
Des taux inquiétants de benzène et formaldéhydes
Chacune des crèches a été surveillée pendant une semaine. Deux tiers d'entre elles présentaient des taux de benzène supérieurs au seuil de référence. Selon l'observatoire mondial de la santé (OMS), au-delà de ce seuil établi 1,7 microgrammes/m3, cette substance présenterait un risque pour la santé. Cancérigène, il peut également causer des leucémies ou lymphomes. Selon le secrétaire général de l'association, Patrice Halimi, le benzène proviendrait principalement de l'air extérieur et les taux élevés dépendraient de la proximité du lieu d'accueil avec une route très circulée (route nationale…). Les pigments de peinture et de vernis contiennent également cette substance.
Rappelons que l'Afsset s'était penché sur ce polluant et avait établi que pour éviter l'apparition d'effets hématologiques non cancérogènes à long terme, il ne faut pas être exposé à plus de 10 μg de benzène par m3 d'air inhalé pour une durée d'exposition supérieure à un an. Pour éviter les effets hématologiques cancérogènes, l'Afsset fixe une valeur guide de qualité de l'air intérieur (VGAI) de 2 μg/m3 pendant une durée d'exposition équivalent à la « vie entière ». Au-delà de cette limite, l'agence estime que le risque de contracter un cancer est accru.
Pour la VGAI intermédiaire, l'Afsset a fixé la limite à 20 μg/m3 en moyenne sur un an pour éviter les effets hématologiques non cancérogènes prenant en compte des effets cumulatifs du benzène. Enfin, à court terme, l'Afsset conseille de ne pas être exposé à plus de 30 μg/m3 en moyenne sur 14 jours.
En revanche, ce sont toutes les crèches analysées qui affichent des taux de formaldéhydes supérieurs aux recommandations européennes sur la qualité de l'air. Quatre d'entre elles dépassent même la valeur toxique de référence (10 microgrammes/m3 pendant un an). Présents dans les bois agglomérés, les colles synthétiques, les peintures, les formaldéhydes provoquent des maladies respiratoires (asthme, irritation des muqueuses…) et peuvent être cancérigènes.
Concernant les phtalates, présents dans les plastiques, seule une crèche présente un seuil élevé. L'explication : du fait de leur poids, ces molécules sont peu volatiles et sont donc davantage ingérées qu'inhalées. Malgré des relevés rassurants, l'Asef met en garde sur la présence de ces substances dans les jouets notamment.
Une pollution peu connue
Si l'étude menée par l'Asef ne se prétend pas exhaustive, elle a le mérite de mettre le doigt sur un sujet préoccupant. Selon l'association, les enfants passent environ 20 heures par jour dans un environnement intérieur, dont une bonne partie en crèche. Selon une étude menée de novembre 2006 à mars 2007 par l'observatoire de la qualité de l'air intérieur auprès de 2.780 ménages, 22,3 % des enfants en âge pré-scolaire et 27 % des enfants en classe maternelle fréquentent les lieux de garde collectifs.
En France, chaque individu passerait en moyenne 85 % de son temps dans un environnement clos (lieu de travail, habitat…). Si ces milieux contiennent de nombreux agents physiques et contaminants chimiques ou microbiologiques, liés aux bâtiments, aux équipements, à l'environnement extérieur immédiat et au comportement des occupants, l'air intérieur des bâtiments a longtemps été écarté des préoccupations sanitaires, au contraire de l'air extérieur.
En 2001, la création de l'observatoire de la qualité de l'air intérieur par les pouvoirs publics marque la prise de conscience de cette problématique. Pourtant, aujourd'hui encore, les données actuelles concernant cette pollution sont insuffisantes et l'impact de cette pollution sur la population est encore mal connu.
Soulignée lors des travaux du Grenelle de l'environnement, cette carence devrait faire à l'avenir l'objet d'une attention particulière. La table ronde consacrée à l'environnement et à la santé a proposé différentes mesures sur le sujet. Parmi elles, l'obligation de l'étiquetage des matériaux de construction et de décoration et l'interdiction de certaines substances nocives dans ces matériaux. Elle a également souligné l'urgence de mettre en place une surveillance auprès des populations à risque (enfants, personnes âgées…) et d'adapter la veille sanitaire aux risques émergents. Enfin, elle a appuyé l'importance d'une définition concertée du prochain plan national Santé environnement.
Il y a un vrai sujet sur la qualité de l'air intérieur, on passe l'essentiel de notre temps dans des bâtiments, où il y a un cocktail de pollutions. Ce sera un des sujets du plan Santé environnement qui sera présenté en avril, reconnaissait Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat à l'écologie, jeudi sur LCI. Nous allons lancer une étude dans 300 crèches et écoles.