C'est l'option du confinement du site de stockage souterrain de déchets dangereux de Wittelsheim (Haut-Rhin) qui reprend le dessus. Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a annoncé ce mercredi 20 septembre via un communiqué sa décision de confiner le site de Stocamine « en déclenchant immédiatement les travaux qui doivent impérativement être terminés dès 2027 ».
Comme son prédécesseur Barbara Pompili, qui avait confirmé l'option du confinement en janvier 2021, l'actuel ministre estime qu'il s'agit de la seule solution permettant de s'assurer que les quelque 42 000 tonnes de déchets stockés ne peuvent pas contaminer la nappe phréatique d'Alsace, l'une des plus grande d'Europe. Il annonce la signature d'un plan avec les élus locaux et d'un arrêté préfectoral avant la fin du mois de septembre. Ce texte sera attaqué devant les tribunaux, annonce d'ores et déjà l'association Alsace Nature, comme l'ont été les arrêtés précédents, annulés en octobre 2021 et en janvier 2023 par la justice administrative.
Nouvelle plainte associative
Les associations de protection de l'environnement, regroupées dans le collectif Déstocamine, restent opposées à l'option du confinement qu'elle juge dangereuse pour la nappe phréatique, plaidant toujours pour un retrait des déchets stockés. Alsace Nature a annoncé, deux jours avant le communiqué du ministre, le dépôt d'une plainte contre l'exploitant, les Mines de potasse d'Alsace (MDPA) détenues par l'État, pour faux, escroquerie et défaut de maintenance du site. En juillet 2021, l'association avait déposé une première plainte, sur laquelle enquête actuellement l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp), en raison de soupçons de dissimulation sur la nature des déchets stockés. Dans une enquête publiée ce 20 septembre, Rue89Strasbourg met en cause la société Séché qui a envoyé des déchets interdits à Stocamine, de même que le « jeu de dupes » mené par le ministère de la Transition écologique sur un scénario de déstockage.
« En consultant les différentes études des MDPA ou de l'État, on se rend compte que l'entretien de la mine n'a jamais été fait en vue d'une réversibilité, ce qui était pourtant l'une des conditions posée par l'arrêté préfectoral initial de trente ans qui expire curieusement en 2027, date à laquelle on ne pourra plus faire quoi que ce soit dans cette mine », réagit Stéphane Giraud, directeur d'Alsace Nature, après l'annonce du ministre. Les études posent des conclusions qui ne sont pas celles mises en avant par l'enquête publique, ajoute ce dernier. Cette enquête s'est déroulée du 4 avril au 10 mai dernier sur une nouvelle demande de stockage illimitée déposée par les MDPA. La commission d'enquête a émis un avis favorable sur cette demande, malgré une majorité écrasante de contributions défavorables. Un avis que la commission a toutefois assorti de réserves techniques et de deux recommandations portant sur l'adoption d'une loi garantissant la surveillance du site et sur l'acquisition par l'État de tous les terrains nécessaires à sa bonne gestion.
Négligences de l'État reconnues
Du côté des collectivités, l'opposition à tout confinement paraît aujourd'hui moins absolue. « Le ministre a reconnu les négligences de l'État et a souhaité engager une démarche en toute transparence », admet Frédéric Bierry, président de la Collectivité européenne d'Alsace, dans un communiqué. Celui-ci dit prendre acte de l'annonce du ministre, compte tenu du « délai désormais trop court pour que les mineurs puissent intervenir en sécurité », malgré la demande de la collectivité de déstocker les blocs de déchets facilement accessibles.
Sur sa deuxième revendication portant sur la garantie d'un déstockage total lorsque les techniques robotisées seront matures, le président de la collectivité estime avoir été entendu. « L'État promet ainsi un plan de réversibilité, accompagné de mesures de reconversion du site », se félicite M. Bierry, exigeant toutefois que tous les engagements soient « gravés dans le marbre ».
Alsace Nature fait une lecture très différente des annonces du ministre. « Soit ça sert à rien de couler du béton et c'est totalement réversible, ce qui pose la question du pourquoi de ces travaux, soit l'idée est de faire un sarcophage de béton pris dans le sel et qui permettra de protéger la nappe, et donc il n'y aura pas de réversibilité, réagit son directeur, Stéphane Giraud. « La question de la réversibilité se pose aujourd'hui. On n'est pas face à un problème technique mais à un problème politique et économique », ajoute-t-il.
Cela pose également la question de la confiance des citoyens dans la parole de l'État, pointe le responsable associatif. « Sur un dossier comme Cigéo, on nous dit aujourd'hui : "ne vous inquiétez pas ce sera réversible". On a un exemple en Alsace sur lequel la réversibilité finalement n'est pas possible », dénonce M. Giraud.