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Extension de STMicroelectronics à Crolles : l'exploitant contraint de relancer sa demande d'autorisation

Le fabricant de puces électroniques a dû abandonner sa procédure de demande d'autorisation environnementale faute d'avoir mené une concertation préalable en amont et à la suite d'un rappel à l'ordre de la CNDP. Une première.

Gouvernance  |    |  L. Radisson
Extension de STMicroelectronics à Crolles : l'exploitant contraint de relancer sa demande d'autorisation

Par une décision du 7 février 2024, la Commission nationale du débat public (CNDP) a décidé qu'une concertation préalable devait avoir lieu sur le projet d'agrandissement de l'entreprise STMicroelectronics à Crolles (Isère), dans la banlieue de Grenoble, et a nommé trois garants à cet effet.

Le producteur de puces électroniques se voit contraint d'abandonner sa demande d'autorisation environnementale au titre des installations classées (ICPE) alors que l'arrêté préfectoral était en cours de finalisation. Un revers pour ce projet, qui avait valu une visite du président de la République sur le site en juillet 2022 et qui vise à doubler la production de plaquettes de circuits intégrés sur le site. Mais aussi une leçon sur la nécessité pour les maîtres d'ouvrage d'intégrer la participation du public le plus en amont possible de leurs projets, en particulier lorsque les enjeux environnementaux sont forts comme en l'espèce.

Enjeux environnementaux liés à l'eau

Le projet, comme le rappelle l'avis rendu le 17 février 2023 (1) par la mission régionale d'autorité environnementale (MRAe), prévoit la construction de six nouveaux bâtiments dans cet établissement d'ores et déjà classé Seveso seuil haut et relevant de la directive européenne sur les émissions industrielles (IED). À chacun de ces bâtiments est associé un centre technique regroupant diverses installations nécessaires au fonctionnement des salles blanches qu'ils contiendront : chaufferies et groupes froids, station de production d'eau ultra-pure, local électrique et local de traitement de l'air. D'autres installations annexes sont prévues pour le fonctionnement général du site, notamment des plateformes de stockage et de distribution des gaz utilisés en production, une nouvelle station de traitement des effluents liquides avant rejet dans le milieu naturel et des installations de traitement des effluents gazeux.

“ Les réunions publiques en cours d'enquête publique ne peuvent s'assimiler à des débats publics portant sur des débats de fond ” CNDP
Les principaux enjeux environnementaux du projet sont liés à l'eau. Il s'agit, en premier lieu, de la consommation d'eau, qui sera prélevée pour partie dans le réseau d'eau potable et, pour partie, dans la nappe alluvionnaire de l'Isère à partir de deux, voire trois, forages. Le site pourrait consommer jusqu'à 33 600 m3/jour, une augmentation d'environ 190 % par rapport à 2021, relevait la MRAe dans son avis. L'autre enjeu important concernant l'eau est constitué par les potentielles atteintes à la qualité des eaux de surface du fait des effluents rejetés. « Le projet prévoit une augmentation d'environ 75 % des débits rejetés, qui passeraient de 18 000 m³/jour à 31 000 m³/jour au maximum, mais une concentration des substances rejetées semblables à celle actuelle », indiquait l'autorité environnementale.

Dans son avis, cette dernière pointait de nombreuses lacunes dans le dossier. « Le projet lui-même n'est pas suffisamment décrit, l'état initial relatif à la consommation d'eau, l'état des ressources en eau, les rejets aqueux et atmosphériques, et le niveau de bruit n'est pas assez détaillé et le niveau d'enjeu retenu pour ces thématiques semble sous-estimé au regard des enjeux et des impacts du site existant », pointait la MRAe. Cette dernière relevait également l'absence de prise en compte des effets cumulés du projet avec ceux du site voisin de la société Soitec, sous-traitant de STMicroelectronics, qui réalise des activités similaires et qui doit s'agrandir en conséquence.

Ces enjeux environnementaux suscitent l'opposition du collectif Stopmicro38 qui lutte contre l'accaparement des ressources et les nuisances causées par les industries locales, en particulier celles de la microélectronique. « Accaparement de l'eau à l'heure des sécheresses à répétition, rejet de produits chimiques, consommation électrique délirante, le tout pour la production d'objets connectés et pour l'armement : ces projets d'agrandissements d'usines promettent un désastre environnemental », estime le collectif, qui organise une mobilisation contre ces projets début avril.

