Pourtant, aussi soudain que soit ce revirement de position, et il n'en demeurait pas moins prévisible. L'administration fédérale américaine se retrouve en effet fortement isolée et critiquée.
Au niveau national, de plus en plus de gouverneurs, à la tête desquels Arnold Schwarzenegger pourtant républicain, sont favorables à l'instauration de réglementation contraignant les émissions, notamment celles des véhicules automobiles. Mais faute d'obtention de la nécessaire autorisation de l'Agence de protection de l'environnement (EPA) pour fixer des normes plus exigeantes que la réglementation fédérale, l'acteur accompagné de son confrère gouverneur du Connecticut menace désormais publiquement l'administration Bush de poursuite.
Sur la scène internationale et à peine quelques semaines après les présentations des rapports différents groupes de travail du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), les USA sont pressés d'agir. Angela Merkel, la chancelière allemande hôte du G8 qui aura lieu du 6 au 8 juin à Heiligendamm a précisément inclus la question du réchauffement climatique au sommaire des discussions.
Pourtant les propositions du président américain ne sont pas nouvelles et se révèlent même souvent contraires aux dispositions du protocole de Kyoto. Si Tony Blair a salué un énorme pas en avant par rapport à là où nous étions il y a quelques années, Angela Merkel semble plus circonspect : il est positif que le Président Bush ait prouvé, dans son discours, que personne ne peut ignorer le problème du réchauffement climatique ni le fait qu'il est causé par l'homme. Nous sommes d'accord là-dessus, et nous devons agir en conséquence. Reste à savoir ce que signifie réellement ce discours. Il faudra en débattre à Heiligendamm.
En effet, alors que la chancelière entendait faire accepter à Washington des objectifs de réduction de 50% des émissions de GES à l'horizon 2050 pour limiter à 2° Celsius le réchauffement global, le Président américain continue à refuser le système des quotas et du commerce de CO2 prévus par le protocole de Kyoto, préférant des objectifs non contraignants de réduction d'émissions.
Les États-Unis tentent donc de toute évidence d'imposer un nouveau cadre beaucoup moins contraignant que celui du protocole de Kyoto.
Pour Morgane Créach du Réseau Action Climat-France, le nouvel accord proposé n’est rien de plus qu’une coquille vide, résurgence du Partenariat Asie Pacifique déjà créé en juillet 2005 et qui mise sur le développement de la technologie pour se soustraire à des objectifs absolus et contraignants de réduction des émissions. La preuve selon le RAC-F ? : le projet de déclaration proposé par la Présidence allemande contient une référence, découlant du dernier rapport du GIEC, à une division par deux des émissions mondiales d’ici 2050 par rapport au niveau de 1990. Mais, il n'est pas question pour l’administration de Bush de souscrire à ce constat scientifique !
Même appréciation du côté de Greenpeace pour qui, tout nouveau processus de négociation, fondé principalement sur des engagements volontaires, et privé d'un mécanisme international de contrôle des engagements nationaux, ne ferait que ralentir la mobilisation déjà très difficile et lente de la communauté internationale contre les changements climatiques. La démarche conduirait finalement à remettre en cause la nécessite de réduire de 50 % les émissions à l'échelle mondiale d'ici 2050, objectif communément admis pour éviter le dépassement des 2°C de réchauffement climatique d'ici la fin du siècle, seuil unanimement reconnu comme dangereux de franchir. Karine Gavand, chargée de campagne climat à Greenpeace France estime quant à elle que la nouvelle posture américaine est d'abord une tentative de diversion par rapport à la volonté de l'Allemagne, qui à juste titre a fait du climat une question centrale du G8 et qui tente d'obtenir un accord pour un engagement de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Au-delà du G8 et du mépris affiché vis-à-vis de l'Allemagne, le discours prétendument « subtil » des Etats-Unis sur une « nouvelle politique » constitue une tentative désespérée pour bloquer le démarrage des négociations internationales sur les prochaines étapes de réduction des émissions après 2012.
L'association écologiste demande d'ailleurs à Nicolas Sarkozy qui avait, le soir de son élection, annoncé faire du climat le premier combat de la France et appelé les Etats-Unis « prendre la tête » de la lutte contre le réchauffement climatique, de se démarquer clairement des Etats-Unis pour affirmer son soutien à l'initiative allemande et s'engager à signer un accord contraignant qui restera dans le cadre du Protocole de Kyoto.