Les consommateurs prendraient-ils prétexte de l'obsolescence programmée pour réduire la durée de vie des produits qu'ils possèdent ? C'est une question que l'on peut se poser à la lecture de l'avis que l'Agence de l'environnement et de l'énergie (Ademe) a publié lundi 14 mars sur l'allongement de la durée de vies produits. Allongement en faveur duquel l'établissement public se positionne bien entendu favorablement, sauf raison impérieuse de santé, de sécurité, ou de rupture technologique amenant des gains environnementaux significatifs.
"Selon un sondage de l'Institut national de la consommation réalisé en 2014, plus de 90 % des consommateurs sont méfiants vis-à-vis des industriels en estimant que la durée de vie des produits est programmée", rappelle l'Agence. Mais elle souligne leur position paradoxale puisqu'ils considèrent en même temps que les équipements sont aujourd'hui "plus utilisés, plus performants, plus efficaces et moins consommateurs d'énergie". Qu'en est-il réellement ? "Les études ne montrent pas de tendance claire sur une réduction de la durée de vie des produits", constate l'Ademe, soulignant toutefois la difficulté des comparaisons dans le temps compte tenu de l'évolution des usages des équipements.
"Plus que la programmation de leur obsolescence, c'est le manque de qualité et le fort taux de renouvellement de certains produits qui posent aujourd'hui problème", conclut l'Ademe, même si les cas d'obsolescence programmée existent bel et bien, comme l'illustre l'existence d'imprimantes qui bloquent l'impression au-delà d'un certain nombre de feuilles imprimées.
Les consommateurs ont en effet tendance à privilégier les produits les moins chers, qui sont bien souvent ceux dont la qualité est la plus médiocre. Mais l'Ademe pointe aussi les "effets de mode" qui incitent à changer régulièrement ses produits. Et on pense là aux effets ravageurs du marketing. L'exemple du smartphone vient immédiatement à l'esprit avec un temps de renouvellement estimé à 20 mois alors que "la durée de vie technique de ces équipements est très largement supérieure". L'Agence relève aussi d'autres explications : frein à la réparation et au réemploi, manque d'information sur la qualité et la durabilité des produits au moment de l'achat.
Comment remédier à cela ? Si l'Ademe rappelle les dispositions votées en faveur d'un allongement de la durée de vie des produits dans la loi Hamon de 2014 et la loi de transition énergétique de 2015, elle préconise d'en "relever l'ambition" au niveau européen. Ce qui pourrait se faire via le paquet "économie circulaire" actuellement en discussion entre les différentes instances européennes.
Parmi les actions proposées par l'Agence figure logiquement une meilleure information des consommateurs sur la durée de vie des produits. "La disponibilité d'une information sur la durée de vie des produits au consommateur serait de nature, non seulement, à le guider vers des produits plus durables, mais pourrait aussi stimuler la concurrence des fabricants sur la qualité et la longévité de leurs produits", indique l'avis. Pour cela, l'Ademe préconise de développer un affichage portant sur la durabilité du produit, ou sa durée en nombre d'heures de fonctionnement ou de cycles, ou encore sur son impact environnemental. La faisabilité d'un affichage sur la durée de vie normative est démontrée, explique-t-elle, par les lampes basse consommation qui font l'objet d'une telle obligation.
Une information sur les intérêts financiers pour le consommateur paraît également importante aux yeux de l'Ademe, de manière à ce qu'il prenne en compte le prix d'usage du produit plutôt que son seul prix d'achat. "Contrairement à la sensibilité écologique, l'argument financier est très souvent le moteur décisionnel du consommateur", constatent en effet les auteurs du rapport qui a servi de support à l'avis. L'objectif, précisent-ils, est d'encourager l'achat de produits durables (achats rentables à long terme), une utilisation optimale des produits (entretien, usages etc.), et de promouvoir les démarches de la réparation et du réemploi alors que peu de consommateurs aujourd'hui font réparer leurs produits. "En 2013, les deux tiers des télévisions tombées en panne n'ont pas donné lieu à recherche de réparation", revèle l'Ademe.
Une autre voie d'amélioration est celle d'un meilleur entretien des produits. "Une partie non négligeable des pannes pourrait ainsi être évitée avec davantage d'entretien et un usage en « conditions normales d'utilisation »", relèvent les auteurs du rapport. Bref, serait-on tenter d'ajouter, il devient urgent d'adapter l'utilisation de son produit en prenant en compte sa valeur réelle au regard de ses impacts sur les ressources, de ses émissions de gaz à effet de serre, des pollutions qu'il engendre et des déchets qu'il produit.