"L'organisation de la participation du public par voie électronique (PPVE) constitue une obligation, et non une latitude laissée à la libre appréciation du préfet", précise une note technique du 21 février 2019 signée par la Commissaire générale au développement durable (CGDD) au nom du ministre de la Transition écologique.
Cette note vient préciser le décret du 24 décembre 2018 qui met en place une expérimentation remplaçant l'enquête publique des projets soumis à autorisation environnementale par une simple PPVE. Cette expérimentation, prévue par la loi pour un Etat au service d'une société de confiance (Essoc), est entrée en vigueur le 27 décembre dernier pour une durée de trois ans dans les régions Bretagne et des Hauts-de-France.
Le document précise que l'organisation de la participation du public par voie électronique est une obligation dès lors que les conditions suivantes sont réunies : projets situés en Bretagne et dans les Hauts-de-France, projets soumis à autorisation environnementale et ayant donné lieu à une procédure de "concertation préalable avec garant", quelle que soit l'origine de cette concertation (maître d'ouvrage, préfet, Commission nationale du débat public), projets soumis à évaluation environnementale.
Zones exclues du réseau numérique à très haut débit
La note justifie le choix des régions Bretagne et des Hauts-de-France pour mener à bien cette expérimentation. D'une part, parce qu'"elles accueillent une grande variété de projets industriels ou agricoles soumis à la procédure d'autorisation environnementale". D'autre part, parce qu'"elles comprennent également sur leur territoire, des zones exclues du réseau numérique à très haut débit". Pour le ministère de la Transition écologique, il paraît donc "pertinent" d'expérimenter la participation par voie électronique précisément dans les zones où cette participation est techniquement difficile. Son objectif ? "Identifier les difficultés d'accès".
Ces deux justifications peuvent susciter une suspicion légitime sur la volonté affichée du ministère "d'assurer au public des garanties équivalents à celles dont il aurait bénéficié dans le cadre d'une enquête publique", alors que cette dernière procédure a fait l'objet de plusieurs atteintes ces derniers mois. Elles conduisent à penser qu'un grand nombre de projets vont se voir soustraire à l'enquête publique. "Une consultation par internet (…) n'a évidemment rien à voir et (…) ne permet aucun contact direct entre les maîtres d'ouvrage et les habitants. Voilà une source de débats et de consultation qui disparaît corps et biens", dénonce l'ancienne ministre de l'Environnement dans une tribune publiée par Le Monde. Encore faut-il, en outre, que le public ait accès à internet.
Inciter à la concertation préalable
Certes, le ministère de la Transition écologique veut faire de ce dispositif une mesure incitative à la mise en place de la concertation préalable avec garant. Une procédure, rappelle-t-il, qui permet "d'informer et de recueillir les observations du public à un stade précoce du projet, lorsque toutes les options sont encore ouvertes". Mais, si le travail du garant est important, "cette nouvelle procédure ne doit pas servir à alléger la participation au cours du projet", avertissait Denez L'Hostis, président d'honneur de France Nature Environnement (FNE) lors de la consultation sur le projet de décret. Et de rappeler que cette procédure ne remplace pas le travail du commissaire enquêteur qui organise des réunions publiques, des auditions et rédige des conclusions motivées avec un avis.
Si cette expérimentation se révèle positive aux yeux du ministère de la Transition écologique, le gouvernement proposera au Parlement son extension à l'ensemble des régions françaises. La loi Essoc prévoit une évaluation du dispositif dont les résultats seront transmis aux parlementaires en 2021. En attendant, le ministère demande aux préfets de région de mettre en place un comité de pilotage chargé d'assurer le suivi de l'expérimentation. Un comité qui associera beaucoup de représentants de l'État (services des préfectures et des Dreal, représentants du CGDD) et des porteurs de projets, mais aussi des commissaires enquêteurs et des associations de protection de l'environnement.