
Rappelons que, Vice-président des Etats-Unis sous l'administration Clinton qui avait signé le protocole de Kyoto (accord qui n'a toutefois jamais été ratifié par le Sénat américain ni même soumis aux Congrès), Al Gore a décidé de s'investir personnellement sur la thématique du réchauffement climatique à la suite de sa défaite à l'élection de 2000. Depuis cinq ans, l'ex Vice-président américain sillonne les États-Unis, multipliant conférences et exposés pour convaincre ses concitoyens de la réalité scientifique du réchauffement climatique et de l'urgence à agir pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Ce film, démonstration à l'américaine qui a le mérite de l'efficacité, concrétise le message le plus important d'Al Gore : Nous ne devons plus considérer le réchauffement climatique comme un problème politique, mais comme le plus grand challenge moral de notre civilisation. Le titre révèle d'ailleurs l'objectif du film car même au niveau de l'administration Bush, le changement climatique ne peut objectivement être renié. Mais reconnaître la véracité du phénomène, c'est se contraindre à prendre des mesures en ce sens, ce qui dérangerait pour le moins l'actuelle administration !
Présenté au festival de Sundance, puis à Cannes, le documentaire produit par Participant Productions, a été déjà reçu 2,5 millions de spectateurs aux Etats-Unis et engrangé plus de 20 millions de dollars de recettes. En France, 100 salles le proposent à l'affiche dont une petite vingtaine sur Paris intra-muros.
Même s'il est appuyé par des projections visuelles des conséquences du réchauffement climatique de scénarii, le film s'adresse de manière responsable au spectateur et ne tente pas de l'infantiliser en lui délivrant des chiffres précis des courbes et des démonstrations scientifiques. En revanche, on pourra reprocher qu'après une démonstration en règle des effets du changement climatique déjà observables, peu de solution soient évoquées si ce n'est quelques conseils de comportements responsables proférés sur le générique de fin.
Conscient que les USA sont responsables de la majorité des émissions de Gaz à effet de Serre***, Al Gore n'en oublie pas pour autant de présenter son film à l'étranger et notamment en France où, l'ex-vice-président américain a été reçu mardi soir à l'Assemblée Nationale par Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée, à l'occasion de la projection de son film à 200 parlementaires à la maison de la chimie.
Je souhaite que ce film suscite un débat et une prise de conscience et veux montrer que l'ensemble des parlementaires a pris conscience de ce problème, a expliqué Jean-Louis Debré lors d'une conférence de presse. Al Gore a souligné, devant les députés et sénateurs français, la gravité de la situation environnementale dans le monde.Les glaciers fondent, la population de la planète a quadruplé en moins d'un siècle… Nous devons faire face à une crise climatique devenue une urgence planétaire prioritaire, a-t-il déclaré tout en ajoutant qu'il ne restait qu'une dizaine d'années pour réagir et tenter de limiter le dérèglement climatique.
Mais toucher l'opinion publique est une chose, convaincre les décideurs en est une autre, a prévenu Jean-Louis Debré qui a toutefois annoncé, sous l'impulsion de Yann Arthus-Bertrand****, que l'Assemblée allait mettre en œuvre la compensation de carbone.
On ne peut donc s'empêcher de penser que si les élections de 2000 aux USA avaient connu une issue différente, le monde actuel serait certainement différent, et l'avenir prendrait une allure différente de celle qui se dessine. Une réflexion qui amène logiquement à imaginer la candidature de cet homme aux présidentielles américaines. Mais sur ce point, Al Gore a assuré aux journalistes présents à la conférence de presse à l'Assemblée Nationale, que s'il ne pouvait totalement écarter l'éventualité de se représenter à la présidentielle en 2008, il préférait influer sur les mentalités pour obliger les candidats à se saisir de cette question. Une démarche qui n'est pas sans rappeler celle entreprise par Nicolas Hulot depuis quelques mois.
*Une vérité qui dérange (An Inconvenient Truth)
Un film de David Guggenheim avec Al Gore
Distribution UIP
Sortie en salles : 11 octobre 2006
www.criseclimatique.fr ou www.climatecrisis.net
**L'ancien vice-président des États-Unis Al Gore est aujourd'hui président de Current TV, une chaîne indépendante de télévision d'information par câble et par satellite, destinée aux jeunes. Il est également président de Generation Investment Management, une entreprise qui développe une nouvelle approche en matière d'investissement durable. Al Gore est membre du comité de direction d'Apple Computer Inc. et conseiller senior de Google Inc. Al Gore fut élu à la Chambre des représentants du Congrès américain en 1976 et au Sénat en 1984 et 1990. Il fut officiellement intronisé en tant que 45e vice-président des États-Unis le 20 janvier 1993 et occupa ce poste huit années durant. Il est l'auteur de Sauver la planète Terre. L'écologie et l'esprit humain (Paris, Albin Michel, 1993). Son livre Une vérité qui dérange publié d'après le documentaire réalisé par Davis Guggenheim devrait paraître en janvier 2007.
***Avec 5 % de la population et un tiers de l'économie mondiale, le pays est le premier pollueur de la planète, générant, selon les calculs, entre 21 % et 25 % des émissions de gaz à effet de serre.
****L'association Goodplanet précidée par Yann Arthus Bertrand et l'ADEME propose aux entreprises, collectivités et particulier de réduire leur impact sur le climat. www.goodplanet.org