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Actu-Environnement

“De nouvelles possibilités émergent pour régulariser les dossiers ICPE lacunaires sur les capacités financières”

Un jugement rendu par le Tribunal administratif de Lille, dans une affaire relative à une ICPE, laisse entrevoir de nouvelles possibilités de régulariser les dossiers EnR dont les capacités financières sont remises en cause. Le point avec Stéphanie Gandet, associée du cabinet Green Law Avocats.

Interview  |  Energie  |    |  F. Roussel
Environnement & Technique N°371
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°371
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“De nouvelles possibilités émergent pour régulariser les dossiers ICPE lacunaires sur les capacités financières”
Stéphanie Gandet
Avocate spécialisée en droit de l’environnement, associée du cabinet Green Law Avocats
   

Actu-environnement : Quel problème pose la question de la démonstration des capacités financières pour les installations classées ?

Stéphanie Gandet : Les porteurs de projets industriels connaissent depuis février 2016 une contrainte juridique nouvelle et forte : un arrêt du Conseil d'Etat semble en effet exiger que le financement du projet soumis à la réglementation des installations classées (ICPE) soit assuré de façon ferme et certaine avant d'obtenir l'autorisation. A défaut, l'arrêté d'autorisation d'exploiter est annulé.

Or, le montage en "sociétés-projets" (ou SPV) est antinomique avec cette exigence, possiblement contraire à des principes constitutionnels, et qui apparait déconnectée de la réalité des modes de financement des actifs de production d'énergie renouvelable par exemple. La période est donc propice à la recherche de solutions juridiques innovantes par les opérateurs.

Le jugement rendu en avril 2017 par le Tribunal administratif de Lille, dans une affaire relative à une ICPE, présente un intérêt tout particulier qui laisse entrevoir de nouvelles possibilités de régularisation.

AE : Que juge le Tribunal administratif de Lille dans l'affaire d'avril 2017 ?

SG : Le Tribunal administratif juge illégal un arrêté d'autorisation d'exploiter une porcherie industrielle, car le public n'avait pas pu prendre connaissance, pendant l'enquête publique, des pièces relatives aux capacités financières du demandeur. L'industriel avait fourni des documents seulement au Préfet : le Tribunal a alors considéré que le Préfet avait délivré l'autorisation d'exploiter en connaissance de cause et que l'autorisation ne pouvait pas être critiquée sur ce point. En revanche, ces documents n'avaient pas été versés au dossier d'enquête, et un vice d'information du public entachait donc l'autorisation d'illégalité.

De façon inédite, le Tribunal va alors décider d'annuler l'autorisation puisque les informations relatives aux capacités n'ont pas été soumises au public, et il va enjoindre au Préfet de reprendre l'instruction de la demande au stade de l'enquête. C'est là une application mixte de jurisprudences anciennes et de nouveaux pouvoirs existants depuis le 1er mars 2017, que le Tribunal applique à un dossier contentieux en cours.

AE : Quel est l'intérêt de reprendre l'instruction de la demande au stade de l'enquête par rapport à une annulation pure et simple ?

SG : D'abord, reprendre l'instruction au stade de l'enquête permet d'éviter le dépôt d'un nouveau dossier de demande d'autorisation (depuis le 1er mars 2017, il s'agirait d'une autorisation environnementale unique) et de subir les délais d'instruction qui précèdent l'enquête publique. Ensuite, le Tribunal relève que si les prescriptions de fonctionnement sont suffisamment protectrices, l'arrêté peut continuer à produire ses effets, malgré l'annulation.

Cela signifie concrètement que l'exploitation de l'installation pourra continuer en dépit de l'illégalité de l'acte. Il est intéressant de voir que les juges ont opéré une distinction entre l'annulation de l'arrêté et le report dans le temps de cette annulation, ce qui est un outil en soi classique en contentieux administratif, mais qui se combine ici avec d'autres innovations procédurales. Cela permet donc de limiter le retard dans la mise en service, voire d'éviter les arrêts d'exploitation pour un motif de procédure qui peut facilement être régularisé en organisant une nouvelle enquête publique.

AE : Quels autres outils procéduraux existent pour régulariser des dossiers dont la démonstration des capacités financières semble lacunaire ?

SG : Le Tribunal commence en réalité par user de trois concepts juridiques qui existaient déjà auparavant dans la jurisprudence : il commence par distinguer les règles "de fond" et les règles "de procédure", en rappelant que si ces dernières sont appréciées à la date de l'autorisation, les règles de fond peuvent quant à elles conduire le juge à tenir compte d'éléments postérieurs, jusqu'au jugement.

Typiquement, s'agissant des capacités financières et des financements fermes, la prise en compte d'éléments postérieurs à l'autorisation est alors possible et permet d'espérer une régularisation. Ensuite, le Tribunal rappelle que tous les vices ne sont pas rédhibitoires. Seuls ceux qui ont nui à l'information du public ou qui ont pu exercer une influence sur le sens de la décision risquent de conduire à l'annulation de l'autorisation. Enfin, le juge des installations classées (et ce sera encore le cas du juge des autorisations environnementales uniques) peut tenir compte à la date où il statue de la régularisation de certains vices, sauf s'ils ont nui à l'information du public.

C'est probablement en raison du fait que l'utilisation combinée de ces trois concepts ne suffisait pas à éviter une annulation pure et simple de l'arrêté de la porcherie que les juges lillois ont alors fait usage d'une nouvelle règle introduite à partir du 1er mars 2017. En effet, l'autorisation environnementale unique s'est accompagnée de nouveaux pouvoirs du juge qui peut dorénavant : vérifier, si aucun autre argument n'est fondé, si un vice affecte seulement une partie de l'autorisation ou une partie de la procédure ; Et le cas échéant, il peut demander à l'autorité administrative de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; Enfin, en cas d'annulation, il peut déterminer s'il y a lieu de suspendre ou non l'exécution de l'autorisation non viciée.

Le Tribunal a décidé d'utiliser ces dispositions nouvelles, en les appliquant à un litige en cours. Cette application immédiate doit être saluée.

AE : Quelles sont les perspectives probables de la jurisprudence au sujet de l'appréciation des capacités financières des projets ?

SG : Il est délicat de se prononcer sur cette question, alors que la jurisprudence est en mouvement. On décèle des décisions d'appel qui relativisent la nécessité de prouver avant l'autorisation l'existence de financements fermes. Certaines juridictions seront sans doute amenées à s'interroger sur la conformité à la Constitution d'une telle exigence.

Dans l'attente, une distinction est nécessaire selon les dossiers encore en cours d'instruction, ceux autorisés en attente de purge de recours de tiers, et ceux enfin qui sont en litige. A chaque degré d'avancement, une stratégie adéquate s'impose, pour non seulement anticiper sur une application (trop) stricte de la jurisprudence du Conseil d'Etat mais également pour tirer parti de toutes les options procédurales existantes.

Réactions1 réaction à cet article

Bonjour,

Est-il possible d'avoir une copie du jugement ?
Vous remerciant par avance de votre diligence.
Bien à vous,
Blandine BERGER

Blandine BERGER | 08 juin 2017 à 12h06 Signaler un contenu inapproprié

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