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Refonte du label ISR : le virage antigreenwashing de Bruno Le Maire

Fallait-il préserver l'éligibilité des industries fossiles au label ISR ou s'opposer à leurs stratégies de greenwashing ? Après de longues semaines de suspens, le ministre de l'Économie a choisi de favoriser des critères relativement stricts.

Gouvernance  |    |  N. Gorbatko
Refonte du label ISR : le virage antigreenwashing de Bruno Le Maire

À quels critères s'attendre pour l'obtention du label ISR ? Favorables aux majors pétrolières ou en mesure de les écarter ? Avec quel périmètre d'investissement ? Depuis la remise au ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, des recommandations du comité chargé de la refonte du label, au mois d'août dernier, nombre de questions restaient en suspens sur les possibles choix de l'exécutif. Son verdict était attendu pour le mois de septembre. Le retard pris dans la communication de ses conclusions, dans le but manifeste de trouver d'autres pistes à explorer, avait laissé planer le doute sur la place réservée aux grandes compagnies des industries fossiles.

Au point d'inciter une soixantaine de personnalités, comme Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance, le paléoclimatologue Jean Jouzel, la directrice générale d'Oxfam France, Cécile Duflot, ou l'économiste Alain Grandjean, à exhorter la Première ministre, Élisabeth Borne, lundi 30 octobre, à renoncer à un arbitrage « moins-disant » et à offrir au label « des garanties suffisantes par l'adoption de critères d'exclusion ambitieux (…) particulièrement nécessaires pour les secteurs de l'exploration-production d'énergies fossiles. » Il serait incompréhensible aux yeux des épargnants que des fonds « socialement responsables » labellisés par l'État continuent d'investir dans des entreprises qui rehaussent leurs objectifs de production d'hydrocarbures, développent de nouveaux projets d'exploration-production de pétrole et de gaz et maintiennent la majorité de leurs investissements dans le développement des énergies fossiles, avaient plaidé les associations.

Une exclusion massive des fossiles

Contre toute attente, Bercy vient finalement de leur donner raison, ce mardi 7 novembre. Dans un communiqué de presse, Bruno Le Maire annonce en effet que le nouveau label se conformera aux recommandations du comité de refonte, en excluant les entreprises exploitant du charbon, si leur chiffre d'affaires issu de cette énergie dépasse 5 % du total, ou des hydrocarbures « non conventionnels » : en Arctique ou en eau profonde, issus de sables bitumineux, de pétrole et gaz de schiste. « Si Bercy était revenu sur ce critère, la refonte de ce label aurait clairement été un raté et sa crédibilité en aurait été durablement affectée. Pour nous, c'était une ligne rouge », rappelle Antoine Laurent, responsable plaidoyer France de l'ONG Reclaim Finance.

“ Si l'on considère qu'il s'agit d'un label destiné au grand public, refusant d'investir dans le fossile, cette exclusion massive de ces énergies rend le nouveau label crédible ” Grégoire Cousté, FIR
Mais le ministre va même au-delà des espérances des associations et des scientifiques mobilisés, en rendant inéligibles les compagnies qui lanceraient de nouveaux projets d'exploration, d'exploitation ou de raffinage d'hydrocarbures, pétrole ou gaz. Un critère qui élimine de fait les grands pétroliers, à commencer par TotalEnergies, dont les nouveaux projets se comptent en dizaines d'unités et en milliards de dollars, totalisant près d'une centaine de gigatonnes de CO₂.

Une stratégie alignée sur l'Accord de Paris

Un plan de transition respectueux de l'Accord de Paris sera demandé à celles qui continueraient à exploiter ces énergies sans développer de nouveaux projets. Malgré les réticences de certaines sociétés de gestion, craignant que le nombre de fonds labélisés ne fonde considérablement, le taux de sélectivité destiné à écarter les émetteurs les moins performants dans le domaine ESG passera bien par ailleurs de 20 à 30 %, comme le proposait le comité de refonte.

« Si l'on considère qu'il s'agit d'un label destiné au grand public, refusant d'investir dans le fossile, cette exclusion massive de ces énergies rend le nouveau label crédible. Il sera plus facile aux chargés de clientèle de vendre les fonds qui en bénéficient. Le message à l'épargnant est lisible et compréhensible, commente Grégoire Cousté, délégué général du Forum pour l'investissement responsable (FIR). Si, par ailleurs, le plan de transition demandé aux entreprises est solide, alors c'est un bon chemin pour le label, même s'il aurait pu embrasser d'autres méthodologies. »

Un choix politique clair

Les tergiversations du Gouvernement sur ce sujet montrent à quel point les enjeux politiques étaient forts. « Si les pouvoirs publics avaient choisi de préserver l'éligibilité des compagnies pétrolières, il aurait pris le risque politique de paraître cautionner le greenwashing », analyse Antoine Laurent, qui salue donc une avancée importante en la matière. « Le Gouvernement acte enfin le caractère irresponsable des entreprises qui développent de nouveaux projets pétroliers et gaziers dans un contexte d'urgence climatique, relève-t-il. Nous espérons qu'un tel critère d'exclusion devienne un standard pour l'ensemble des fonds commercialisés comme responsable, ESG ou durable, qu'ils soient labélisés ou non. »

L'intégralité du cahier des charges n'est toutefois pas encore connue. Bien que l'entourage de Bruno Le Maire garantisse l'absence « de petites notes en bas de page », les ONG et les organismes de la finance durable promettent qu'ils se montreront attentifs à la publication du référentiel, prévue à la fin du mois, afin de comprendre notamment son calendrier de mise en œuvre et les critères liés au plan de transition exigé. « Quelle sera la qualité requise ? Sera-t-il évalué et comment ? Sera-t-il noté ? Une note minimale sera-t-elle demandée ? Nous ne le savons pas. Il faudra être vigilant sur ce point », indique Grégoire Cousté.

Donner du sens à l'épargne

Le principe de la double matérialité, autrement dit le fait de demander aux entreprises de limiter les incidences négatives de leurs investissements, en matière environnementale, sociale ou de gouvernance a également été retenu. Une garantie durable de plus, introduite par le comité de refonte. « Nous devons offrir un label simple et efficace pour permettre aux Français de donner du sens à leur épargne », martèlent les équipes du ministre. Le nouveau référentiel devrait entrer en vigueur à partir du 1er mars 2024.

Créé en 2016 par l'État pour aider le grand public à choisir des supports d'épargne durables, le label ISR totalise aujourd'hui 1 174 fonds, pour un encours de 773 milliards d'euros. Ce chiffre pourrait baisser après la révision du label, le nombre de fonds affectés par les énergies fossiles, mal connu à ce jour, pouvant s'échelonner entre 20 et 70 %. Mais, en renforçant ainsi la confiance des Français, Bercy espère malgré tout flécher une partie de leurs 6 000 milliards d'euros d'épargne, dont la moitié de long terme, vers la transition et l'industrie verte.

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