Absence de saisine de la CNDP

La commission d'enquête, qui a publié son rapport (2) le 16 novembre 2023 après la réalisation d'une enquête publique du 28 août au 9 octobre, fait état des réponses apportées par STMicroelectronics et de la rédaction d'une nouvelle note de présentation beaucoup plus complète afin de donner une meilleure information au public. Finalement, la commission a émis un avis favorable à la demande d'autorisation mais en l'assortissant de quatre réserves et six recommandations. Parmi celles-ci, figuraient le respect de certaines prescriptions concernant les forages envisagés dans la nappe du Grésivaudan, la préconisation de ne pas demander de dérogations aux valeurs limites de rejet dans le milieu récepteur et le respect des meilleures techniques disponibles (MTD) dans le cadre du projet de réutilisation des eaux usées traitées (Reuse). Elle recommandait aussi que la prochaine réunion publique, que la société s'était engagée à organiser chaque année, prenne la forme d'un débat public, courant 2024, sous l'autorité d'un garant indépendant désigné par la CNDP.

Le 25 octobre 2023, le directeur de la CNDP avait en effet confirmé à la commission d'enquête que l'entreprise ne l'avait pas saisi du projet bien que cette saisine soit obligatoire selon le code de l'environnement. Relevant cette irrégularité, la commission d'enquête a rappelé qu'il n'appartenait pas à STMicroelectronics de préjuger de l'opportunité ou non de lancer un débat public. « Les réunions publiques en cours d'enquête publique, qui constituent principalement une information descendante, ne peuvent s'assimiler à des débats publics portant sur des débats de fond tels que l'intérêt de la production ou de sa relocalisation, ou l'utilisation d'une quantité extrêmement importante de la ressource en eau de la région grenobloise et sa poursuite à l'aune du réchauffement climatique », a averti la commission dans son rapport d'enquête.

Par un avis en date du 6 décembre 2023, (3) la CNDP a alors recommandé à STMicroelectronics d'abandonner sa demande d'autorisation environnementale, pourtant en cours de finalisation, faute d'avoir mis en place la procédure de participation du public en amont du projet. L'autorité administrative indépendante a rappelé qu'elle devait être saisie de tout projet d'équipement industriel dont le coût prévisionnel est supérieur à 600 millions d'euros (M€). Or, le coût du projet de STMicroelectronics est compris entre 5 et 6 milliards d'euros (Mds€) selon le rapport d'enquête publique, dont 2,9 Mds€ de subventions de l'État. En outre, le projet présente « de très forts enjeux environnementaux locaux et des enjeux socio-économiques et d'aménagement du territoire nationaux », avait souligné la CNDP.

Risque juridique certain

Malgré cette irrégularité, la société aurait pu ne pas donner suite à cette recommandation dans la mesure où l'enquête publique était terminée, mais elle a préféré saisir officiellement l'autorité administrative indépendante. « À l'issue de l'enquête publique qui a donné lieu à un avis favorable, STMicroelectronics a considéré les recommandations l'incitant à placer sous l'égide de la CNDP la poursuite du dialogue avec le public à laquelle STM s'est par ailleurs engagée, explique la société. L'entreprise a donc saisi la CNDP afin de continuer à expliquer son projet et échanger avec le public. »

À défaut de mettre en œuvre les procédures d'information et de participation du public en amont des projets, « les maîtres d'ouvrage prennent un risque juridique certain et fragilisent les autorisations administratives qu'ils attendent », explique la CNDP à Actu-Environnement. « C'est une perte de temps et l'introduction d'un aléa qui créent un risque important pour le projet, alors que saisir la CNDP en amont, lorsque le projet est en phase d'élaboration, n'introduit pas d'aléa, ne rajoute aucun délai et sécurise l'avancée du projet », explique l'autorité administrative indépendante. Selon Gabriel Ullmann, docteur en droit, « ce n'est pas la première fois que des maîtres d'ouvrage, volontairement ou non, ne saisissent pas la CNDPPar contre, ajoute-t-il, c'est la première fois, à ma connaissance, que la CNDP considère qu'il y a lieu de tout reprendre. C'est historique et ça va dans le bons sens. »

En l'espèce, la procédure est complètement relancée. L'exploitant va devoir attendre l'issue de la procédure de concertation préalable avant de déposer une nouvelle demande d'autorisation environnementale qui donnera lieu à une nouvelle enquête publique. Soit plus d'un an de retard pour la société, sans garantie à ce stade que l'environnement sera mieux pris en compte.

1. Télécharger l'avis de la MRAe
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-43574-avis-mrae-stm-crolles.pdf
2. Télécharger le rapport d'enquête publique
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-43574-rapport-stm-crolles.pdf
3. Télécharger l'avis de la CNDP du 6 décembre 2023
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-43574-avis-cndp-stm-crolles.pdf

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