"Plusieurs indicateurs, comme la baisse importante des exportations de la France, témoignent de la dégradation de la compétitivité industrielle [du pays]. Le constat a ainsi été fait que la France ne créait pas assez de valeur intrinsèque (interne au pays par l'industrie, les services, l'agriculture…) pour compenser les importations", souligne dans son rapport le groupe de travail sur la compétitivité des entreprises du conseil national de la transition énergétique, avertissant : "Les choix énergétiques ont un impact sur la compétitivité de la France mais ne sont qu'un facteur qui ne suffirait pas à lui seul à relancer la compétitivité".
Autrement dit, le choix du mix énergétique de demain peut handicaper la compétitivité des entreprises mais ne peut pas en être le moteur. Une certitude : l'inaction pèserait sur l'activité économique. S'appuyant sur des exemples étrangers, comme l'Allemagne, la Chine ou encore les Etats-Unis, le groupe de travail souligne la nécessité de mener de front politiques industrielle et énergétique et parle de "transition énergétique compétitive".
Anticiper au-delà de 2025 et épargner les électro-intensifs
Premier constat : le faible coût de l'énergie électrique constitue un atout pour l'industrie française qu'il est primordial de préserver. Si une hausse est néanmoins inévitable, il faut qu'elle soit progressive et prévisible, pour que les entreprises puissent s'y adapter, en améliorant l'efficacité de leur process industriels. Pour cela, elles ont besoin de visibilité et de temps. Le groupe de travail préconise donc de "donner une lisibilité de moyen et long terme à la stratégie énergétique de la France, permettant aux acteurs économiques d'anticiper les évolutions et de lisser dans le temps les évolutions, en inscrivant sur la durée, au-delà de 2020/2025 les engagements déjà pris au niveau international [facteur 4 en 2050…]". Il estime également qu'il est nécessaire de connaître l'évolution de la part du nucléaire dans le mix énergétique au-delà de 2025.
L'Union européenne a un rôle à jouer dans cette transition et dans la défense de la compétitivité des entreprises. Notamment, lors des négociations sur le climat : "L'adoption par l'ensemble des pays d'objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre plus volontaristes qu'aujourd'hui constitue une condition nécessaire (…) pour pouvoir mettre l'ensemble des entreprises mondiales sur un pied d'égalité. (…) En leur absence, les entreprises auront toujours la tentation de se délocaliser dans les pays les moins engagés dans cette lutte".
De plus, le conflit entre l'UE et la Chine sur le photovoltaïque illustre le rôle de l'UE dans la défense des intérêts commerciaux des entreprises européennes. Enfin, l'Europe a un rôle à jouer dans le financement et l'innovation.
Le groupe de travail souligne le déficit d'investissement des entreprises françaises dans l'appareil de production et préconise une aide à sa modernisation. "Cette modernisation est possible en utilisant plusieurs leviers, par exemple une prime à la casse des équipements obsolètes et énergivores, une aide à la première robotisation des PME et un accompagnement technique et organisationnel des PME".
Le rapport souligne que certaines entreprises ou certains secteurs seront plus sensibles que d'autres à une hausse du prix de l'énergie : les services de transport, l'industrie de l'énergie, et les autres industries à forte intensité énergétique. Ces secteurs représentent 8,4% de la valeur ajoutée totale dans l'économie française. De plus, les entreprises électro-intensives réalisent la moitié de leur chiffre d'affaires à l'exportation contre 38% pour l'ensemble des entreprises. C'est pourquoi le groupe de travail préconise d'exonérer de ces hausses les électro-intensifs soumis à la concurrence étrangère. Est cité l'exemple de l'Allemagne où le choix a été fait d'épargner ces industries en faisant supporter la hausse du prix de l'énergie aux ménages et aux petites entreprises. Le groupe de travail n'a cependant pas tranché sur le meilleur dispositif possible et préconise la création d'une mission dédiée à cette question.
Enfin, un suivi macroéconomique sera nécessaire : "L'estimation des conséquences [positives et négatives] d'une augmentation des prix sur la compétitivité de nos entreprises reste cependant à quantifier et à modéliser à l'aide de modèles agréés".
Quelle énergie choisir ?
S'il ne se prononce pas pour une énergie plutôt qu'une autre, le groupe de travail attire l'attention sur certains points.
Ainsi, sur le nucléaire, il rappelle les avertissements de l'autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection nucléaire (IRSN) quant aux incertitudes sur la capacité de prolongation des réacteurs, le coût induit et la vulnérabilité d'un système électrique fortement dépendant d'une seule énergie.
De même, rappelant l'impact d'un fort développement des énergies renouvelables sur les autres énergies (épisodes de prix négatifs, perte de rentabilité de centrales à gaz…), il insiste sur la nécessité de revoir le mode de soutien des énergies renouvelables et de les intégrer progressivement au marché. Il convient donc de mettre en place une marché de capacité européen, et non franco-français, a minima entre la France, l'Allemagne, le Benelux et l'Autriche et de trouver une solution à la rentabilité des installations de semi-base et/ou de back-up des énergies intermittentes.
Plus généralement, le rapport préconise de donner la priorité "aux énergies les plus intensives en emplois, non épuisables, permettant la meilleure maîtrise des prix et favorisant les investissements sur le territoire national, et dans les territoires au plus près des consommations".
Il cite ainsi plusieurs champions français de l'énergie à l'international, comme Alstom et Areva pour l'éolien offshore, Schneider, Homes, Danfos, Atos Origin France pour la régulation des flux énergétiques, Solaire direct qui exporte son expertise de développeur, d'ingénierie et de constructeur dans le photovoltaïque… Outre ces entreprises, plusieurs dizaines d'entreprises françaises produisent des composants vendus aux grands fabricants d'éoliennes étrangers, souligne le groupe de travail.
Celui-ci estime également qu'il faut soutenir "les industries et activités de l'efficacité énergétique active et passive, pour faire de l'économie verte française un pôle d'excellence", notamment dans le génie électrique, électronique de puissance, les réseaux intelligents, dans la rénovation thermique des bâtiments, l'évolution des industries des constructeurs de véhicules, l'évolution de la fabrication et de la distribution des appareils électroménagers, l'économie circulaire, l'éco-conception des produits, le développement de la cogénération dans les industries…