offre. Dominique Minière, directeur du parc nucléaire et thermique, expliquait alors que le parc nucléaire pouvait répondre à des variations de demande de l'ordre de 21.000 mégawatts (MW). De fait, le stockage ne s'imposait pas dans le paysage idéal électrique dressé par EDF.
Aujourd'hui, EDF revoit sa position : "le stockage recèle un fort potentiel pour accélérer la transition énergétique, même sans rupture technologique", explique Jean-Bernard Lévy, PDG du groupe, ajoutant que le coût a été divisé par cinq en moins de dix ans. Il est passé de 1.000 dollars par kilowattheure ($/kWh) de capacité de stockage en 2010 à 209 $/kWh en 2017. Il pourrait passer sous les 100 $/kWh. Dans cette perspective, EDF le considère comme "une brique supplémentaire du système électrique du futur".
Mais lorsque les technologies seront matures, EDF laissera les industriels prendre le relais et investir les sommes énormes nécessaires à la massification des unités de production. Outre un choix stratégique, cette décision se justifie aussi par "un bilan un peu tendu", explique le PDG d'EDF.
Actuellement, EDF dispose de 5 GW de capacité de stockage, grâce à ses stations de transfert d'énergie par pompage (Step), et de 100 MW, sous forme de batteries réparties sur quatre continents. Avec son plan stockage, l'entreprise entend y ajouter 10 GW de capacités.
Le plan vise trois marchés, explique Alexandre Perra, le directeur du plan stockage. Le premier est le service aux réseaux électriques. Aujourd'hui, EDF dispose d'un pilote de 20 MW (batteries lithium-ion) à McHenry (Illinois, Etats-Unis) et d'un autre de 5 MW (batterie chimique et hydrogène) sur le micro-réseau expérimental de Mafate (Ile de La Réunion). L'entreprise dispose aussi, et surtout, de 5 GW de Step en France. Sur ce volet EDF ambitionne d'ajouter 6 GW supplémentaires sous forme de Step et de batteries, sans préciser la répartition entre les deux technologies.
Le deuxième volet du plan est l'autoconsommation. EDF prévoit d'installer 4 GW de batteries qui seront mis à disposition des particuliers, entreprises ou territoires qui souscriront à ses offres. Enfin, le troisième marché est la fourniture d'électricité sans connexion à un réseau électrique. Après avoir placé quelque 15.000 kits combinant panneaux solaires et batteries en Côte d'Ivoire, le groupe vise un portefeuille de 1,2 million de clients d'ici une quinzaine d'années.
Pas de feuille de route à court terme
Si EDF fait état de grandes ambitions pour 2035, ses objectifs à court terme restent vagues. A priori, comme pour le plan solaire, peu de choses devraient bouger avant 2020. Pour l'instant, EDF annonce un investissement de 70 millions d'euros dans la R&D sur la période 2018-2020, soit le double de ce qui était prévu. A cela s'ajoute un investissement de 15 millions d'euros qui sera réalisé par EDF Nouveaux Business dans les deux prochaines années.
Pour le reste, seules les grandes lignes sont fixées. Sur le plan financier, "l'avenir dira quelle part sera portée par EDF" via des investissements en fonds propres. Le groupe envisage de financer les 8 milliards d'euros d'investissements à 80% par de la dette et, pour les 20% restants, à part égale avec d'autres investisseurs. Même remarque concernant la part des investissements qui seront réalisés en France. "C'est difficile à dire", explique Alexandre Perra, qui indique ne pas savoir à quel horizon les projets du plan dont il a la charge se concrétiseront.
L'entreprise laisse juste entrevoir que les premiers investissements en France dépendront en grande partie de l'avancée de deux projets de stockage sur les barrages de la Truyère et de la Dordogne. "Nous espérons voir aboutir ces deux projets dans des délais raisonnables", explique Jean-Bernard Levy qui espère qu'EDF bénéficiera d'une prolongation de ses concessions hydroélectriques sur ces deux cours d'eau contre la réalisation des investissements nécessaires à la réalisation des Step.